Chez Loom, notre mission, c'est de concevoir les vêtements les plus résistants possibles avec le plus petit impact sur la planète et les êtres humains, le tout sans faire exploser les prix. Autrement dit, on voudrait que nos vêtements aient le meilleur rapport “qualité-éthique-prix” .Mais en 2018, on a réalisé que ce n’était pas trop le cas de la deuxième génération de notre chino. On a acheté une demi-douzaine de chinos de diverses marques, et on a comparé la tenue des couleurs après six cycles de lavages-séchages un peu durs : 40°C sans les retourner (sacrilège) + sèche-linge. Et les résultats ne nous ont pas vraiment fait plaisir : sans être catastrophique, notre chino était loin d’être le plus résistant.
On a donc décidé de ne pas passer de nouvelles commandes de ce chino et de rester en rupture de stock tant qu’on n'aurait pas augmenté la qualité d’un cran.
Un tissu, c'est un peu comme un plat au resto. Vous pouvez choisir celui avec les meilleurs ingrédients, parfois, la recette n'est pas ouf. Même si vous sélectionnez le meilleur fil, le meilleur tissage, la meilleure teinture, la seule façon de s’assurer que le tissu est le plus solide, c’est de tester. On a donc récupéré un maximum d’échantillons de fournisseurs et de compositions différentes, puis on les a passés une dizaine de fois en machine. Et on a découvert que, quelque part au fin fond d'un village gaulois, il existait un petit bout d'irréductible tissu qui résistait encore et toujours aux lavages. Et ce tissu, il était fabriqué par l'entreprise alsacienne Velcorix. Euh, pardon : Velcorex.
Le métier de Velcorex, c’est de tisser et “d’ennoblir” les tissus, par exemple en les transformant en velours ou en leur appliquant une teinture (ça tombe bien). À l’heure où toute l’industrie textile française se délocalisait en Asie, le boss de Velcorex, Pierre Schmitt, a tout fait pour maintenir le business en Alsace en mettant le paquet sur la qualité. Bilan : l’usine emploie aujourd’hui 100 personnes et tourne à plein régime (vous pouvez l’écouter parler ici et nous rejoindre dans le club de ses fanzouz). Comme teinture et eaux usées font rarement bon ménage, ils ont construit leur propre station d‘épuration et tous leurs produits sont certifiés OEKO-TEX®. C’est comme ça qu’on arrive à avoir une usine textile au milieu du Parc naturel des Ballons des Vosges.
Notre premier confectionneur était bien, mais pas top. On a réalisé que pour améliorer notre chino, il fallait qu'on travaille avec une usine qui soit autant orientée qualité que nous. C'est comme ça que les gars de Velcorex nous ont présenté Andreia. C’était en septembre 2018, Loom était encore petite et l’usine d’Andreia à Porto aussi. Depuis, Andreia a embauché une dizaine de personnes. Nos deux entreprises grandissent en parallèle, et on doit vous avouer que ça a créé entre nous un attachement un poil émotionnel.On a bossé avec elle sur chacun des points de fragilité des chinos :
Et pour éviter de vous vendre un pantalon à plus de 100 euros, on a réfléchi avec elle à simplifier la confection : une seule poche arrière, pas de poche à pièce (qui s’en sert vraiment ?), pas de “V d’aisance” à l’arrière, imprimer la taille sur l'étiquette de compo plutôt que produire deux étiquettes différentes...
On a le tissu, on a le confectionneur, il nous manque plus qu’à développer le bon patronage. Certes, c’est important qu’un pantalon fasse de jolies fesses, mais pour prolonger la durabilité, une bonne coupe doit aussi minimiser les tensions sur les coutures et les frottements du tissu. On a donc fait appel à quelqu'un qui s'y connait, le modéliste pantalon d'une grande maison de couture. Ça nous a pris une demi-douzaine de prototypes pour arriver à une coupe qui nous satisfait vraiment.
On ne veut pas refaire les mêmes erreurs qu’au début, alors on teste et on reste le chino. Première étape : lui faire subir plusieurs cycles de lavages-à-40°C-sèche-linge-et-tout-ça-sur-l’endroit. À l’oeil nu, vous pouvez voir que les résultats sont plutôt bons : il y a un peu de décoloration, mais la couleur tient très bien, même sur les zones de frottement comme la braguette et les passants de la ceinture.
Deuxième étape : porter ce chino, beaucoup. Pendant plusieurs semaines, les garçons de l’équipe ont porté les prototypes successifs pour finalement ne plus quitter le modèle final (la légende dit qu’ils lavaient ce pantalon pendant la nuit pour pouvoir le remettre au matin). Bilan : non seulement il est hyper confortable (il a juste ce qu'il faut d’élasthanne pour enfourcher son vélo facilement), mais en plus, il se déforme très peu (il ne fait pas de “poches” au niveau des genoux, par exemple). Ça, c’est parce qu’il a un secret : notre tissu contient des filaments d’élastomultiester, qui lui permettent de très bien retrouver sa forme d’origine après avoir été détendu.
Ce chino n’est pas parfait. C’est seulement le meilleur compromis qu’on a trouvé à ce stade entre qualité, éthique et prix. Voici tout ce qui nous semble encore améliorable :
1 Cette formulation n'est pas une faute grammaticale mais une référence à "plus bonne que la plus bonne de tes copines" de NTM au cas où, comme un membre inattentif de l'équipe Loom, vous n'ayez pas compris la référence.
Qui on est pour dire ça ?
Vous êtes sur La Mode à l’Envers, un blog tenu par la marque de vêtements Loom. L'industrie textile file un mauvais coton et c'est la planète qui paye les pots cassés. Alors tout ce qu’on comprend sur le secteur, on essaye de vous l’expliquer ici. Parce que fabriquer des vêtements durables, c’est bien, mais dévoiler, partager ou inspirer, c’est encore plus puissant.
