Est-ce que le cuir c’est mal ?

L’usage du cuir par les marques éthiques et/ou éco-responsables est controversé. Chez Loom, nous avons fait le choix de l’utiliser pour nos prochaines baskets : nous vous expliquons ici pourquoi. On est conscient que notre point de vue n’est pas partagé par tout le monde : pour certaines personnes, le critère de la souffrance animale ne peut être mis en balance avec aucun autre, quel qu’en soit le prix. Notre objectif n’est absolument pas d’essayer de les rallier à notre position. Ce qu’on a essayé, c’est d’être les plus honnêtes et transparents possible dans notre démarche, et on espère que ça aidera des gens à se faire un avis sur ce sujet. Ah, et si on s’est trompé quelque part, n’hésitez pas à nous le dire.

Quand on a voulu lancer nos baskets, on avait en gros deux options pour la matière :

  1. Du cuir animal (bovin en l’occurrence, de loin le principal utilisé dans la chaussure)
  2. Du cuir synthétique : les simili-cuirs (les cuirs “plastique” comme par exemple le “skaï”) et les cuirs dits végétaux (à base de déchets de pomme, d’ananas ou de raisin par exemple).

Pourquoi le cuir animal nous a paru être une bonne option ?

Le cuir bovin nous a paru être le meilleur choix. Son confort et sa résistance sont très difficiles à reproduire artificiellement. Eh oui : c’est quand même la peau d’un animal qui peut vivre dehors toute l’année.

loom cuir vaches
Tin elles sont trop belles non ?

Les principaux avantages du cuir animal par rapport au cuir synthétique :

  • Il est quasi imperméable à l’eau
  • Il tient chaud tout en étant respirant
  • Il absorbe l’humidité de la transpiration ce qui empêche les odeurs
  • Il est confortable : dans le milieu de la chaussure, on dit qu’il a du “prêtant”. De la même manière que la peau s’adapte à l’animal quand il grandit, le cuir s’adapte à la forme du pied
  • Il est très résistant : tous les fournisseurs à qui on en a parlé sont tombés d’accord, les matières synthétiques craquèlent et s’abîment avec le temps alors que le cuir (s’il est bien nourri) résiste.

Mais tout le monde ne voyait pas les choses du même oeil que le nôtre. 

Tout a commencé en août 2019. On expliquait sur Instagram ce qu’il y a de bien avec notre porte-cartes en cuir quand tout à coup :

Et même plus récemment, sous la vidéo de notre TedX, entre deux commentaires enthousiastes :

loom cuir commentaires youtube

En gros, on nous disait que le cuir polluait et tuait des animaux, et qu’on ne pouvait donc pas être une marque éthique et fabriquer des produits en cuir.

Et pour être tout à fait honnête, on s’est rendu compte qu’on ne s’était pas posé suffisamment la question. D’ailleurs, si plein de marques dites éthiques abandonnent purement et simplement cette matière, c’est peut-être qu’il y a une bonne raison. Alors il était temps de vraiment de déterminer si on peut se considérer éthique et vendre du cuir. Ça impliquait de creuser trois énormes aspects du cuir :

  1. L’éthique animale
  2. La pollution environnementale
  3. La dimension sociale et sociétale

L’éthique animale : peut-on porter du cuir et respecter le bien-être animal ?

Avant de commencer, précisons une chose : oui, consommer du cuir encourage un peu l’élevage. On le dit parce que ce n’est pas du tout ce qu’affirme l’industrie du cuir. Selon eux, la valeur économique du cuir ne représente qu’une petite partie de la valeur d’une vache, donc même si on arrêtait de revendre les peaux, on continuerait d’élever des vaches pour le lait et la viande. Bref, le cuir ne serait qu’un coproduit de l’industrie du lait et de la viande et industrie du cuir ne ferait que “valoriser des déchets”, qu’il faudrait autrement incinérer ou les laisser pourrir en décharge. Une sorte d’upcycling ancestral.

C’est en partie vrai, mais c’est quand même un peu trop facile… Si la peau des vaches n’était pas revendue, la rentabilité de l’élevage serait un petit peu moins élevée. Ça ne serait pas immédiat, mais sur le long terme, on peut imaginer qu’il y aurait un peu moins d’élevage. 

La question du bien-être animal se pose donc bien pour le cuir.

D’ailleurs, elle se pose dans une bien plus grande mesure pour le lait qui représente la majeure partie de la valeur d’une vache laitière. Il n’y a pas de vache qu’on élève pour son lait que l’on ne tue ensuite pour sa viande – les vaches laitières finissent dans votre assiette. Dans ces conditions, si l’on considère qu’une entreprise n’est pas éthique car elle utilise du cuir, on doit porter le même jugement sur toutes celles qui utilisent du lait, du beurre, etc.

Petits beurres et kouign-amanns : si on considère que le cuir n’est pas éthique, ceux-là le sont encore moins

Nous fermons les yeux sur un système qui fait souffrir les animaux

Avant de se faire prendre à partie sur ce sujet, on faisait un peu l’autruche sur les aspects éthiques de l’élevage. On avait bien vu passer quelques vidéos atroces d’abattoirs filmés par L214, mais on se disait qu’il restait possible de bosser avec des éleveurs qui font les choses bien et respectent leurs animaux.

Il faut dire que dans notre société urbaine de consommation, on est assez éloignés des réalités de l’élevage. Si on ne regarde que la pub et le marketing, on a l’impression que tout va bien.

Pub et marketing
Circulez, y a rien à voir : les animaux sont toujours heureux

En fait, on a tellement détourné le regard qu’aujourd’hui, l’élevage industriel est devenu la norme, même en France. Vous savez : les poulets élevés en batterie, les cochons qui ne voient jamais la lumière du jour et vivent toute leur vie sur un minuscule morceau de sol bétonné…

Elevage intensif
Proportion d’élevage intensif en France selon L214 : pauvres lapins…

Mais quand on parle de cuir, c’est surtout à l’élevage bovin qu’il faut s’intéresser. Cette intensification est moins prononcée en France et en Europe (seulement 13% d’élevage intensif en France pour les vaches), mais ça l’est dans d’autres pays. Aux Etats-Unis par exemple, on favorise les parcs d’engraissement ou « feed lots » (des élevages intensifs de plus de 1000 bêtes) : les bêtes entassées dans des conditions atroces avec utilisation d’hormones de croissance, engraissement aux farines animales ou antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance.

loom cuir feedlot
Le “Five Star Feedlot” de 19 000 vaches en Nouvelle-Zélande.

Comment a-t-on pu en arriver là ? En fait, c’est parce que la plupart d’entre nous n’accordons pas la même importance aux intérêts des animaux qu’à ceux des humains. On se dit que c’est “normal” ou “naturel” de manger de la viande, du fromage, de boire du lait ou de porter du cuir. Que c’est ce que les humains font depuis la nuit des temps, donc pas besoin de se retourner le cerveau sur ces questions de bien-être animal.

Mais en creusant le sujet, on a bien dû se rendre à l’évidence : nous devons accorder la même importance aux intérêts des animaux qu’à ceux des humains. On vous explique tout dans l’encadré ci-dessous : vous n’êtes pas obligés de le lire, mais si vous ne connaissez pas du tout le sujet, ça peut vous intéresser.

Petit précis d’antispécisme, ou pourquoi il faut accorder la même importance aux intérêts des animaux qu’à ceux des humains

Le premier penseur antispéciste s’appelle Peter Singer. Il pèse pas mal : son bouquin “La Libération Animale” écrit dans les années 70 a été vendu à plus d’un million d’exemplaires.

loom cuir feedlot
Peter Singer, c’est lui (le premier en partant de la droite).

Selon lui, les “spécistes”, c’est-à-dire ceux qui considèrent les intérêts des animaux différemment de ceux des humains, adoptent les mêmes mécanismes de pensée que les racistes (qui considèrent les intérêts des autres “races” différemment) ou que les sexistes (qui considèrent les intérêts de l’autre sexe différemment). Toujours selon lui dans quelques décennies, vu les conditions dans lesquelles on élève les animaux aujourd’hui, nos enfants ou nos petits-enfants regarderont l’humanité contemporaine comme on regarde aujourd’hui les esclavagistes ou les hommes qui battent leurs femmes.

Quoi ? Au départ, quand on a entendu ça, on a commencé à dégainer (intellectuellement) un paquet d’objections pour justifier notre existence de mangeur de viande et de fromage, et de consommateur de cuir. Voici les principaux arguments qu’on a formulés… et comment les antispécistes nous ont rembarré à chaque fois :

1/ “C’est normal de faire de l’élevage, les humains ont toujours mangé de la viande ou porté du cuir.”

=> Ce à quoi les antispécistes répondent : “C’est vrai, mais ce n’est pas parce qu’une pratique est ancienne qu’elle est éthique. On a organisé des combats d’animaux pendant longtemps, ce n’est pas pour ça qu’on doit continuer. Et puis on est 7 milliards aujourd’hui, ça peut demander de changer nos pratiques par rapport au néolithique.”

2/ “Mais manger de la viande, c’est naturel : regardez les animaux, ils se mangent entre eux.”

=> Ce à quoi les antispécistes répondent : “Naturel ne veut pas dire moral. Certains animaux sont cannibales ou se violent entre eux. Est-ce qu’on doit les imiter pour autant ? Et puis certains carnivores sont obligés d’en manger d’autres pour survivre, pas nous.”

3/  “Ok mais on est d’une autre espèce, on a le droit. On est des humains, ce sont des ANIMAUX, c’est quand même pas la même chose ?”

=> Ce à quoi les antispécistes répondent : “Dire cela, c’est une croyance totalement arbitraire : ce n’est pas différent du comportement d’un esclavagiste qui discriminerait des personnes noires sur la base de leur couleur de peau”.

4/ “Mais c’est pas pareil : nous on a des facultés bien supérieures aux autres animaux : on est plus intelligent, on sait parler, utiliser des outils…”

=> Ce à quoi les antispécistes répondent : “Imaginons une société qui discrimine en fonction de l’intelligence par exemple. Les bébés ou les personnes en situation de handicap mental sévère sont moins capables de raisonner que les chimpanzés. Faudrait-il donc accorder des droits supérieurs aux chimpanzés pour autant ? C’est bien sûr impossible. Et on pourrait avoir le même type de raisonnement sur chacune des autres facultés humaines : on a appris lors des dernières décennies que certains animaux peuvent utiliser des outils, maîtriser des langages, avoir une conscience d’eux-même, etc. Il n’est donc pas pertinent de discriminer les êtres vivants en fonction de leurs facultés.”

5/ “Bon, mais il y a quand même une preuve qu’on doit manger des animaux, c’est qu’on a besoin de vitamine B12 pour survivre, qu’eux-seuls peuvent synthétiser”.

=> Ce à quoi les antispécistes répondent : “En effet, certains animaux comme les ruminants synthétisent la vitamine B12 via les bactéries présentent dans leurs intestins. Mais est-ce que c’est un problème de prendre des suppléments ? Après tout, on donne déjà des suppléments de vitamine D aux bébés pour compenser le manque de soleil et on enrichit le sel avec de l’iode pour éviter le crétinisme.”

6/ “Mais ça poserait des problèmes pour notre alimentation : l’agriculture traditionnelle n’est pas possible sans animaux. Il faut forcément fertiliser les sols avec du fumier (des déjections d’animaux) comme on l’a fait depuis la nuit des temps.”

=> Ce à quoi les antispécistes répondent : “Faux : on n’a pas besoin des animaux pour cultiver.” 

Aaargh, ils sont énervants quand même. Alors on a passé du temps à défricher cette question sur l’agriculture. Et on a conclu que là aussi, ils ont (en partie) raison : l’agriculture traditionnelle sans animaux et sans engrais chimiques est tout à fait possible, même si elle est un peu moins facile. On vous explique pourquoi ci-dessous.

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Si on regarde notre histoire, on pourrait penser que les animaux sont indispensables au maintien de la fertilité des sols. Depuis l’Antiquité jusqu’au début de l’agriculture industrielle, dans toute l’Europe, on a utilisé des systèmes de rotation de cultures avec une année de jachère. Rien à voir avec les jachères actuelles imposées par la PAC qui sont juste des terrains nus. A l’époque, la jachère signifiait qu’on laisse le sol se reposer en faisant pousser une prairie et qu’on la fait pâturer par des animaux (c’est-à-dire qu’on laisse les animaux brouter l’herbe toute la journée, la digérer et la rejeter sous forme de fumier riche en nutriments pour le sol). Les tentatives de supprimer cette jachère en la remplaçant par de simples cultures restituantes en azote ont montré une diminution des rendements sur le long terme à cause des manques de phosphore ou de potasse (les principaux nutriments indispensables pour les plantes sont l’azote, le phosphore et la potasse)… Comme l’affirme l’agronome Pierre-Paul Dehérain au XIXe siècle : “pour que la jachère ait été conservée pendant des siècles, il fallait qu’elle eût quelques avantages.” Bah oui :  si on avait trouvé un système agricole plus productif, on aurait laissé tomber les animaux depuis longtemps, non ?

Oui mais voilà.

Depuis quelques décennies, nos connaissances en agronomie ont évolué. On sait maintenant que tout est cyclique et que les animaux ne “créent” pas de nutriments. Au XIXe siècle, on a compris que ce qui faisait l’intérêt des prairies en jachère, ce ne sont pas les animaux qui pâturent dessus mais surtout 1- certaines plantes qui fixent l’azote de l’air 2- l’activité des champignons mycorhiziens qui se plaisent particulièrement sous les prairies et qui permettent aux plantes de mieux fixer le phosphore et la potasse. Du coup, les animaux d’élevage ne sont plus que des intermédiaires inutiles : on peut très bien faire une jachère efficace sans animaux. Mais ce n’est pas fini : dans les années 70, on a même compris comment fixer le phosphore et le potassium sans faire de rotation des cultures : par exemple, on peut couvrir le sol de jeunes branches d’arbres broyées (du bois raméal fragmenté) pour recréer une sorte d’humus forestier qui favorise le développement des champignons mycorhiziens. Bref, dans la majeure partie du monde, on peut maintenant parfaitement imaginer de faire une agriculture cyclique sans animaux. Et il y a plein d’exemples dans le monde de personnes qui y arrivent déjà avec succès.

Alors adieu veaux, vaches, cochons ? Les animaux ne servent-ils absolument à rien dans le cadre d’une agriculture traditionnelle ? Non, ça serait aller un peu vite.

D’abord, le fumier permet de faire des “transferts de fertilité”. Par exemple, on peut faire pâturer les animaux dans les prairies non cultivées (40% des terres arables en France) ou non cultivables (en moyenne montagne par exemple), puis mettre les animaux à l’étable pendant la nuit ou l’hiver et y récupérer le fumier, avant de l’épandre sur les terres cultivées. Bref, les animaux ne créent pas de nutriments mais ils permettent de les concentrer sur certaines parcelles et donc de booster les rendements. C’est magique : ça permet d’avoir une production agricole plus élevée à travail humain équivalent (même si le potentiel de création de calories est moins grand : cela fournirait plus de calories si on cultivait à la fois le champ et la prairie).

D’autre part, les animaux rendent beaucoup de services aux agriculteurs, comme par exemple les poules qui mangent les insectes nuisibles aux cultures ou les cochons et les chèvres qui mangent les restes et nettoient les parcelles des ronces et des racines. 

Enfin, l’énergie animale reste très utile (voire indispensable dans certains pays) pour les travaux dans les champs, par exemple pour faire les semis ou aérer les sols.

Pour finir, sur certaines terres dites “marginales”, trop pauvres pour être cultivées, seul l’élevage peut permettre de nourrir la population. Au Groenland, heureusement que les Inuits peuvent manger des phoques pour survivre. Au Sahel, heureusement qu’il y a du bétail en transhumance pour nourrir la population.

Conclusion : l’agriculture sans animaux et sans engrais chimiques est possible, mais elle est un peu plus galère. Fin de la parenthèse !

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En tout cas, la philosophie antispéciste est très robuste : on a lu des dizaines et des dizaines d’articles, on a regardé des heures de débat télé avec Aymeric Caron et on a lu les 427 commentaires de “y a-t-il une manière morale de manger de la viande ?”, et tous les arguments qu’on a entendu habituellement contre l’antispécisme sont plutôt à ranger du côté des sophismes ou de la mauvaise foi.

loom cuir aymeric caron
Bon par contre pour la coupe de cheveux, on n’est pas d’accord. ET NON CE N’EST PAS PARCE QU’ON N’A PAS ASSEZ DE CHEVEUX POUR SE FAIRE LA MÊME !

 

Après avoir creusé ce sujet de l’antispécisme, on comprend que l’élevage n’est ni normal, ni naturel, ni nécessaire comme on l’entend souvent. Dès lors, si on veut justifier l’élevage, il n’y a qu’une seule question à se poser :

“Est-ce que le bien-être qu’on tire de l’élevage
peut justifier la souffrance animale que ça peut générer ?”

Sachant que ce “bien-être” peut englober plusieurs dimensions. C’est d’abord bien sûr le plaisir gustatif quand on mange de la viande ou des produits laitiers ou le confort de porter des vêtements en cuir. Il y aussi l’attachement à un certain patrimoine culturel et gastronomique, la satisfaction de soutenir des petits éleveurs, le plaisir de voir des vaches gambader dans des prairies, l’insouciance de pouvoir manger sans trop penser à la composition de ses repas… Et il y aussi une forme de bien-être collectif. Même s’il est théoriquement possible d’avoir une agriculture sans animaux et sans engrais, en pratique, aujourd’hui, les petites exploitations agricoles vertueuses utilisent en immense majorité du fumier animal.

Quand on formule la question de l’élevage en ces termes, ça devient juste impossible de détourner le regard des conditions d’élevage comme on a trop souvent tendance à le faire. Qui pourrait dire que son plaisir ponctuel vaut PLUS que la souffrance d’un animal pendant toute une vie ? L’élevage industriel devient absolument intolérable : on ne peut plus détourner les yeux.

En fait, il n’y a que deux réponses possibles.

Première réponse : il faut abolir l’élevage, comme le demandent certains antispécistes. Tout le monde doit donc devenir “vegan” et cesser toute consommation de produits d’origine animale : le cuir, la laine, la viande, le lait, le fromage, les oeufs, le poisson. Les animaux ont le droit de vivre libres et mourir de leur belle mort, rien ne peut donc justifier de leur ôter ce droit juste pour notre plaisir personnel bref, rien ne peut justifier l’élevage.

Deuxième réponse : on peut faire de l’élevage mais à condition d’en retirer un maximum de souffrance animale. C’est la réponse dite “welfariste”, celle de Peter Singer lui-même. Dans cas, il faut d’abord faire en sorte que les animaux puissent grandir sans souffrance dans des conditions adaptées à leur espèce : les animaux d’élevage sont des êtres sensibles dotés d’un système nerveux, donc ils veulent éviter de souffrir tout autant que nous. Deuxièmement, il faut les tuer de la façon la plus respectueuse possible. Contrairement aux abolitionnistes, les welfaristes estiment que les animaux d’élevage n’ont pas la même capacité à anticiper et à former des projets que les humains, donc qu’ils ne se rendent pas compte qu’ils vont être tués et ne souffrent donc pas de cette pensée tout au long de leur vie (pour les vaches, c’est ce que montre par exemple Temple Grandin, une des plus grandes spécialistes du comportement des bovins).

Mais est-ce que ce welfarisme est possible en pratique ?

Un élevage sans souffrance animale c’est possible ?

Si on est sûrs que les conditions de vie des animaux sont très mauvaises dans les élevages intensifs, ce n’est pas pour autant que les “petites fermes” familiales d’élevage bovin sont dépourvues de souffrance animale.

En France, plus de 80% des fermes sont de petites et moyennes exploitations qui élèvent moins de 100 bêtes. Et c’est vrai que parmi elles, plein de petits éleveurs s’engagent au quotidien pour le respect du bien-être animal. Par exemple, leur bétail pâture dehors la plupart de l’année, ils mettent de la paille à l’intérieur des bâtiments pour plus de confort, ils font attention à la douleur pendant les écornages, ils nourrissent les veaux sous la mère, ils brossent leurs animaux, leur parlent, etc. Bref, il y a plein d’éleveurs qui aiment leurs bêtes et en prennent le plus grand soin, même s’ils doivent un jour les envoyer à l’abattoir.

Mais ce n’est pas le cas dans toutes ces fermes. Il y en a encore beaucoup d’autres où on pratique un écornage douloureux, des castrations à vif… Et dans les élevages laitiers, on sépare très souvent le veau de sa mère, on pratique des inséminations artificielles à répétition, on abat les mâles… En plus, certains éleveurs sont parfois dans de telles difficultés économiques qu’il n’est pas évident pour eux de se concentrer sur le bien-être animal : difficile d’aller faire des câlins à ses vaches quand on ne peut pas boucler sa fin du mois (donc avant de les blâmer, il faudrait déjà réorienter les subventions de la PAC vers les plus petits élevages).