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Début 2017, on faisait des tests avec une usine pour développer à la fois notre polo et notre hoodie (les deux pièces sont tricotées sur le même type de machine).
Au bout de quelques mois, on a dû se rendre à l’évidence : ni sur un produit ni sur l’autre, l’usine avec laquelle on travaillait n’était au niveau. Alors, on en a cherché une meilleure. On vous passe les détails, mais après en avoir visité une dizaine, on a rencontré Jose-Pedro et on a compris qu’il n’y avait pas photo. C'est avec lui qu'on a fabriqué un hoodie particulièrement résistant. Bref, c’était logique de développer aussi notre polo avec lui.
De notre petite expérience et après avoir lu des dizaines d'articles sur le sujet, on a compris qu’il y a trois choses qui pèchent habituellement pour la matière du polo (qu’on appelle “piqué”) :
On a commencé sur un piqué 100% coton bio certifié GOTS, fibres longues (comme d’hab) et densité suffisante (240 g/m2) pour qu’il bouloche le moins possible, ne décolore ni ne rétrécisse au lavage et que le col tienne dans le temps. En quelques semaines, on développe un piqué à partir d'un fil dit "compact", une technique assez récente de filature permettant de le rendre encore plus solide. La matière nous semble belle et résistante, encore faut-il la tester..
D’habitude, on fait tester nos prototypes dans des laboratoires spécialisés. Mais certains types d'usure comme un col qui gondole ou une décoloration inégale (assez propres au polo) sont mal retranscrits par des analyses chiffrées de laboratoires professionnels. Du coup, on a décidé d’installer notre propre labo de test.
En fait, ce n’est pas si compliqué à faire. Il vous faut :
Achetez une dizaine de polos du commerce : de la fast fashion, des marques emblématiques de ce vêtement, des marques qui ont la réputation d’avoir un excellent rapport qualité-prix. Mesurez-les. Lavez-les. Mettez-les au sèche-linge. Mesurez-les à nouveau. Et comme ça cinq fois de suite. Prenez une photo de ces polos après ces cinq cycles de lavage-séchage. Puis comparez.
Voici les photos des polos des différentes marques après 5 cycles de lavage-séchage :
Le truc qui nous a sauté aux yeux, c’est le problème de décoloration : même sur des polos à plus de 100 euros, il y a des résultats un peu scandaleux (et on ne vous parle même pas du polo de la fast fashion). Remarque identique pour la tenue du col : la qualité est rarement au rendez-vous, peu importe le prix qu'on met.
L’autre constat, c’est que tous les polos (même ceux de bonne qualité) perdent entre 5 et 13% de longueur. En fait, c’est le propre du piqué : même le meilleur polo du monde rétrécit un peu au lavage.
Bilan de ces tests : notre polo est celui qui rétrécit le moins au lavage et arrive en deuxième position quand on parle résistance des couleurs et du col. Cela ne veut pas dire qu'il ne décolorera pas et que le col restera tenace comme au premier jour (c'est impossible sur du 100% coton), ni que c'est le meilleur de tous les polos. Juste, il tient mieux que les autres qu'on a testés.
Comme d'habitude, pour la confection, on vous a envoyé un questionnaire. Et vous avez été 1700 à nous dire ce qui ne va pas avec vos polos.
Sans surprise, vous avez dénoncé en masse la décoloration et la tenue du col. Vous avez aussi parlé de déformation de la matière et de vrillage. Avec la qualité du piqué qu’on a développé, on devrait être OK sur tout ça.
Vous avez aussi mentionné le problème de rétrécissement. Pour résoudre ça, on a fait deux choses : prélaver le polo à l’usine pour qu’il arrive chez vous déjà prérétréci et ajouter un peu de longueur par rapport à notre barème de taille habituel, pour qu’il ne vous fasse pas un crop top après trois lavages.
Après avoir déchiré deux prototypes en tirant dessus comme des boeufs, on a ajouté des coutures de renfort au-dessus des fentes latérales. Et comme plusieurs d’entre vous ont mentionné des trous aux pattes de boutonnage, on a fait les mêmes coutures que celles des polos haut de gamme.
Enfin, vous êtes pas mal à vouloir que les manches du polo vous serrent les biceps. On a fait une ouverture un peu plus resserrée que la moyenne : si vous soulevez suffisamment de fonte, vous devriez pouvoir sentir ce petit élastique sur vos muscles saillants.
Question style, vous avez choisi une coupe ajustée, des boutons ton sur ton. Côté couleurs : votre top 3 était bleu marine, gris chiné et noir.
(Mise à jour de l’article : avril 2021)
Après un an, 97% de ceux qui ont acheté le polo 1re génération continuent de le porter. La deuxième génération est aussi solide et en plus :
- Il est en coton bio (parce que faire autrement, ce n’est pas possible).
- Le col est moins haut derrière le cou.
- La couture du revers intérieur en bas a été améliorée pour qu'elle ne s'effiloche pas.
Le prix est 5 euros plus élevé que le polo 1re génération, car il nous coûte en moyenne 20% plus cher à fabriquer.
(Mise à jour de l’article : juillet 2022)
Le polo existe maintenant en bleu marine, gris chiné et blanc.
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On ne change pas une industrie sans se oser une question fondamentale : d’où vient l’argent ?
Quand on monte une boîte, il existe deux stratégies :
1/ La stratégie start-up, c’est-à-dire avoir une croissance exponentielle avec l’ambition de rapidement conquérir le monde
2/ La stratégie PME, qui consiste à créer une entreprise qui va se développer doucement mais sûrement
Il n’y a pas une vision meilleure que l’autre : les deux modèles correspondent juste à deux états d’esprit différents.