Et puis il y a les abattoirs. Pour des raisons d’hygiène et de santé publique, l’abattage des animaux à la ferme est interdit en France. Alors les éleveurs n’ont donc pas d’autre choix que d’envoyer leurs bêtes à l’abattoir. Problème : il y existe souvent des dérives, dont certaines ont été mises en lumière par les vidéos glaçantes de L214. Et puis dans ces lieux, la souffrance animale côtoie aussi souvent la souffrance humaine avec des conditions de travail indignes pour les travailleurs. Et c’est sans compter les temps de trajet longs et stressants pour les éleveurs comme les bêtes. La solution la plus plausible pour diminuer la souffrance animale et l’abattage industriel serait le développement d’abattoirs mobiles, se déplaçant sur les lieux d’élevage comme c’est déjà le cas en Allemagne ou en Suède. Depuis quelques mois, des premières expérimentations ont été autorisées en France. Mais on est encore très loin de leur généralisation.

Comment réduire cette souffrance animale ?

Chez Loom, à long terme, nous voudrions bien sûr faire disparaître toute souffrance animale. On ne voit pas toutes et tous les choses de la même façon : une partie de l’équipe pense qu’on devra un jour se passer d’élevage, d’autres aspirent à un élevage sans souffrance animale (schématiquement, laisser les vaches vivre avec leurs veaux, ne pas abattre systématiquement les mâles, imposer moins de gestations aux vaches quitte à avoir moins de lait, etc.).

Pour autant, si on veut améliorer le bien-être animal, nous ne pensons pas qu’il faille renoncer au cuir à court terme. Si on le boycotte, cela diminuerait la rentabilité des élevages existants et favoriserait les plus intensifs qui optimisent les coûts. Cela mettrait aussi un stress économique supplémentaire sur des petits éleveurs déjà précaires, qui ont déjà souvent du mal à diminuer leur fin de mois. Les actions en faveur du bien-être animal mais qui ne rapportent pas d’argent vont tendre à diminuer, et cela pourrait même accentuer le risque de maltraitance dans les fermes et les abattoirs. Albert Schweitzer disait : « Dans les abattoirs, ce n’est pas la méchanceté des hommes qui fait la souffrance animale, c’est la pression économique ».

En revanche, nous devons à tout prix choisir un cuir issu des fermes les plus soigneuses avec leurs animaux, et les encourager à améliorer leurs pratiques, en acceptant de payer leur cuir plus cher par exemple. Sauf que voilà, il n’y a pas de traçabilité suffisante pour permettre ce genre de pratique.

Le cuir, son univers intraçable

A travers notre alimentation, il est possible de favoriser l’élevage paysan et de boycotter l’élevage industriel : on peut choisir de n’acheter que des produits en vente directe ou circuits courts issus de petites exploitations bio ou plein air, voire dans des restaurants, des boucheries ou des crèmeries qui ont des pratiques d’approvisionnement vertueuses et transparentes. Oui, ça coûte beaucoup plus cher, mais c’est le vrai prix de ces aliments et il faut de toute manière réduire notre consommation (en effet, il est impossible à un niveau national que tout le monde mange beaucoup de produits animaux : il n’y aurait jamais assez de petites fermes qui puissent produire autant).

Pour le cuir, c’est beaucoup plus difficile de “voter avec son porte-monnaie”. Contrairement au lait ou à la viande, il est quasi-impossible de savoir de quel type de ferme vient une peau. Aujourd’hui, dans les abattoirs, les peaux sont regroupées par lots plus ou moins homogènes selon leur qualité et leur poids, sans aucun type de marquage. Et les tanneries achètent ensuite les peaux à des abattoirs de différents pays. Donc même si une tannerie est basée en France, vous ne pouvez pas savoir avec certitude si le cuir que vous lui achetez provient d’une vache bio française ou d’une vache sacrée indienne, et vous pouvez encore moins savoir dans quel type de ferme cette vache a été élevée… Et la situation n’est pas prête de changer : il y a bien quelques expérimentations de traçabilité en cours poussées notamment par l’industrie du luxe (comme par exemple le marquage des peaux au laser) mais elles sont encore loin d’être mises en place. 

A ce stade, le mieux que l’on puisse faire, c’est s’assurer que les peaux utilisées par la tannerie proviennent d’Europe, voire mieux, de France. Et aussi pousser la filière viande-cuir à mettre en place un système de traçabilité digne de ce nom.

Voilà nos réflexions en ce qui concerne l’éthique animale. Et du point de vue l’environnement, le cuir est-il vraiment le matériau le plus polluant ?

Est-ce que le cuir pollue plus que ses alternatives ?

Les gaz à effet de serre

Quand on parle pollution du cuir, ce sont principalement les gaz à effet de serre de l’élevage bovin dont il est question. À raison : l’élevage émet 14,5% des gaz à effets de serre de la planète, et les deux-tiers proviennent des bovins. C’est énorme et c’est surtout à cause de deux choses : 

  • D’abord, les vaches rotent du méthane, un gaz au pouvoir réchauffant 28 fois plus élevé que celui du CO2
  • Pour les nourrir, la plupart des élevages utilisent des céréales (souvent importées). Or la culture céréalière émet beaucoup de gaz à effets de serre, notamment à cause de la production d’engrais, de l’utilisation des machines et de la déforestation. Et puis il y a aussi des résidus d’engrais azotés : l’excédent se transforme en protoxyde d’azote, un gaz qui a de bons côtés (c’est du gaz hilarant) et de mauvais côtés (il est 300 fois plus réchauffant que le CO2). 

Mais si on y regarde de plus près, on se rend compte que toutes les vaches ne polluent pas pareil. En Europe, les émissions de gaz à effet de serre d’un kilo de boeuf sont 4 fois moins élevées qu’en Amérique du Sud ou qu’en Asie du Sud. Pour plein de raisons : les pâturages des zones tempérées sont plus faciles à digérer pour les vaches qui émettent donc moins de méthane, on ne déforeste plus depuis longtemps, la productivité des élevages est très bonne car les animaux sont en bonne santé, la plupart des aliments sont produits sur place ce qui évite les transports, etc.

Les vaches européennes sont celles qui émettent le moins de gaz à effet de serre

Et encore, en Europe, ces émissions de gaz à effet de serre sont probablement surestimées : cette étude ne tient pas compte du fait que les prairies absorbent une partie des émissions de méthane des ruminants : 20 à 60% des émissions selon les dernières études.

loom cuir petite maison dans la prairie
Merci à sa famille Ingalls pour sa contribution à la captation des gaz à effet de serre.

La question est maintenant : est-ce que le cuir émet plus ou moins de gaz à effets de serre que ses alternatives ? Pour cela, regardons une étude de l’Ademe (l’Agence du gouvernement référente sur le sujet) qui a comparé les émissions des chaussures en cuir et celles des chaussures de sport et en tissu. Et là, surprise :

Les chaussures en cuir émettent moins de CO2 que les autres ! Bizarre, non ? Alors, certes, ça peut s’expliquer parce que tanner le cuir, ça demande moins d’énergie que de filer un fil, tisser et teindre une étoffe, un processus industriel qui demande d’utiliser des grosses machines qui consomment beaucoup d’électricité.

Mais en fait, on vient de mettre le doigt sur un sujet très sensible : quelle est la part de l’empreinte carbone de l’élevage qu’il faut allouer au cuir ? Dans cette étude, l’Ademe se base sur un référentiel qui attribue… 0% de l’impact de l’élevage au cuir. Ce qui peut se justifier par le raisonnement qu’on avait évoqué plus haut : ce qui détermine le volume d’élevage de vaches, c’est le lait et la viande, donc ça ne changera rien si on arrête de fabriquer de cuir. Mais on a déjà montré que ce raisonnement avait ses limites, alors regardons le référentiel européen (le Product Environmental Footprint) : il se base sur la valeur économique de la peau et attribue 3,5% de l’empreinte carbone de la carcasse au cuir, ce qui paraît plus proche de la réalité.

En se basant sur ce chiffre (et sur les émissions carbone des vaches en Europe d’où viendrait notre cuir), on a refait les calculs des émissions carbones des chaussures de l’Ademe (on vous les a mis sur ce lien), et voici ce que ça donne :

Ça change carrément la donne : l’empreinte carbone des chaussures en cuir est deux fois plus élevée que les autres.

Donc a priori, il faudrait y renoncer… Sauf que quand on veut analyser l’impact environnemental d’un produit, il faut regarder sa durée de vie. Or, le cuir, à condition qu’il soit bien entretenu, tient mieux dans la durée que la plupart des autres matières…

Longevite cuir
Est-ce que la même version en coton aurait tenu cinq siècles, hein ?

Donc faisons l’hypothèse qu’on a des chaussures en cuir de bonne confection et qu’on les fait durer deux fois plus longtemps que les autres. L’empreinte carbone serait alors à peu près équivalente entre les trois paires :

Bref, l’élevage mondial est un énorme problème pour le réchauffement climatique à cause de ses volumes, qui doivent être réduits d’urgence. Mais l’élevage européen est (un peu) moins problématique, et si on utilise son cuir pour fabriquer des produits qui durent vraiment longtemps, il peut même devenir plus écologique que ses alternatives.

Et pour le reste ?

La consommation d’eau

On lit parfois “qu’il faut 15000 litres d’eau pour produire un kilo de viande”. Pour le cuir, on peut aussi lire “quil faut 17000 litres d’eau pour faire un kilo de cuir”. C’est vrai qu’élever un boeuf, ça consomme de l’eau (comme un humain en fait) : pour qu’il boive directement mais surtout pour arroser les cultures qui vont servir à le nourrir.

Mais 93% de cette eau n’est que de l’eau de pluie qui arrose les prairies (on parle d’eau verte) : elle serait de toute façon tombée sur la prairie, élevage ou pas. En France, si on prend en compte les prélèvements réels d’eau et leur impact sur le milieu, la production d’un kilo de viande nécessite seulement 315 litres d’eau (issue des nappes phréatiques ou des cours d’eau, on parle d’eau bleue).

Mais 315 litres, c’est beaucoup ou pas beaucoup ? En fait, cette consommation d’eau bleue ne peut être interprétée que si on la compare à celle nécessaire pour produire l’équivalent calorique en végétaux, et voici ce que ça donne selon cette source :

loom cuir chiffres critical vegan

On voit alors que le boeuf consomme certes pas mal d’eau, mais “seulement” deux fois plus que le maïs ou le soja, et beaucoup moins que le riz (si vous avez déjà vu une rizière…). Ce n’est donc pas rien, mais c’est surtout un problème dans les régions où il y a un stress hydrique : c’est plus embêtant en Inde qu’en Norvège par exemple.