Mais aujourd’hui, on dirait que toutes les personnes qui montent une boite ne se posent même pas la question : ils et elles veulent créer une start-up. Parce que les médias ne parlent que de ça, parce que c’est plus cool à dire en soirée (enfin, dans certaines soirées) et parce que, potentiellement, ça peut les rendre très riches.
Ces start-ups vont généralement “lever des fonds”, c’est-à-dire demander de l’argent à des fonds d’investissement (= organisme qui place de gros investissements personnels pour récupérer le plus d’intérêts possibles). Pour leur rendre l’argent, ces fonds doivent récupérer celui investi dans les start-ups – avec le maximum d’intérêts – au bout de 4 à 10 ans. Cela peut se faire de trois manières :
1/ En revendant la start-up à une autre entreprise.
2/ En revendant la start-up à un autre fonds d'investissement.
3/ En l'introduisant en bourse (plus rare).
En aucun cas, la start-up ne pourra rester une entreprise indépendante (sauf peut-être dans la situation extrêmement rare où l'entreprise s'auto-endette pour racheter son indépendance). En levant des fonds, elle devra grossir le plus vite possible pour se revendre le plus cher possible. C’est la course à la croissance. Bien sûr, certains fonds sont plus patients que d'autres et accompagnent les entrepreneurs et entrepreneuses même dans les moments difficiles, mais l'objectif long terme reste le même : revendre dès que possible avec la plus-value la plus forte possible.
Pour certains types d’entreprises, cette croissance rapide est indispensable, notamment quand il faut très vite atteindre une “taille critique” : par exemple Airbnb, qui doit proposer beaucoup d’offres pour les touristes et beaucoup de demandes pour les propriétaires d’appartements.
Le vrai problème, c’est qu’aujourd’hui, trop d’entreprises qui se créent se considèrent comme des start-ups. Elles lèvent des fonds puis s’engagent dans une course à la croissance qui comporte pour elles beaucoup plus de risques que de bénéfices.
Dans une étude sur plus de 3 000 start-ups, des universitaires de Stanford ont montré que la cause principale des échecs, c’était précisément la croissance prématurée.
Imaginez que vous venez de lever plusieurs millions d’euros. Si votre entreprise ne grandit pas assez vite, vous êtes pris au piège. Vous allez faire de la pub plutôt qu'améliorer votre produit, embaucher une équipe commerciale plutôt qu'une équipe ingénierie, etc.
Vous vous souvenez de Groupon ? Au bout d'un an d'existence, la valeur de l’entreprise était estimée à 1 milliard de dollars. Aujourd’hui, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Pourquoi ? Parce qu’au lieu de rétribuer correctement les commerces, elle a tout claqué dans la pub ou l’expansion internationale.
La croissance rapide compromet les chances de créer une croissance durable.
Comme chez un arbre qui n’aurait pas eu le temps de faire des racines solides, une croissance trop rapide crée des failles qui laissent l’entreprise à la merci de la première tempête. Pour celles et ceux qui investissent, ce n’est pas très grave : comme leurs investissements sont répartis dans des dizaines de start-ups, il suffit qu’une seule “marche” pour compenser la chute de 15 autres... Pour celles et ceux qui perdront leur boulot quand l’entreprise mettra la clef sous la porte, c’est plus embêtant.
Mais cette fragilité des start-ups n’est qu’un moindre mal. Leur croissance rapide pose trois autres problèmes bien plus inquiétants.
Il existe un terme très en vogue dans la Silicon Valley : le blitzscaling (la “croissance éclair”). Ça consiste à grandir le plus vite possible pour écraser la concurrence, et ça, sans forcément créer le meilleur service ou le meilleur produit.
Comme pour les voitures/vélos/trottinettes en libre-service ou la livraison à la demande. Qu'Uber grossisse encore ? Ça ne change rien pour la clientèle. Le temps d’attente est déjà si bas que recruter de nouveaux chauffeurs ne le réduira plus de manière significative. Par contre, plus Uber sera gros, plus il aura de chance d’éliminer la concurrence... alors la société investit toujours plus en marketing et en publicité.
Deliveroo et Uber Eats ont fait disparaitre Take Eat Easy ou Foodora à grands coups de pubs sur Facebook ou dans le métro. Et quand l’une de ces deux start-ups sera en situation de monopole, elle se remboursera peut-être sur le prix des repas, sur les salaires des livreurs et sur les commissions de la restauration.
Bref, aujourd’hui ce n’est pas cher, mais demain on payera probablement le prix fort.
Avec cette course à la croissance, le rythme de travail en start-up peut devenir absurde. Mention spéciale à Nikolay Storonsky, à l'origine de la banque en ligne Revolut qui demande à ses équipes de bosser 12 à 13 heures par jour et qui déclare : “Je ne comprends pas en quoi avoir une vie perso peut vous aider à construire une start-up” (sic). Ce n'est bien sûr pas le cas de toutes les start-ups, mais si les fondatrices et fondateurs ne sont pas vigilants, les horaires peuvent vite mettre en péril l'équilibre de vie des personnes salariées.
Ces start-ups dopées à l’argent des fonds d’investissement bouleversent nos emplois et nos habitudes à une vitesse sans précédent. Tellement vite que la société n’a pas le temps de s’ajuster. Oui, Uber a créé en quelques années des centaines de milliers d’emplois de chauffeurs… mais il les détruira encore plus vite quand il déploiera la voiture autonome. Comment les États arriveront-ils à protéger ces personnes mises au chômage du jour au lendemain ? (Et on ne parle même pas de la précarité de tous ces emplois créés, comme ceux qui consistent à conduire des voitures, livrer les repas ou recharger les batteries de trottinettes). Les start-ups naissent souvent avec l'objectif de rendre le monde meilleur, mais leur mode de financement peut parfois aboutir au contraire.
Mais surtout, la croissance de ces entreprises est si rapide qu’elles n’ont pas le temps de mesurer leur impact sur l’environnement (si tant est que ça les intéresse). Elles réfléchissent en années, alors que les conséquences environnementales se mesurent en décennies ou en siècles. Exemple : en fabriquant des vélos pourris par millions qui finissent par s’entasser dans les décharges, les startups de vélo en libre-service ne pensent pas vraiment à l’épuisement des réserves de métaux.
L’échelle de temps de la nature n’est pas celle d’un fonds d’investissement.
Aussi louables que soient les valeurs initiales des fondateurs et fondatrices, la course à la croissance les rend caduques.
Sans finance éthique, il ne peut y avoir d’entreprise éthique.
On cite souvent Patagonia comme l’exemple ultime d’entreprise éthique, ultra-engagée pour la protection de l’environnement, et succès entrepreneurial avec plus de 2 000 personnes salariées aujourd’hui. Mais est-ce que la marque existerait encore si elle avait dû maintenir une croissance effrénée, quitte à compromettre la qualité ? Probablement pas. Quand en 1991, elle décide de limiter sa croissance annuelle à 5%, quel fonds d’investissement aurait accepté cette décision ?
Patagonia est une société qui n’appartient à personne d’autre que ses fondateurs, c’est ce qui garantit son indépendance d’action (et lui permet de menacer d’attaquer Trump en justice).
On vous le dit très clairement :
Nous ne voulons pas être une start-up.
Parce que dans l'industrie textile, la course à la croissance est particulièrement dangereuse :
Est-ce que Loom pourra un jour atteindre le niveau d’engagement de Patagonia ? On y travaille d’arrache-pied mais rien n’est sûr. Par contre, si on lève des fonds de manière classique, on a la certitude de ne jamais y arriver.
On veut pouvoir être en rupture de stock sur un produit pendant plusieurs mois si on pense que nos prototypes ne sont pas au niveau.
On veut pouvoir fermer notre site pendant le Black Friday pour dénoncer l’absurdité de ces promotions.
On veut pouvoir passer au coton bio et réduire notre marge si c’est le prix à payer.
On veut pouvoir passer des coups de gueule et expliquer l’envers du décor sans crainte de faire peur à une ou un potentiel acquéreur.
Pourtant, nous avons la conviction qu’il faut grandir pour véritablement favoriser le changement.
D’abord, pour répondre à la demande : aujourd’hui, nos produits sont en rupture de stock à peine quelques semaines après leur mise en vente. Pour certaines marques, cela peut être une stratégie, pour nous, c’est une situation qui ne peut être que temporaire.
Ensuite, atteindre une taille plus importante, c’est notre chance de remettre l’industrie de la mode à l’endroit. Plus elle sera importante, plus notre voix portera, aussi bien du côté de la consommation que de la fabrication. On rêve qu’un jour les vêtements qui durent longtemps soient la norme et non plus l’exception. On voudrait rendre impensable de produire au Bangladesh. On aspire à ce que la conscience environnementale soit au coeur de l’industrie textile et ne se résume pas à la création d’un poste RSE juste après un scandale écologique.
Bref, on doit croître. Croître à notre rythme, sans faire de concession sur la qualité ou l’éthique, croître en sachant que notre croissance n’a pas vocation à être infinie mais à nous faire atteindre une taille suffisante. Et pour croître, Loom a besoin d’argent.
“Mais pourquoi avez-vous besoin d’argent si de plus en plus de gens achètent chez vous ?”
Excellente question, Dominique.
Pour avoir des produits en stock, nous les commandons et les payons à celui ou celle qui les fabrique avant de pouvoir les vendre. C’est ce décalage, ce “besoin en fonds de roulement”, qui est la cause de notre besoin. Plus nous grossissons, plus ce besoin grandit (jusqu’à un certain seuil).
Voir notre communauté prendre des parts dans notre société, on en a très envie. Depuis le début, vous participez à la création des vêtements, à leur amélioration, à faire connaître la marque. La suite logique1 est de vous donner l’opportunité de devenir actionnaires de Loom.
C’est pour ça que nous lançons une levée de fonds participative, à laquelle vous (et n’importe qui) peut contribuer.
“Mais si j’investis chez vous, j’aurai quoi en échange (à part bonne conscience) ?”
Décidément Dominique, c’est bonne question sur bonne question.
C’est hyper simple : on va vous verser des dividendes. Non, ce n’est pas un gros mot, et non, ce n’est pas que pour les gros messieurs qui fument des cigares.
Lorsqu’on fera assez de bénéfices, on vous en reversera une partie2. Petit à petit, année après année, vous pourrez récupérer votre investissement initial et (on espère) plus encore. On ne va pas vous mentir : on fera de notre mieux, mais il est possible qu’on se plante ou que ça prenne du temps. Alors, n’investissez que ce que vous acceptez de perdre.
Vous pouvez devenir actionnaire de Loom à partir de 100 euros. C’est trop pour vous ? Alors, n’investissez pas. Répondre à nos questionnaires, acheter nos vêtements, nous dire comment les améliorer, nous suivre sur les réseaux sociaux, c’est déjà beaucoup nous aider. Vous pouvez aussi partager cet article sur Facebook, sur Twitter ou sur LinkedIn.
Si vous suivez Loom, c'est que vous aussi, vous trouvez que le monde du textile a un problème. Pour faire partie de la solution, il faut changer comment on s’habille. Mais aussi la manière dont fonctionnent nos entreprises.
On nous disait que les petits actionnaires, ça ne serait que des emmerdes. Que le crowdfunding, ce n’est pas une bonne idée. Qu’on ne récolterait pas assez d’argent. Que les gros investissements, c’est quand même bien pratique. Pour les raisons évoquées plus haut, on vous a quand même demandé d’investir chez Loom.