Donc encore une fois, le pays d’origine du cuir est déterminant. S’il vient d’un pays où le climat est tempéré et le stress hydrique est rare, comme en Europe centrale ou en Europe du Nord par exemple, l’eau n’est pas un problème.

Pour être complet sur les problèmes posés par l’élevage, il faudrait également penser aux problèmes de sécurité alimentaire (il occupe 60% des terres fertiles mondiales pour produire seulement 18% des calories), l’eutrophisation (les fameuses “marées vertes”) et l’augmentation de la résistance antibiotique… Ils fournissent une raison supplémentaire de s’éloigner de l’élevage industriel, qui en est le principal responsable. Mais sortons du sujet élevage pour regarder celui du tannage.

La pollution liée au tannage

Transformer une peau d’animal en cuir, ça ne se fait pas tout seul : ça requiert un long processus appelé “tannage”. On peut tanner le cuir à l’ancienne, c’est-à-dire en utilisant des tanins végétaux (et dans ce cas on parle de tannage végétal).  Mais comme ce procédé est plutôt long (et donc coûteux), la méthode la plus utilisée dans le secteur, c’est le tannage à base de sels de chrome.

Il y a un revers à la médaille : le tannage au chrome est certes plus rapide, mais, les résidus de chromes sont dangereux pour la santé. Heureusement, pour qu’un produit en cuir soit commercialisé en Europe, il doit contenir un taux de chrome suffisamment bas. Donc côté santé des consommateurs européens, on est à peu près tranquille (même si bon…).

Le problème est plutôt du côté de la production. S’il n’est pas traité, le chrome pollue l’environnement direct des tanneries et empoisonne les ouvriers et populations locales. Ce n’est pas un souci en Europe (grâce à la directive européenne n°2000/60/CE qui encadre ces pratiques), mais plutôt dans toutes les zones productrices de cuir sans réglementation protectrice (au Maroc, mais surtout au Bangladesh et en Inde).

Bref, le tannage du cuir n’est pas un problème environnemental s’il est réalisé dans une tannerie européenne, car la loi l’oblige a protèger la santé de ses salariés et à traiter ses eaux polluées. Par contre, c’est une catastrophe s’il provient d’une tannerie indienne qui relâche les résidus de chrome dans le Gange.

Pour conclure sur notre utilisation du cuir, on doit encore regarder un 3e sujet hyper important.

La dimension sociale et sociétale

Entre un cuir animal et cuir synthétique, il y a une différence fondamentale : le type d’industries et d’emplois que ça sous-tend aujourd’hui. De la même manière qu’on a creusé le processus de production du cuir animal, on a étudié celui du cuir synthétique. Pour rappel, ce cuir regroupe deux grandes familles : les simili-cuirs (le cuir “plastique” comme par exemple le “skaï”) et les cuirs dits végétaux (à base de déchets de pomme, d’ananas ou de raisin par exemple).

Pour que ces matières soient résistantes et imperméables, elles suivent à peu près le même processus de fabrication :

1 – On fabrique une sous-couche de textile, à base de polyamide pour les simili-cuirs ou de déchets végétaux pour les cuirs dits végétaux.

2- On “enduit” ce textile d’une résine de polyuréthane pour lui apporter de l’imperméabilité et de la résistance.

Enduction cuir
Exemple de processus d’enduction pour le cuir d’ananas

Alors bien sûr, une base textile faite à partir de déchets végétaux, c’est génial : le meilleur recyclage imaginable, une sorte de compost nouvelle génération. Mais le problème, c’est que l’enduction de polyuréthane représente quand même une grosse partie de la matière : 50% pour le Végéa (cuir de raisin) ou l’Apple Skin (cuir de pomme), 42% pour le Pinatex (cuir d’ananas).

Or qui dit polyuréthane, dit pétrochimie, avec extraction pétrolière et raffineries. Certes, on pourrait essayer de “bio-sourcer” ce polyuréthane en utilisant non pas du pétrole mais de la biomasse végétale. Mais pour l’instant on y arrive que partiellement, notamment en raisons de problèmes de coûts et de qualité. D’autre part, biosourcé ou pas, pour obtenir du polyuréthane, il faut un processus industriel complexe, dans de grosses usines chimiques, pour transformer des matières premières.

En revanche, pour le cuir animal, pas besoin de hautes technologies ou de processus industriels très complexes, il suffit d’élever des vaches et de tanner les peaux, ce qu’on sait faire (plus ou moins bien) depuis des milliers d’années.

Bref, le cuir synthétique impose (pour l’instant) un monde high-tech quand le cuir animal peut permettre un monde low-tech. Un peu comme quand on compare la production d’une voiture Tesla à celle d’un vélo. Qu’est-ce que ça change ? Pas mal de choses en fait :

  • Le low-tech favorise des structures économiques à taille humaine avec des emplois locaux, quand le high-tech impose un système économique et industriel complexe plus mondialisé. Par exemple, pour le cuir animal, on peut choisir de travailler avec des petits éleveurs et des tanneries de taille moyenne, en France ou en Europe. Pour le polyuréthane nécessaire pour le cuir synthétique, les principaux producteurs mondiaux sont BASF, Bayer, Dow Chemical… des entreprises chimiques géantes et ultra-mondialisées, les mêmes qui alimentent le système agricole intensif (coucou le conglomérat Bayer-Monsanto), et dont les modèles sont en grande partie responsables de la crise environnementale dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui (on vous en a déjà parlé longuement ici).
  • Le low-tech permet plus de sobriété en termes de consommation d’énergie et de ressources. On peut produire du cuir animal avec une prairie, quelques vaches et une petite tannerie. Pour le cuir synthétique, il faut aujourd’hui forcément une grosse usine et des machines, qui vont consommer de l’électricité, des métaux rares, etc.
  • Dans le low-tech, les humains maîtrisent pleinement leurs outils de production, alors que dans le high-tech, les humains perdent leur autonomie et peuvent être asservis par les technologies. Un éleveur peut par exemple maîtriser son activité de A à Z, depuis la production de nourriture jusqu’à l’abattoir. Dans une activité très industrielle et globalisée, chaque individu n’est qu’un petit maillon d’une chaîne beaucoup plus complexe, ce qui peut faire perdre du sens dans le travail qu’on fait au quotidien, voire être aliénant dans certains cas.

Bien sûr, on ne dit pas qu’il faut jeter toutes les hautes technologies par la fenêtre : on en utilise nous-même tous les jours, à commencer par nos ordinateurs. Simplement, on se dit que si on peut obtenir un niveau de confort acceptable sans les hautes technologies, mieux vaut y renoncer en raison de leurs conséquences négatives. De la même façon que chez Loom, on préfère aller au boulot à vélo qu’en voiture, aujourd’hui, on préfère le cuir animal au cuir synthétique.

Il y a aussi une vraie question sociale à court terme pour les éleveurs et les agriculteurs, en cas de transition vers du cuir synthétique. On a vu tout à l’heure que l’arrêt ou la diminution de la consommation de cuir risquent de faire disparaître les modèles de fermes paysannes au profit de l’agriculture intensive.

Et qu’est-ce qui se passerait demain si on faisait moins de l’élevage ? Aujourd’hui, l’agriculture sans animaux est certes théoriquement possible, mais elle reste encore expérimentale. Presque toutes les fermes qui refusent le modèle industriel utilisent aujourd’hui du fumier animal. Sans ce fumier, il faudrait se tourner plus largement vers les engrais chimiques (produit d’ailleurs par les mêmes grosses entreprises qui fournissent la matière première pour faire du cuir synthétique), ce qui n’est pas non plus souhaitable. Pour transitionner vers une agriculture paysanne sans animaux, il faut que de telles fermes existent, servent d’exemple, essaiment et deviennent la norme, et si cela doit arriver, cela va prendre beaucoup beaucoup de temps.

Alors in fine, c’est bien ou pas le cuir ?

Voici un petit récap de ce qu’on s’est dit :

  • Performance : le cuir est d’une résistance, d’un confort et d’une imperméabilité très difficiles à reproduire artificiellement pour des baskets qu’on porte toute l’année.
  • Éthique animale : Nous savons à l’heure actuelle qu’il est impossible de garantir un élevage sans souffrance animale, mais nous pensons qu’à court terme, la meilleure stratégie en faveur du bien-être animal est de faire disparaître l’élevage industriel et de favoriser le maintien et de le développement des petits élevages extensifs et aux pratiques vertueuses. Pour cela, il faut choisir du cuir produit en Europe et à moyen terme pousser un système de traçabilité du cuir qui permette de choisir des peaux provenant des élevages les plus vertueux.
  • Pollution environnementale : l’élevage est certes un très gros contributeur de gaz à effets de serre, mais beaucoup moins en Europe. Donc à condition 1- que notre cuir soit d’origine européenne et que 2- la basket en cuir tienne au moins deux fois plus longtemps que les autres, elle peut émettre moins de gaz à effets de serre qu’une basket en tissu ou en synthétique.
  • Dimension sociale et sociétale : tous les cuirs synthétiques, y compris à base de déchets végétaux, nécessitent un processus industriel complexe, notamment à cause de l’utilisation de polyuréthane. Ils sont donc aujourd’hui encore largement dépendants de l’industrie pétrolière et/ou chimique, dont le modèle high-tech nous paraît moins souhaitable que celui de l’élevage traditionnel et du tannage, qui favorise une économie plus locale, plus frugale, et à taille plus humaine.

Pour le cuir comme pour la plupart des problèmes environnementaux actuels, le poison est dans la dose : il est nécessaire de produire moins et mieux. Pour nous, cela se traduit par 1) fabriquer des produits en cuir qui durent le plus longtemps possible 2) choisir un cuir élevé, tanné et assemblé en Europe.

Qu’est-ce que ça veut dire pour la suite ?

Notre décision pour nos baskets

Nous avons décidé pour nos baskets d’utiliser du cuir animal, avec les conditions suivantes :

  • Nous choisissons du cuir bovin. L’intérieur de certaines chaussures est aujourd’hui en cuir de porc, et étant donné les conditions actuelles d’élevage, la probabilité que le porc n’ait pas souffert est la même que de gagner au Loto.
  • Nous passons par des tanneries de confiance au Portugal et en Espagne et un cuir d’origine européenne, qu’on sait a priori plus respectueux du bien-être animal et moins polluant que les autres.
  • Nous avons fait de notre mieux pour que la basket dure le plus longtemps possible pour baisser l’impact environnemental de la production de cuir. Par exemple, nous avons fait le choix d’une semelle non recyclée plutôt que recyclée (ce qui ne joue presque pas sur les émissions de gaz à effet de serre) car ça peut augmenter la durée de vie de l’ensemble de la basket de 30%. Afin d’améliorer encore la durabilité de cette basket, nous avons plusieurs pistes à étudier : amélioration de la résistance de la semelle (principal point de fragilité des baskets en général), amélioration de la réparabilité, pédagogie sur l’entretien, changement de couleur (oui, tout le monde porte des baskets en cuir blanc, mais il faut reconnaître que ce n’est pas la moins salissante…)

Et après ?