Il a suffi de 3 jours pour lever 700 000 euros. Plus de 600 personnes ont répondu présentes. L’équipe de LITA.co hallucine complètement. Notre campagne devait durer jusqu’à fin avril. En fait, elle a été bouclée dès le 31 mars, à minuit.
Vous nous avez donné la liberté dont on avait besoin pour continuer. Jamais on ne devra s'engager dans une course à la croissance absurde. Personne ne nous demandera de revendre Loom le plus cher possible. Et on ne taira pas non plus nos convictions de peur d'effrayer un investisseur potentiel. Bref, on a gagné. Et on a reçu tellement de messages de soutien qu'on a compris un truc : les petits actionnaires, ce ne sont pas des emmerdes, c’est une énorme force.
Grâce à votre soutien, Loom va pouvoir poursuivre son combat. Grâce à vous qui avez investi. Mais aussi grâce à vous qui achetez nos vêtements, qui répondez à nos questionnaires, qui nous dites comment nous améliorer. Vous qui parlez de nous à vos potes, qui lisez nos newsletters, qui partagez nos articles. Bref, grâce à vous toutes et tous, qui, d'une manière ou d'une autre, vous impliquez dans ce projet. Aujourd'hui, Loom n'est plus seulement notre marque, c'est aussi la vôtre.
Julia Faure et Guillaume Declair, co-fondatrice et co-fondateur de Loom
1 Nous avons aussi activé trois autres leviers de financement 1/ Les prêts bancaires : nous passons par une banque éthique, la Nef, orientée vers des projets ayant une utilité sociale ou écologique (les autres banques partent en courant quand on dit qu'on vend sur internet) 2/ Les fonds dits “evergreen” qui ne sont pas obligés de rendre l’argent à leurs propres investisseurs et ne vont donc pas nous imposer de croissance rapide. Ça commence à émerger mais ils investissent – pour l’instant – dans des boîtes beaucoup plus grosses que nous. 3/ Les “business angels” : des personnes qui ont souvent déjà monté une boîte par le passé et qui investissent dans d’autres boîtes. Certaines nous ont déjà donné leur accord pour investir chez Loom.
2 Chaque année, nous aurons trois choix pour reverser les bénéfices : soit nous les réinvestirons dans Loom, soit nous les donnerons aux salariés en participation/intéressement, soit nous les verserons en dividendes en actionnaires à hauteur du nombre d’actions possédées.
Qui on est pour dire ça ?
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Au départ, les soldes ont été inventées pour écouler les derniers maillots de bain et faire de la place aux doudounes. Bon, pas exactement parce qu’on était au XIXe siècle, mais vous avez l’idée : les soldes permettaient d’écouler les stocks de la collection d’été avant de passer à la collection d’hiver, et inversement.
Depuis, deux choses ont changé :
Comme le dit Wikipédia, même si elles prétendent le contraire, les marques n’ont plus vraiment besoin de faire des soldes. Pourtant, on dirait que les promotions ne s'arrêtent jamais : -70% pour Black Friday. -35% pendant les pré-soldes. -50% pour la fête des Mères. -45% parce qu’on est en semaine paire.
Résultat ? En France, un vêtement sur deux est vendu en solde ou en promo.
Avec des promos aussi fréquentes, est-ce que les bonnes affaires se multiplient pour autant ?
Non.
C’est parce que les marques n’arrivent plus à vendre autrement. C’est parce qu’on nous a tellement donné l'habitude d'acheter en promo que tout nous semble trop cher le reste du temps. Pour la clientèle comme pour les marques, le discount est devenu une drogue.
Pour maintenir ce rythme effréné de promotions, les marques ont quatre options :
Chez Loom, au début, on a fait l’erreur d’offrir des promotions par-ci, des codes promo par-là... Parce qu’on n’y avait pas trop réfléchi. Parce que (presque) tout le monde fait ça dans le e-commerce. Parce que les clientes et clients nous le demandaient. Et puis on a décidé d'arrêter. Voici pourquoi :
Nous ne sommes pas la première entreprise à renoncer aux soldes et nous ne serons pas la dernière. Partout en France et dans le monde, des marques et des consommateurs et consommatrices prennent le contre-pied d’une industrie de la mode qui marche sur la tête. Et c’est tant mieux.
Achetons moins. Achetons mieux.
Qui on est pour dire ça ?
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C’était en décembre 2017. Toute l'équipe était tombée d’accord : s'il y a bien un vêtement “jetable” dont on voulait allonger la durée de vie, c'est les chaussettes.
On vous a alors envoyé un petit questionnaire pour nous aider à construire celles que vous ne jetterez pas de sitôt et vous avez été plus de 2000 à répondre à l'appel.
D’abord, on a fait un constat sur leur durée de vie : moins d’un an pour 40 % d’entre vous. On s’attendait à pire. Mais on se disait aussi qu’on pouvait faire mieux.
Ensuite, vous nous avez bien fait comprendre que les deux principaux problèmes, ce sont 1/ votre gros orteil qui s’échappe, 2/ le talon qui s’use. Vous êtes aussi nombreux et nombreuses à nous avoir parlé de l’élastique qui se détend et de l’usure au niveau du tendon, là où le bord de la chaussure frotte.
Côté style : sans grande surprise, vous nous avez demandé des chaussettes classiques, qui arrivent à mi-mollet, sans rainure, en bleu et noir en priorité, même si vous avez aussi pas mal rêvé de couleurs vives et originales (une demande qu’on trouve plutôt courageuse, vu notre actuelle gamme colorée).
Tous vos feedbacks, on les a lus, classés, analysés avant de partir, avec ça en poche, chercher une usine avec qui développer ces chaussettes qui tiennent.
D’habitude, on cherche plutôt nos usines du côté du Portugal. Jusqu’ici, c’est là qu’on trouvait les meilleurs partenaires. Mais pour la chaussette, on trouvait ça dommage de passer la frontière.
S’il y a bien une chose que les Françaises et Français savent faire (à part les croissants et la grève), ce sont les chaussettes.
Vous en avez peut-être marre de ce discours, mais même en produisant en Europe, et même en France, ce n’est pas évident de trouver des usines qui savent faire de la qualité et qui acceptent de développer un nouveau produit pour une petite marque (oui, un mythe s’effondre, on est une petite marque). Après avoir rencontré plusieurs usines, on en a trouvé une avec qui ça matchait bien : Atelier Joly.
Déjà, parce que sa réputation la précédait : l’entreprise a été certifiée Entreprise du Patrimoine Vivant pour l’excellence de son savoir-faire. Ensuite, parce que dans cet atelier, les gens étaient motivés pour faire de la R&D avec nous, pas juste apposer notre logo sur une chaussette produite depuis 10 ans pour 1000 autres marques. Enfin, côté valeurs, on parlait vraiment le même langage : qualité, éthique, traçabilité de l'approvisionnement font partie de leur vocabulaire quotidien.
Et puis l’histoire de cette petite entreprise est vraiment géniale. À 26 ans, la boss ramène 50 chèvres du Texas et se lance dans la première production française de mohair. La boîte grossit et rachète en 2007 l'entreprise façonnière qui fabrique ses chaussettes puis en 2013 celle qui fabrique ses pulls, alors qu'elles allaient mettre la clé sous la porte. Cette usine ne se contente d’ailleurs pas de sauver l’emploi et le savoir-faire de la région. Quand les agriculteurs et agricultrices du coin décident de valoriser la laine de leurs moutons plutôt que de la vendre à perte (ce qui se passe dans 99% des cas en France), Atelier Joly leur tend la main.
On a testé différentes solutions pour résoudre la dizaine de problèmes que vous nous aviez remontés (pour la petite histoire, notre premier prototype s’est même troué après un trail de 25 km).
On voulait faire une chaussette fine/de ville et voilà les solutions qu'on a trouvées.
Le plus gros problème auquel on a fait face, c’est l’usure aux orteils et au talon. Pour ça, on a choisi le Cordura : un type de polyamide quatre fois plus résistant que les autres, utilisé généralement pour les vêtements militaires. On a fait un tricot bien dense dans ces zones particulièrement sollicitées par la corne de vos pieds et vos ongles mal coupés.
On voulait aussi utiliser le plus de matières naturelles possible, et donc du coton. Parce que c’est plus doux, parce que ça fait moins transpirer. Le meilleur rapport résistance-douceur de fil de coton, c’est le fil d’Écosse. En gros, c’est du coton longue fibre peigné (donc d’excellente qualité) mercerisé, c’est-à-dire traité pour être plus résistant et mieux fixer la couleur. Adieu bouloches, décoloration et autres signes de vieillissement précoces. L’autre avantage, c’est que, contrairement aux matières synthétiques et au coton de mauvaise qualité, c’est un matériau qui reste doux, même avec le temps et les lavages.
Ensuite, on une question s'est posée : comment éviter les trous à la semelle et au tendon d’Achille ? On a d’abord essayé de tricoter le Cordura sur l’extérieur de la chaussette, pour que la peau soit en contact avec le coton mais que les zones de frottement soient renforcées par de la matière synthétique. Mais le fil de Cordura n’était pas assez fin. Du coup, on l’a remplacé par un polyamide plus fin et de très bonne qualité.
Pour éviter que la chaussette vous tombe en bas des chevilles ou vous étrangle le mollet, on a fait deux choses : rajouter un fil solide d’élasthanne dans le corps de la chaussette, pour qu’elle se maintienne bien partout, et mettre le prix dans la gomme qui tient le haut de la chaussette (attention quand même à ne pas les passer au sèche-linge à température maximale : il y a toujours un risque que l’élasthanne fonde et que la pièce se détende. Comme pour tous les vêtements qui contiennent de l’élasthanne).
Certaines et certains d’entre vous se sont plaints des coutures du dessus de pied qui les irritent à force de frotter. On a donc choisi une couture super fine, refermée “maille à maille”. Traditionnellement, c’est une manipulation qui se faisait à la main (appelée "remaillage main"). Mais notre atelier a investi dans une machine dernière génération qui fait ça encore mieux. Résultat ? Une qualité parfaite et aucune surépaisseur gênante quand vous enfilez vos chaussures.
Enfin, en plus d’avoir choisi uniquement des fils certifiés OEKO-TEX® (c’est-à-dire sans substance nocive pour l'environnement et pour votre santé), on a mis en place une production 100% traçable et locale : Cordura (Italie), fil d’Écosse (Italie), polyamide (Espagne), élasthanne (France), tricotage (France), confection (France), cavalier cartonné (France).
Une fois notre dernier prototype obtenu, on lui a fait passer l’étape ultime : le test de résistance en laboratoire. Sur une chaussette, il y a deux choses à tester : la contention de l’élastique et la résistance aux frottements. Pour avoir un point de comparaison, on a demandé au labo de tester également une chaussette suisse, réputée pour être la première aux tests de durabilité.
Concernant la contention de l’élastique (c’est-à-dire avoir la certitude qu’il ne serre ni trop, ni pas assez), notre équipe est sereine : notre chaussette obtient le résultat de 1.9 kPa quand la zone de confort est entre 1 et 2.
Pour la résistance au frottement, la méthode utilisée, c’est le test dit “Martindale”. On découpe du tissu dans deux zones (la semelle et la pointe) et on les met dans une machine qui va les frotter jusqu’à ce qu'un clair puis un trou apparaissent. On obtient alors un résultat en nombre de cycles : plus le nombre de cycles est élevé, plus la chaussette est résistante.