On va suivre de près ce qui se passe du côté des cuirs synthétiques à base de végétaux et voir s’ils évoluent dans la bonne direction : vers plus de résistance et de confort, vers moins de plastique, vers des systèmes de production plus locaux, plus low-tech. Si on y arrive, génial : on tendrait alors vers un monde moins pollué et une société plus résiliente, sans souffrance animale ni humaine. Dans ce cas, nous renoncerons avec plaisir au cuir animal.

Mais comme on l’a vu, pour l’instant, on n’y est pas encore. Alors en attendant, nous nous efforcerons de surmonter les deux principales limites du cuir animal :

  1. La traçabilité : nous remonterons au maximum la filière du cuir pour pouvoir garantir que les peaux sont issues d’élevages traditionnels pastoraux avec le moins de  souffrance animale possible. Notre pouvoir économique est très limité (notre chiffre d’affaires est ridicule par rapport à celui des grosses marques) mais en écrivant ce genre d’article et en parlant de ce sujet avec nos différents interlocuteurs, nous espérons pouvoir contribuer à faire évoluer la filière cuir sur la question de la traçabilité.
  2. La durée de vie de nos produits en cuir : pour nous permettre de produire moins, nous devons faire en sorte que nos produits durent le plus longtemps possible. Ça tombe bien, c’est ce qu’on essaye de faire depuis que Loom existe.

Et pour nos autres produits potentiellement en cuir, nous trancherons au cas par cas. Par exemple, il nous semble clair qu’un patch de jeans en cuir n’a qu’un intérêt uniquement esthétique et que nous devons y renoncer. Pour les ceintures et les portes-cartes, nous devrons peut-être mener des tests de résistances comparés avec d’autres matières naturelles pour nous décider.

Voilà

Cette question du cuir est une des plus difficiles qu’on ait jamais eues à traiter, parce qu’elle demande de concilier quatre facteurs parfois contradictoires : notre bien-être, l’éthique animale, la pollution environnementale et la question sociale et sociétale. Pour répondre aux critiques dont on vous parlait au début de l’article, il nous aurait été beaucoup plus facile, soit de renoncer au cuir, soit de justifier son utilisation en disant que c’est juste un déchet de l’élevage que l’on valorise. Mais l’objectif de cet article n’est pas de convaincre les sceptiques de notre engagement éthique et environnemental (c’est à peu près sûr qu’on ne les fera pas changer d’avis) mais de comprendre le sujet en profondeur pour faire les choix qui aient le plus petit impact possible sur la planète et les humains. Bref, de construire notre avis et de vous donner tous les éléments pour que vous puissiez vous faire le vôtre.

Article écrit par Guillaume Declair

P.S.: Que faire à votre échelle pour minimiser l’impact de l’élevage ?

Si vous voulez être quasi certain·e de ne causer aucune souffrance animale et que vous avez le courage de le faire, il n’y a qu’une solution : devenir vegan, et laisser tomber le cuir, la viande, les produits laitiers, le poisson et les oeufs. Sinon, voici ce que vous pouvez faire à votre échelle pour minimiser la souffrance animale et la pollution environnementale :

  • Manger BEAUCOUP, BEAUCOUP moins de viande et de produits laitiers. En France, on s’est engagés à diviser par 4 nos émissions de gaz à effets de serre. Si on l’applique à l’élevage, il faut que chacun d’entre nous divise donc par 4 sa consommation de viande, de lait, de yaourt, de fromage, d’oeufs… Donc en gros, passer de 10 repas avec viande par semaine, à 2 ou 3. Et puis ça sera bien mieux pour notre santé.
  • Ne choisir que de la viande et des produits laitiers venant de petits élevages respectueux des animaux et de l’environnement. Comme la viande et le lait constituent de très loin l’essentiel de la valeur économique d’un animal, c’est ce qui aura le plus d’impact si on veut faire disparaître l’élevage industriel et favoriser l’élevage paysan. 
  • Faire bouger les choses, par exemple en signant cette pétition GreenPeace pour réformer la Politique Agricole Commune en faveur des petits élevages. Aujourd’hui, un agriculteur sur 5 vit sous le seuil de pauvreté en Europe. Cette pétition demande de réallouer les subventions européennes, qui sont actuellement dirigées vers les fermes les plus intensives, vers les élevages plus traditionnels.

Concernant le cuir, vous avez aussi le pouvoir de changer les choses :

  • Gardez vos produits en cuir beaucoup plus longtemps. Et pour ça, achetez des produits en cuir de bonne qualité, mais surtout prenez-en soin comme jamais.
  • Sélectionnez des produits en cuir pour des usages où ses propriétés de confort et de résistance sont vraiment mises à profit. Oui aux chaussures, non aux étuis à lunettes, aux coques d’iPad ou aux sièges de bagnole.
  • Dans la mesure du possible, assurez-vous que le cuir et le tannage viennent d’Europe. En tout cas, évitez au maximum les peaux qui viennent de pays comme le Brésil (où l’élevage participe directement à la déforestation), l’Inde (où les conditions d’élevage et d’abattage des vaches sont horribles) ou les Etats-Unis (spécialistes des fermes-usines et des hormones de croissance).
  • Mettez le prix. De la même manière qu’un t-shirt à 5€ a très certainement été produit dans des conditions de travail désastreuses et à un coût environnemental élevé, des baskets en cuir à moins de 100€ comportent sans doute du cuir de mauvaise qualité ou produit dans des mauvaises conditions. Mais soyez vigilant quand même : un produit en cuir cher ne veut pas dire qu’il a été bien produit : c’est peut-être la marge de la marque que vous payez, et non la matière première.
  • Achetez des produits en cuir de seconde main. C’est mieux mais pas parfait non plus : ça peut aussi faire des appels d’air pour la consommation de cuir vierge (un peu de la même manière que Vinted pousse aussi la consommation de vêtements neufs).

 

Pour aller plus loin, voici quelques ressources intéressantes qui nous aidé à écrire cet article :

 

Qui on est pour dire ça ?

Vous êtes sur La Mode à l’Envers, un blog tenu par la marque de vêtements Loom. L’industrie textile file un mauvais coton et c’est la planète qui paye les pots cassés. Alors tout ce qu’on comprend sur le secteur, on essaye de vous l’expliquer ici. Parce que fabriquer des vêtements durables, c’est bien, mais dévoiler, partager ou inspirer, c’est encore plus puissant.

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52 commentaires

  1. Très bon article. Vraiment. Et transparent. Bravo.
    J’ai fait des choix personnels différents (abandon du cuir dans mes nouveux achats depuis plusieurs années) en me posant les mêmes questions et en tombant sur à peu près les mêmes infos.

    Il y a 4 ans j’ai acheté des Verkor shoes en pre-commande attendue 9 mois tout en tissus et plastique recyclés. Cette marque a malheureusement fait faillite (ils étaient moins bons en com que vous !) mais je les ai toujours. Elles sont résistantes et lavables. Un certain manque de manque de confort qui fait que ce n’est pas la paire qu’on met tous les jours. Au moins je mets mes autres paires.
    Je me demande (c’est une vraie question) si au lieu d’encourager l’achat d’une paire de basket durables qu’on porte tous les jours, il ne vaut pas mieux 2 ou paires de chaussures qu’on fait tourner. Autrement dit est-ce que si je mets tous les jours vos chaussures elles vont durer 3 ans mais si j’achète 2 paires que je mets en alternance le tout durera par exemple 7 ans et pas 6 ?
    C’est un constat personnel. Avant quand j’avais une paire à tout faire j’en changeais chaque année. Depuis que j’ai 3 paires que j’alterne j’ai les mêmes depuis plus de 4 ans.

    Allez ciao !
    Elle sont

    1. Bonjour Fabrice,

      Je réponds en passant parce que j’ai lu la page ce matin, la réponse est sur cette page :
      https://www.loom.fr/pages/entretien-les-baskets
      « Nos conseils d’entretien pour les baskets :
      (…)
      La chose fondamentale à comprendre, c’est que le cuir est composé d’environ 5% de corps gras – ce sont eux qui lui donnent sa souplesse et sa résistance. S’ils s’échappent, le cuir se dessèche. Votre objectif est donc simple : maintenir le cuir gras.
      (…)
      – Evitez de les porter deux jours d’affilée, surtout si vous avez tendance à transpirer ou si le temps est pluvieux. Ça laissera à vos baskets le temps d’évacuer l’humidité.

      Bonne fin de journée 🙂

    2. Bonjour,
      Merci pour cet article dense! J’ai plusieurs paires de chaussures en cuir qui date d’avant ma conscientisation de la problématique, et que je fait durer au maximum (notamment deux paires de Timberland)
      Ici en Béarn on a Soulor qui fait de très belles chaussures. J’y suis allé une fois et le vendeur savait nous dire de quel élevage venait quel cuir ( plusieurs ferment avec lesquelles ils travaillent en Béarn et au pays Basque).
      Question: pourquoi affirmer que la traçabilité du cuir est impossible, puisque d’autres semblent y parvenir? 🤔
      Merci pour votre retour

      1. Soulor est en effet une super marque qu’on a l’habitude de recommander à nos clients. En effet, la traçabilité n’est pas totalement impossible, mais comme elle n’est pas obligatoire pour les peaux, elle est très rare. C’est super que Soulor ait réussi à nouer un contact direct avec des fermes et se soit assuré que les peaux restent bien traçables après leur passage en tannerie (il doit être très difficile de ne pas mélanger les peaux puisqu’il n’y a pas de techniques d’identification déployées à grande échelle). Nous, quand on a essayé de contacter des tanneries françaises pour voir s’il était possible d’acheter des peaux avec de la traçabilité, elles ne nous ont jamais répondu…

  2. Bonjour,

    Merci beaucoup pour cet article. J’y ai beaucoup appris autant sur l’aspect éthique / philo que technique.