Au bout d’une demi-journée à faire tourner la machine, le labo nous appelle pour nous communiquer les résultats de la chaussette concurrente : environ 10 000 cycles, ce qui (d’après eux) est un bon résultat. Dans le même temps, notre chaussette n’a pas bougé.
On leur demande de continuer de faire tourner la machine 10 000 cycles de plus, pour voir jusqu’où tiendrait notre chaussette. Toujours intacte. On passe à 50 000. Le labo nous rappelle pour nous dire qu’il n’y a toujours pas d’apparition de clair. On leur dit alors de passer à 150 000 cycles. Et voilà les résultats qu’ils nous envoient :
Même le labo hallucine de ces résultats. En googlant tout ça, on se rend compte que d’autres marques avant nous ont fabriqué des chaussettes super solides, en atteignant le score (déjà très honorable) de 49 000 cycles… soit 3 fois moins que nous.
En parallèle de ça, on a distribué nos chaussettes à des potes aux pieds pointus (celles et ceux qui vous disent “moi, je les troue au bout d’une fois”) avec une seule consigne : mettez-les beaucoup, lavez-les beaucoup. Toute l’équipe s’y est aussi collée et comme certains de nos protos étaient blancs, ça ne nous donnait pas toujours fière allure. Mais cette étape est hyper importante : cela nous assure que rien ne cloche. Bilan ? Rien ne cloche.
Voilà, vous savez tout sur comment on a créé ces chaussettes.
On les lance au prix de 12 euros. C’est le plus petit prix qu’on peut proposer, en réduisant notre marge au maximum.
C’est le prix des matériaux de qualité et de la main d’oeuvre qualifiée. C’est le prix du Oeko-Tex, du made in France. C’est le prix d’une chaussette que vous n’aurez pas besoin de racheter tous les quatre matins.
Qui on est pour dire ça ?
Vous êtes sur La Mode à l’Envers, un blog tenu par la marque de vêtements Loom. L'industrie textile file un mauvais coton et c'est la planète qui paye les pots cassés. Alors tout ce qu’on comprend sur le secteur, on essaye de vous l’expliquer ici. Parce que fabriquer des vêtements durables, c’est bien, mais dévoiler, partager ou inspirer, c’est encore plus puissant.
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La mode, c’est imprévisible. En quelques années, les t-shirts sont devenus de nouveaux espaces d’expression. On a plutôt l'habitude de ceux du type "le matin c’est trop tôt" ou "madame chiante" (sic). Mais récemment, un nouveau spécimen, un peu plus revendicatif, est apparu sur le site d’une célèbre marque de vêtements :
Et ce n’est pas anodin de la part d’H&M. L’entreprise se veut le leader du développement durable parmi les marques dites de “fast fashion” (= celles qui ont mis en place un système de renouvellement ultra rapide de leurs collections). Elle enchaîne les initiatives qui sont souvent largement médiatisées : H&M Conscious, Close The Loop ou Climate positive 2040, par exemple. Et à première vue, elle semble être la meilleure élève de la classe sur ce sujet, avec ses 220 personnes dédiées au développement durable.
La fast fashion est-elle vraiment en train de devenir durable ou est-elle juste en plein greenwashing ? (spoiler : réponse 2)
En Chine, une blague dit que l’on peut prédire la prochaine couleur à la mode rien qu’en regardant celle des rivières (on n’a pas été vérifier). En termes d’efforts sur ce sujet, H&M n’a pas trop à rougir : c'est la marque la mieux classée par Greenpeace dans leur Detox Catwalk, avec Zara et Benetton. En gros, elles s’engagent d’ici 2020 :
Et le boulot est énorme. Aucune marque de fast fashion ne possède ses usines : elles ont des sous-traitants, qui passent eux-mêmes par de sous-traitants, qui passent eux-mêmes par des sous-traitants, etc.
Mais cette pollution chimique, même si elle est dramatique, n’est que la partie émergée de l’iceberg1. La fast fashion pose un autre2 problème environnemental massif.
Culture du coton, production des fibres synthétiques, filature, tissage, teinture, confection… Fabriquer un vêtement, cela consomme de l’énergie et produit par conséquent des gaz à effet de serre3. Pour vous donner une idée, pour teindre un tissu, on utilise des autoclaves : des énormes machines pressurisées avec un bain de teinture à plus de 100°C. Des gouffres d’énergie. Et comme la plupart des usines sont situées en Asie, l’électricité est produite en brûlant du charbon ou du gaz naturel, ce qui rejette du CO2 en quantité.
Bilan : l’industrie de la mode émet, selon les rapports, entre 2 et 8% des gaz à effet de serre du monde, soit presque autant que l’ensemble du transport routier de la planète4. Bref, vous avez beau aller au boulot à vélo, si vous mettez tous les jours un nouveau t-shirt, vous faites quand même fondre la banquise.
À première vue, H&M a l’air (encore) d’être parmi les premiers de la classe. Avec son initiative Climate Positive 2040, elle affirme non seulement réduire ses émissions de gaz à effet de serre, mais devenir une contributrice positive d’ici 2040 ! Chouette. Mais quand on regarde en détail comment elle compte s’y prendre, il y a comme un petit souci. La plupart des émissions de gaz à effet de serre sont liées, comme on l’a vu, à la fabrication… un secteur sur lequel elle n’a pas la main puisque aucune des usines qui produit ses vêtements ne lui appartient. Alors pour y arriver, elle veult s’appuyer sur des “puits de carbone”, notamment artificiels. L’idée ? Aspirer le CO2 de l’atmosphère avec d'énormes machines pour le planquer sous la terre, très profondément.
Léger problème : on n’a jamais réussi à prouver que ça pouvait marcher… D’ailleurs, la plupart des projets pour mettre en place des puits de carbone ont tout bonnement été abandonnés en raison de coûts faramineux ou de problèmes techniques. C’est sans doute la raison pour laquelle, sur sa page, H&M appelle à l’aide les personnes “expertes et innovatrices” du monde entier. Quelqu’un de dispo ?
Autre proposition : produire des vêtements à partir de fibres recyclées. On aime beaucoup le clip Close The Loop d’H&M (et celui-là aussi, avec M.I.A.), mais en termes d’empreinte carbone, le recyclage des fibres textiles n’est qu’une solution très, très partielle5. Produire un vêtement à partir de fibres recyclées suppose un processus industriel qui génère aussi beaucoup de CO2, ne serait-ce que pour en récupérer les fibres… De plus, la technologie n’est pas du tout au point pour la très grande majorité des cas : par exemple, on ne sait pas encore séparer les fibres coton et polyester à un coût raisonnable. Résultat : même avec une hypothèse ultra-optimiste de 40% des fibres recyclées, on réduirait les émissions de CO2 de l’industrie de la mode de moins de 10%. Recycler les vêtements permet certes de minimiser l’usage des matières premières (eau et pesticides dans le cas du coton, pétrole dans le cas du polyester), mais en matière d’empreinte carbone, il n’y a vraiment pas de quoi sauver les ours blancs.
Bref, pour reprendre la métaphore de Philippe Bihouix :
"On nous propose d’appuyer à fond sur la pédale d’accélérateur de la voiture en espérant que l’on inventera les ailes avant d’atteindre le bord de la falaise."
Pour résoudre le problème environnemental de la fast fashion, on préfère se leurrer en pariant sur des technologies qui restent à inventer plutôt que de s’attaquer au vrai sujet qui fâche :
Chaque année, l’industrie du prêt-à-porter produit 150 milliards de vêtements, dont la plupart s’entassent dans des placards ou sont jetés au bout de quelques mois. Et ça va en augmentant :
La production mondiale de vêtements a doublé entre 2000 et 2014. Cette courbe exponentielle n’est pas compatible avec une planète qui a, par définition, des ressources finies. Non, il n’y a pas de planète B.
Les conséquences environnementales négatives de la fast fashion sont au cœur même de son modèle. Toute initiative “écologique” dans un tel contexte reviendrait à remplir une baignoire percée.
Le greenwashing est dangereux, car il nous décourage de changer nos modes de consommation, car il nous fait croire que le problème est résolu, car il nous endort alors que la maison brûle.
Bien sûr, on pourra peut-être un jour inventer des technologies géniales d’aspiration de CO2 ou de recyclage de fibres pour résoudre les problèmes environnementaux. Mais c’est un énorme pari. Et surtout, un risque énorme. Et en attendant, il y a une équation qui ne changera pas :
Alors qu’est-ce qu’on fait ?
On peut confectionner soi-même ses vêtements. Ou acheter en fripe. C’est cool. Mais il ne faut pas se faire d’illusion : ça n’habillera jamais tout le monde. Bon courage pour trouver un t-shirt blanc en taille M chez Ding Fring ou Guerrisol…
Il n’existe qu’une seule solution, simple et évidente. De bon sens :
En choisissant des vêtements bien construits, de qualité, qui tiendront le plus longtemps possible.
Bien sûr, le coton, ce n’est pas du Kevlar : vous ne pourrez jamais garder un t-shirt toute votre vie. Mais si vous faites preuve d'un minimum de vigilance, vous le porterez plusieurs années. Et c’est plus simple que vous ne le croyez :
L’industrie de la mode n’est pas vraiment partie dans la bonne direction. Et c’est à chacun et chacune de nous de décider où elle doit maintenant aller.
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1 Non, l’industrie textile n’est pas le 2e secteur d’activité le plus polluant du monde après le pétrole. Cette statistique, reprise en masse par quasiment tous les médias et parties prenantes du secteur — même dans le cadre de la signature de la charte d’engagement de la mode pour le climat pour la COP 21 — ne spécifie pas le type de pollution qu’elle recouvre et ne repose sur absolument aucune source.
2 On ne parle même pas des conditions de travail des ouvrières du textile, souvent déplorables ni des conséquences sur l'âme de nos centres-villes.
3 Contrairement à ce qu’on croit souvent, dans le cycle de vie d’un vêtement, ce n’est pas le transport qui produit beaucoup de gaz à effet de serre (seulement un peu plus d'1% des émissions). Même si la majorité de nos vêtements sont produits à l’autre bout du monde. Bah oui : un vêtement, ce n’est ni très gros, ni très lourd, donc ça ne prend pas trop de place dans un container. Et comme 90% des vêtements sont transportés par cargo, un mode de transport qui émet relativement peu de CO2 au kg/km parcouru, ça émet relativement peu de CO2. Ça émet en revanche énormément de particules fines, mais c’est une autre histoire.
4 Selon le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), le transport routier représente 10% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde : en 2010, le transport représente 14% des émissions de gaz à effet de serre, et le transport routier représente 72% des émissions de gaz à effet de serre du transport. Cela ferait donc de la mode le 4e secteur d’activité le plus polluant du monde sur ce critère, derrière l’agriculture, l’électricité et le chauffage des bâtiments, et donc, le transport (répartition des secteurs d’activité ici).
5 Ce “close loop recycling” est à différencier du “open loop recycling”. Ce dernier consiste à recycler le plastique d’autres produits comme les bouteilles.
Qui on est pour dire ça ?
Vous êtes sur La Mode à l’Envers, un blog tenu par la marque de vêtements Loom. L'industrie textile file un mauvais coton et c'est la planète qui paye les pots cassés. Alors tout ce qu’on comprend sur le secteur, on essaye de vous l’expliquer ici. Parce que fabriquer des vêtements durables, c’est bien, mais dévoiler, partager ou inspirer, c’est encore plus puissant.
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