    Deux commentaires pour aller plus loin :

    – J’ai travaillé avec des tanneries de luxe italienne et de ce que j’ai compris certaines comme Bonaudo, Incas ou Gaiera achètent directement leur cuir wet blue (cad déjà tannés au chrome) à d’autres tanneries (en Grèce, Inde, Nouvelle Zélande). L’impact environnementale est donc déplacé dans les pays qui font le tannage au chrome. Acheter européen ne permet pas d’assurer une pollution moindre. C’est le problème de la traçabilité comme vous le mentionnez. Je n’ai pas assez creusé le sujet en détail et je ne sais pas comment travaille le Portugal, mais je serais intéressé d’avoir votre avis sur le sujet.

    – Pour information, sur l’Analyse de cycle de vie de la chaussure le CTC (Centre technique du cuir) travaille sur 3 dimensions (à peu près les mêmes que les vôtres) :
    – l’émission de gaz à effet de serre / unité : Kg equivalent CO2
    – la consommation des ressources non renouvelable / unité : milli person reserve calculé en fonction de la quantité de ressource disponible pour une personne moyenne dans le monde en incluant rareté et taux de prélèvement
    – L’eutrophisation (Déséquilibre des eaux de surfaces par excès de nutriments carbonés, azotés et phosphorés qui proviennent généralement d’engrais, des déjections animales de l’élevage intensif et des rejets industriels et urbains) / unité : gramme équivalent PO4 (phosphate)
    -> ici entre l’élevage et la pollution des eaux liée au tannage au chrome.
    De plus pour testé la durabilité des chaussures voici les tests qu’ils font :
    – résistance liaison tige-semelle
    – abrasion de la semelle
    – abrasion du talon
    – Résistance à la flexion de la semelle
    – Résistance déchirure de la tige
    – Résistance usure de la doublure.

    Bravo à vous. Mes encouragements.

    1. Bonjour et merci pour ce commentaire. Merci pour l’éclairage des tanneries qui achètent des peaux déjà tannées, on ne savait pas. Pour la tannerie du Portugal, comme on l’a visitée, on a pu constaté qu’ils tannent leurs peaux eux-même. Pour le cuir espagnol, on n’a pas été visiter la tannerie donc on ne sait pas, on peut juste se fier à ce qu’ils nous disent (mais on n’avait pas pensé à leur demander, on va remédier à ça rapidement).

      Super intéressant cette ACV du CTC. Est-ce qu’on peut y avoir accès quelque-part ? Vous savez quelle durée de vie ils estiment pour une basket en moyenne ? Si oui, on adorerait recevoir ça à hello@loom.fr

      1. Bonjour loom, nous ( le département developpement durable du CTC ) serions ravis de pouvoir échanger avec vous sur notre modèle d ACV !.

  3. Merci de partager vos questionnements, le résultat de vos recherches et vos choix. Le ton est juste et les illustrations agréables et éclairantes.
    Ça me fait réfléchir.

    J’ai une question sur l’hypothèse « on a des chaussures en cuir de bonne confection et [on] les fait durer deux fois plus longtemps que les autres. »
    Que quelles autres : les chaussures en cuir conventionnelles ou les chaussures en tissu et les chaussures de sport ?
    – Si c’est par rapport aux chaussures en tissus et aux chaussures de sport, la différence de durée de vie est probablement déjà prise en compte dans l’étude de l’Ademe, puisque les données sont par produit sur toute sa durée de vie (graphique page 53 par exemple).
    – Si c’est par rapport aux chaussures en cuir conventionnelles, les faire durer deux fois plus longtemps n’est-ce pas exagérément ambitieux ? Par exemple, je dirai que les talons et semelles extérieures des chaussures en cuir (de ville, qui sont probablement celles de l’étude) sont déjà assez facilement réparables chez un cordonnier, augmentant ainsi leur durée de vie par rapport aux chaussures en tissus et chaussures de sport.

    Pour finir, même si je critique, je fais partie de ceux qui veulent soutenir la démarche… et attendent d’autres couleurs pour acheter 🙁
    J’ai bien noté dans cet article qu’une réflexion était en cours pour un changement de couleur 🙂

    1. Merci Raphaël, vous faites bien de poser une question sur la durée de vie, c’est en effet l’hypothèse la plus importante : c’est le dénominateur de tout calcul d’impact ! Mais nous parlons bien de la différence de durée de vie par rapport aux chaussures en tissu ou de sport. En effet, c’est assez trompeur quand l’Ademe parle de « durée de vie », car ils prennent en compte la même durée de vie quelque soit le produit (1 an pour toutes les chaussures en l’occurence). Il serait bien sûr plus pertinent de prendre en compte une durée de vie dite « différenciée » (qui serait par exemple 2 ans pour des chaussures en cuir et 1 an pour des chaussures de sport). C’est un gros débat, y compris pour les réflexions sur l’affichage environnemental à venir pour les vêtements, qui pour l’instant ne prend pas en compte les durées de vie différenciées. En tout cas, c’est bien noté pour les couleurs !

  4. Chère Équipe Loom,
    Merci pour vos articles, votre travaille et vos réflexions.
    J’aimerai vous recommander un cuir que j’ai découvert il n’y a pas longtemps. Peut être ce dernier pourrait vous inspirer : https://desserto.com.mx/
    Je n’ai pas poussé la réflexion plus loin. Le produit est pour l’instant développé au Mexique. Il peut être prometteur. Quel est son impact environnemental avec le transport, sa durée de vie, sont des questions auxquelles je n’ai pas la réponse; mais l’initiative me semble en accord avec votre idéologie.
    En vous souhaitant bon courage pour la suite.
    Bien cordialement.

  5. Merci pour cet article très intéressant !

    Je ne m’attendais pas à l’image du « cochon prodigue », j’ai sursauté de surprise (je suis végane, donc ça m’a fait très bizarre, haha)

    Vos arguments sont compréhensibles, j’avais juste quelques petites remarques (je suis étudiante en master textile-mode-cuir donc c’est un sujet qui a été traité pendant certains de mes cours) :

    – le cuir est une appellation protégée, on ne peut pas nommer « cuir » une matière non animale (non tannée) qui lui ressemble (le terme cuir végétal se réfère au cuir à tannage végétal, et pas à une matière d’origine végétale !). Cela n’a pas été mentionné dans ce sens dans l’article, mais comme je le vois beaucoup écrit, je préfère préciser pour dissiper les doutes éventuels 🙂

    – j’ai une collègue de promo qui travaille en tannerie en France (niveau très haut de gamme voire luxe, je ne connais pas leurs prix mais je suppose qu’ils sont en conséquence) et ils sourcent leurs peaux uniquement d’élevage français et ont d’ailleurs des partenariats avec ces élevages pour garantir un certain bien-être des animaux (je sais que cela inclut les vaccins, éviter les piqûres et cicatrices, etc.). Cela permet aussi une meilleure traçabilité, ce qui est très demandé par les marques de luxe mais ça peut être intéressant.

    – je ne sais pas si vous en avez déjà entendu parler, mais parmi les matières imitant le cuir en cours de développement, il y a celles de Modern Meadow (http://www.modernmeadow.com/) et Bolt Threads (https://boltthreads.com/) qui utilisent la biochimie, c’est fascinant !

    – et pour une des personnes plus haut (mais pour d’autres aussi !), il est en effet recommandé de ne pas porter la même paire de chaussures deux jours de suite pour la laisser respirer et la faire durer plus longtemps (un de nos intervenants nous a d’ailleurs informé que le mieux, c’est d’avoir 7 paires de chaussures en cuir – une par jour – et, à la fin de la journée, de bien les cirer pour bien les couvrir de graisse et les mettre au réfrigérateur – il avait apparemment deux frigos : un pour la nourriture, un pour les chaussures !) Petite anecdote 😉

    1. Merci pour le commentaire constructif ! Oui, le cochon est un exemple de publispécisme particulièrement frappant… Pour vos remarques :
      – En effet, le mot « cuir » est réservé à la matière animale (et l’industrie de cuir se bat d’ailleurs beaucoup pour cela)
      – On serait très très intéressé pour avoir le contact de votre collègue pour en savoir plus, on vous écrit un email en privé
      – Jamais entendu parler des deux initiatives que vous mentionnez, on va regarder !
      – Merci pour l’anecdote, et si jamais vous avez des profs/intervenants qui pourraient nous faire d’autres commentaires sur notre article, on est bien sûr très preneurs en tant que non-experts du sujet

  6. Bonjour Loom,

    Merci bcp pour cette lecture. Très intéressant !
    Nous travaillons également le sujet du cuir de très près et serions ravis d’échanger avec vous sur le sujet de la durabilité . N’hésitez pas à nous contacter.
    Clémence

  7. Bonjour,
    Merci beaucoup Loom pour ce blog passionnant et aussi plein de connaissances que de bon sens et de volonté de bien faire dans les moindres détails. Je regrette d’ailleurs d’avoir manqué votre levée de fonds à votre naissance, j’aurais aimé vous soutenir en étant modestement actionnaire (si c’est encore possible, merci de me le dire, en privé) !
    Pour ce qui est du cuir, je vous remercie beaucoup pour ces clarifications. Je suis moi-même plutôt de ceux qui pensent que le progrès écologique et social ne passe pas forcément pas des extrêmes comme l’arrêt brutal de quoi que ce soit, mais avant tout par la forte diminution de la consommation et la relocalisation de celle-ci, en privilégiant l’artisanal et le bio. Je me méfie notamment des régimes alimentaires sans viande voire sans produits animaux qui souvent, au nom du bien-être animal, se tournent vers des substituts protéinés qui ne sont pas toujours plus vertueux quand on considère tous leurs impacts : nutriments de synthèse, matières grasses exotiques (est-il écologiquement plus vertueux d’utiliser de la graisse de coco ou un avocat en guise de beurre dans un gâteau au chocolat ? on peut en douter vu le transport engagé), soja ou quinoa quand ils ne sont pas cultivés localement mais au contraire facteurs de déforestation et de destruction des cultures vivrières andines, par exemple… Mais bref ! Puisque vous parlez ici du cuir, je me pose aussi beaucoup de questions à ce propos et, si ce que vous écrivez me convainc totalement, je me demande si un aspect n’a pas été négligé : n’y a-t-il pas aussi des méfaits des alternatives synthétiques (au moins bas de gamme) au cuir sur le plan des micro-plastiques et autres pollutions ?
    J’ai en effet eu plusieurs fois l’occasion de débattre avec des végans qui portaient des chaussures en synthétique achetée dans des enseignes « mainstream » au nom de l’écologie, et il me semble qu’il y a là quelque chose de très fallacieux. En effet, de plus en plus nombreux sont les chercheurs qui dénoncent la nocivité des vêtements en synthétique, qui produisent des micro-particules dispersables (-sibles ?) mais non biodégradables, toxiques pour l’ensemble des écosystèmes, en particulier océaniques. À l’inverse, cuir et surtout laine, s’ils sont issus d’un élevage extensif et ont subi des traitements à base de produits naturels, n’ont pas ces inconvénients. Qu’en est-il donc précisément pour les chaussures ? A-t-on une évaluation de l’impact de toutes les baskets en simili-cuir, par exemple, sur la propagation des micro-plastiques dans l’air et dans les eaux ? (Je sais qu’on n’est pas censé les laver à la machine dont je suppose que leur impact doit être un peu moindre que celui d’un pull en synthétique, par exemple, mais dans quelle mesure ?)
    D’avance merci pour ce complément d’information si jamais vous aviez des éléments sous la main.
    Et encore merci pour toutes vos démarches.
    Je regrette juste que vous n’ayez pas encore de produits expressément pour femmes… (ou ne serait-ce que votre pull en coton avec un col en V et pas rond !).
    Merci encore !!!
    Camille

    1. Bonjour Camille, ça aurait été top d’avoir quelqu’un d’aussi engagée en actionnaire… mais pas de nouvelle levée de fonds dans les cartons, notre croissance douce nous permet d’avoir encore de l’argent à la banque ! Mais si ça change, si vous êtes inscrite à notre newsletter, vous le saurez 🙂 Pour ce qui est des micro-plastiques, nous avons recueilli quelques avis d’experts sur le sujet, et voici ce qu’on a appris :
      – On ne connait pas encore l’impact des micro-plastiques sur le vivant : peut-être que ce n’est pas grave, peut-être que c’est un drame à long terme, mais le principe de prudence recommande en effet d’être vigilant
      – La biodégradabilité des matières naturelles est en effet meilleure que celle des matières plastiques, mais uniquement si elles ne sont pas teintes. Par exemple, un coton teint va rester très longtemps dans l’eau sans se dégrader. Du coup, on retrouve dans le microplancton et dans les poissons des doses très élevées de matières naturelles teintes… Est-ce que c’est plus ou moins grave que les microplastiques ? On ne le sait pas.
      Bref, tout ça pour dire qu’il est difficile d’être manichéen sur le sujet des micro-plastiques et les pulls en acrylique et les t-shirts en polyester (on était les premiers à l’être au début, mais on s’est ravisé depuis). Et sur le point spécifique des chaussures, vous avez raison : quand on met des baskets en polyester (même recyclé) à la machine à laver, il y a forcément des émissions de micro-plastiques, qu’il n’y aura pas pour les baskets en cuir. Mais pour être complet dans l’analyse, il faudrait aussi prendre les émissions de micro-particules plastiques liées aux frottements de la semelle contre le sol, qui se retrouvent forcément aussi dans l’océan au bout d’un moment, et c’est valable pour les baskets en cuir et les autres ! Donc c’est un sujet très complexe qu’il faudrait investiguer beaucoup plus.
      En tout cas, on aura bientôt des produits pour femmes, patience 🙂

  8. Super article, vraiment intéressant, j’ai appris plein de choses! Merci pour votre travail. Je ne connaissais pas votre marque, mais je vais la mettre dans mes favoris désormais 😉

  9. L’article est très intéressant et plutôt complet mais élude la question principale de ce qui vous est reproché sur les réseaux sociaux, avons nous le droit de continuer le génocide de milliards d’animaux et la souffrance que cela engendre chez eux pour notre bien-être et notre confort ?
    Quand à la question de savoir si une marque se disant éthique peut utiliser du cuir, je pense que vous faites effectivement ce que vous pouvez aujourd’hui et que c’est toujours mieux que les productions de la fast-fashion, et que oui aujourd’hui vous êtes bien obligés de faire des concessions et que les alternatives ne sont pas à la hauteur.
    Cela étant dit, continuer à utiliser du cuir animal, qu’il soit plus « éthique » ou non, ne fera pas changer les choses. Et tuer un animal, c’est ôter une vie, quoiqu’on en dise, et d’ailleurs bon nombre d’entre nous en serait bien incapable aujourd’hui. Et c’est bien culturel également, on choisit les animaux que l’on accepte de voir mourir ou non, si c’était des peaux de chien ou de chat, jamais nous n’en utiliserions, pourtant quelle différence entre un chat/chien et une vache ?
    Bref, on est bien loin d’arrêter de fermer les yeux pour notre confort, et je porte moi-même des chaussures en cuir, je comprends simplement les réactions que vous avez pu recevoir en réponse à vos produits en cuir.

    1. Merci pour la lecture attentive de l’article. Sur la question « avons nous le droit de continuer à faire souffrir les animaux pour notre bien-être et notre confort ? », on est d’accord avec vous, c’est LA question. Et comme vous, on serait bien incapable de tuer une vache à mains nues. Mais on pense que supprimer l’industrie du cuir serait contre productif à court terme car 1/ il diminuerait la rentabilité des élevages existants et favoriserait les plus intensifs qui optimisent les coûts et font souffrir encore plus 2/ les alternatives high-tech comme le cuir « vegan » plein de polyuréthane ont trop d’effets négatifs (cf. ce qu’on en dit dans l’article). Bref, on comprend tout à fait les réactions mentionnées en début d’article, mais on a essayé de poser les termes du débat pour dessiner un horizon différent : nouvelles matières ou au moins traçabilité du cuir.

  10. Bonjour,

    Un simple mot, bravo! Une étude sérieuse et mesurée, un clin d’oeil de bon aloi à Charles, Caroline, Mary, Laura et Carrie.
    Cherchant désespérément une étude un peu fouillée sur le cuir après avoir lu un énième argumentaire d’un producteur de « cuir vegan » (sic), qui affirmait de façon péremptoire « un impact carbone 40 fois moins élevé que celui du cuir », je suis tombé sur votre blog, donc, encore une fois, bravo, et merci.

    1. Ah merci, ça fait plaisir que nos recherches servent à d’autres professionnels ! Par contre, on n’a pas compris les clins d’oeils à Charles etc, désolé…

  11. Bonjour,
    Je suis étonné. Je suis étonné car après avoir reçu un mail, je vois que Loom sort des basket en cuir. Passé le premier étonnement, je clique et tombe sur cet article. Je le lis et je reste étonné.
    Pourquoi sortir des produits en cuir et de se justifier inutilement sur le cuir et ses alternatives ?
    La question qui me vient est « Etes-vous « obligés » de sortir des chaussures en cuir ? »
    Je pense que non.
    Vos vêtements sont biens, à quoi cela sert de vous diversifier vers le cuir si cela va à l’encontre de ce que vous pensez ?
    Fidéliser les clients en répondant favorablement à leurs demandes ? Peut-être, mais cela suffit-il ?

    Selon moi, vous gagneriez en légitimité en n’utilisant pas de cuir (quitte à ne pas fabriquer de chaussures ou autres) et à justifier votre choix en utilisant les arguments de cet article.

    Cela vous permettrait de clore un débat éthique chez vous et vous apaiserait beaucoup certainement.
    Je vous imagine visiter vos tanneries partenaires le coeur lourd, je ne sais pas si c’était le cas mais à la lecture de cet article, il semble évident que ça l’était pour certains.

    J’aurais donc préféré lire « Voilà pourquoi nous ne pouvons pas, pour le moment, fabriquer de vêtements en cuir, qu’ils soient animal ou dit « végétal «  » à la fin de l’article.

    1. Vous avez raison : on n’est pas totalement apaisés sur ce sujet, comme toutes les personnes qui ont pris le temps de comprendre la réalité de l’industrie de la viande, du lait ou du cuir. Est-ce qu’on serait obligés de fabriquer ces baskets en cuir ? Non, pas forcément : il existe suffisamment d’autres marques qui en fabriquent, et nous, on pourrait se concentrer par exemples sur des chaussures d’été en coton plus légères. Mais notre espoir est qu’en essayant de comprendre comment faire mieux sur le sujet de cuir, on pourrait peut-être faire bouger un peu les choses. D’ailleurs plusieurs marques, petites et grosses, nous ont contacté en privé suite à cet article pour nous poser des questions sur le cuir, donc ça nous donne l’espoir qu’on puisse avoir un petit impact positif…

  12. Bonjour,

    Merci pour cet article super instructif. D’ailleurs il tombe à pic car je suis en train de chercher des nouvelles baskets et je suis en plein dans le dilemme cuir ou pas cuir ! Je dois dire que la durabilité/ propriétés/ prix du cuir est ce qui me fait véritablement hésiter à me lancer dans l’achat de chaussures véganes.

    Je crois que vous m’avez apporté un élément non négligeable, qui dicte aussi mes choix de consommation de viande, mais que je n’avais pas envisagé pour les chaussures : comment encourager les éleveurs qui font bien et qui galèrent si on arrête de consommer tout produit animal ?

    De mon côté j’ai tiqué sur un argument qui n’a rien à voir avec le cuir. Lorsque vous parlez de l’utilisation de fumier animal et que vous dites que c’est seulement remplaçable par les engrais chimiques, on a l’impression que c’est l’un ou l’autre uniquement mais je pense au compost et déchets végétaux, ça ne serait pas une alternative du coup ? (oui oui c’est un peu hors sujet)

    En tout cas vos articles sont de vrais exemples pour les personnes qui pratiquent la rédaction web et qui étudient la comm, comme moi !

    1. Merci ! En effet, il y a une vraie dimension sociale / sociétale qu’il faut prendre en compte pour tout achat, et donc comprendre l’industrie qu’on soutient en achetant.

      On va préciser notre pensée sur le fumier : on ne dit pas vraiment que le fumier animal est seulement remplaçable par les engrais chimiques, mais que aujourd’hui, il se trouve que le fumier animal c’est ce qu’utilisent l’immense majorité des exploitations les plus vertueuses, notamment en permaculture. Et on a même précisé l’état des connaissances sur le sujet dans le point n°6 de notre encadré sur l’anti-spécisme, vous pouvez lire tout ça à partir de la phrase « l’agriculture traditionnelle sans animaux et sans engrais chimiques est tout à fait possible, même si elle est un peu moins facile. » On y explique notamment qu’on peut très bien faire une jachère efficace sans animaux. Bref, votre question n’est pas du tout hors sujet !

  13. Bonjour,
    comme d’autres j’ai été étonnée de voir que vous utilisiez du cuir. J’ai donc lu l’article, je l’avoue un peu en diagonale à certains endroits car il y a des aspects qui m’intéressaient plus que d’autres.
    Je trouve que votre papier a (au moins) deux qualités non négligeables, en plus d’exposer votre vision de manière transparente et de faire le point sur cette question :
    – d’une part votre réflexion montre une humilité qui pour moi est quelque chose de vraiment important si on veut avancer collectivement.
    – d’autre part, et c’est en lien, cela montre en effet la complexité de la question.

    Pour ma part j’ai arrêté le cuir et toute consommation animale qui ne soit pas nécessaire, pour le moment et en l’état actuel de mon corps, à ma santé donc à terme à ma survie, c’est à dire tout ce qui ne serait que pour la gourmandise ou le confort. D’une part je partage ce qui est dit dans l’un des commentaires précédents sur le fait que les extrêmes conduisent aussi à consommer des produits alternatifs pas forcément meilleurs à terme ; d’autre part, comme tout être vivant sur terre, mon premier devoir est envers moi-même, en termes de santé et de survie, et ceci dit dans tomber aucunement dans un égoïsme visant à satisfaire des besoins factices en me foutant de ce qu’il y a autour. Sur ce point, je ne partage pas le point de vue qui associe « absence de souffrance animale – respect des animaux à égalité » et « ne jamais manger de viande ». Cette association est liée à nos modes de vie occidentaux où plus personne ne va juste chasser sa nourriture, à la loyale, en faisant face de manière extrêmement claire et saine à la mort de l’animal qu’il tue, et dont il mangera et utilisera tout ce qu’il peut, sans aucun gaspillage, ni déloyauté, ni emprise de l’humain sur cet autre animal. Nous sommes aussi des animaux, je n’aime pas tellement cette différenciation entre « humain » et « animal », qui dirait que nous, nous sommes différents (supérieurs) donc nous avons de la compassion et nous ne mangeons personne. J’ai une vision plus terre à terre, simple et « primitive ». Ce avec quoi je suis en désaccord profond ce n’est pas de manger parfois d’autres animaux, c’est l’élevage, la déloyauté qui consiste à décider de toute la vie d’un animal, que l’on fait naître uniquement dans le but de le tuer à un moment qu’on définira nous. Je pense d’ailleurs que, même avec des conditions de vie bonnes dans un élevage, et même si on réduit toute la souffrance physique au moment de la mort, il restera toujours cette souffrance, peut-être moins perceptible, de l’être vivant qui sait instinctivement que sa vie ne lui appartient pas, qu’il a été mis au monde dans un but précis : servir de pitance à un autre. Ce qui n’a rien à voir avec gambader dans la forêt librement, et un jour voir arriver un prédateur, quel qu’il soit, humain, panthère, ou loup, qui fait l’effort de gagner sa pitance du jour et qui peut aussi échouer.
    Le problème de l’élevage est que l’humain ne peut pas échouer à tuer l’animal, tout est tracé au départ.
    Bref je ne dis pas qu’il soit possible de revenir à ce que chacun chasse son bestiau pour manger, mais je veux malgré tout parler de cet intermédiaire, car il existe ou a existé, et qu’il met le doigt aussi sur une des choses qui pose problème, et dont vous avez parlé : la plupart du temps on ne fait pas un vrai choix en acceptant de regarder en face ce qu’implique notre choix. On détourne le regard. Ce qui revient à accepter que d’autres fassent le sale boulot, alors que nous on mangera un animal bien propre et aseptisé, sans avoir jamais regardé en face la souffrance et la mort associées à ce qu’on mange (ou ce qu’on met aux pieds ou sur lequel on s’assoit dans son salon).

    La question est complexe parce qu’on n’est pas tous capables de passer à un régime végétarien voire vegan en claquant des doigts et sans déséquilibrer toute sa santé. Perso j’ai essayé, je l’ai payé assez cher. Résultat : retour à manger de la viande et du poisson, en essayant de choisir le moins mal possible, et pour le moment en évitant déjà tous les animaux pour lesquels je peux juste plus et qui ne me sont aucunement nécessaires. Par exemple le cochon, la vache, le canard, etc… et tous les petits (veau, agneau).
    Le problème est d’autant plus complexe que quand on cherche à faire au mieux, il est quasiment impossible de trouver des conseils bienveillants dans les milieux végé/vegan, parce que très vite viennent la moralisation, les jugements, l’incompréhension, voire les accusations. Donc pour ma part j’ai abandonné tous ces environnements et j’avance petit à petit, en faisant de mon mieux, et en introduisant progressivement dans mon alimentation d’autres sources de protéines, de fer, etc. que je digère bien, de sorte d’arriver à un moment à la suppression totale de produits animaux dans mon assiette. Comme je ne trouve pas de conseils pertinents dans le domaine de la diététique plus « classique » qui est encore beaucoup imprégnée de principes idéologiques (« il faut manger de la viande », « il faut boire du lait de vache » etc.), je me débrouille seule en écoutant les réactions de mon corps. Donc c’est un peu long.

    Bref. De manière plus large, votre réflexion sur le cuir m’évoque le dilemme que j’ai vis à vis du bois et des arbres. Je n’aime pas du tout l’élevage d’arbres en « batterie » (forêts uniquement destinées à être coupées à une date déjà déterminée), mais sur le plan écologique, il est évident que le bois est meilleur que beaucoup d’autres matériaux.
    Alors j’admets d’utiliser du bois, et j’essaye surtout de le faire durer longtemps, d’acheter de la deuxième main, de réutiliser, de ne pas gaspiller.
    On pourrait hurler de ce que je dis, que les animaux méritent bien plus de respect que les arbres, chacun sa vision. Je n’ai pas de notion de hiérarchie des êtres vivants selon leur plus ou moins grand proximité avec nous, humains.
    Par contre j’assume le fait que d’une part affectivement, certains animaux me touchent plus ou moins (donc oui je mange du poulet encore pour le moment alors que je supporte plus de manger de la vache), et aussi que je fonctionne comme un animal qui défend son territoire, sobrement mais sans chichis ou angélisme non plus. Je n’irai jamais tuer une fourmi pour rien. Mais si une colonie rentre chez moi et que j’arrive pas à les faire sortir en douceur, celles qui sont dedans seront tuées et je me débrouillerai pour que d’autres n’entrent plus.
    Je crois vraiment à la force de l’honnêteté avec soi-même pour avancer sur des questions complexes comme ça.

    Il me semble que c’est ce que vous faites ici donc je trouve ça intéressant, même si je vous achèterai pas de chaussures en cuir 😛 m’enfin de toutes façons vu le peu de chaussures que j’achète, je ne fais pas vraiment partie des clients cibles de ce secteur.
    Quoi qu’il en soit j’espère que rapidement des alternatives au cuir animal apparaîtront afin que l’on n’ait même plus à réfléchir à ce dilemme, et qu’on puisse avancer sur d’autres questions.

    1. Merci pour ce long témoignage. En effet, la route vers un mode de vie plus respectueux du vivant est longue et parfois sinueuse, et il faut essayer de se garder des jugements hâtifs sur le comportement des uns et des autres. Sur nos relations entre espèces et le chemin vers un élevage plus soutenable, on vous conseille un livre assez magistral : « Manière d’êtres vivants » de Baptiste Morizot. Le discours n’est absolument pas moralisateur et permet d’apprendre à arrêter de traiter la nature comme une ressource. Il faut s’accrocher mais ça vaut vraiment le coup.

    2. Je tombe par hasard sur votre commentaire et je le trouve plein de bon sens . Nous devrions tous raisonner comme vous le faites mais nous sommes pris dans nos habitudes et il est difficile de changer . Bravo pour votre démarche; où en êtes vous actuellement dans votre progression vers le  » moins animal  » possible ?

      1. merci pour les encouragements ! J’avoue que nous n’avons pas beaucoup avancé, car d’autres projets nous prennent beaucoup de temps, en particulier l’engagement dans le collectif En Mode Climat. Mais nous n’oublions pas ce sujet pour autant…

  14. « l’Inde (où les conditions d’élevage et d’abattage des vaches sont horribles) » … en Inde, vous êtes sûrs ?

    A part ça, l’article est très bien documenté.

    1. Merci pour votre commentaire, c’est vrai qu’il y a une imprécision. L’Inde est bien un des principaux pays exportateurs de viande bovine dans le monde (lien), mais il s’agit principalement de buffles d’eau et non de vaches, qui, elles, sont sacrées. Malheureusement, en raison des tensions religieuses sur les bovins, la plupart des abattoirs en Inde sont illégaux, avec forcément des conditions sanitaires peu conformes à la réglementation (lien)…

  15. Excellent article, simple transparent, compréhensible… Rien à redire si ce n’est une petite proposition d’ajout : un tableau comparatif entre une chaussure en cuir bovin et une autre en cuir végétal+PU, pour vraiment comparer entre elles. Car là on compare avec d’autres matières/usages etc, ce qui est déjà bien, mais on n’a pas de résultat pour des alternatives pour remplacer le cuir

    1. Merci pour les encouragements ! Si vous voulez parler de la comparaison des impacts CO2 entre cuir bovin et cuir végétal + PU, en effet il faudrait faire le calcul ! On ne l’a pas fait, mais il est trop probable que l’impact CO2 du cuir bovin soit supérieur en raison des impacts de l’élevage. Mais comme les chaussures avec cuir végétal + PU sont en général moins résistantes, ça doit se compenser au moins partiellement.

  16. 👏 Merci pour cet article très bien documenté ! Ravi d’être tombé sur votre site au fil de mes recherches, en plein dilemme sur un choix d’achat de chaussures en cuir vs non-cuir. Dans la série, je vous partage ce riche article sur les engagements cuir de Chala, qui produit des sandales minimalistes : https://chala.de/en/the-manufactory/black-forest/

    🐣 Je vous partage quelques coquilles vues au fil de l’article afin que vous puissiez les corriger si vous le souhaitez, pour faire honneur au fond !
    • Deuxième réponse : on peut faire de l’élevage mais à condition d’y retirer un maximum de souffrance animale. → à condition d’EN retirer
    • la productivité des élevage → élevageS
    • Bref, la tannage du cuir n’est pas un problème environnemental → lE tannage du cuir
    • 2- la basket en cuir tienne au moins deux plus longtemps que les autres → en cuir tienT au moins deux FOIS plus
    • En France, on s’est engagé à diviser par 4 nos émissions de gaz à effets de serre. → on s’est engagéS à diviser
    • Faire bouger les choses, par exemple en signant cette pétition GreenPeace pour réformer la Politique Agricole Commune en faveur des petits élevages. → Je n’ai pas vu le lien ! 🙈
    • les Etats-Unis (spécialistes des fermes-usines et des hormones de croissance) → manque le point . à la fin de la phrase

    1. D’abord merci pour votre oeil de lynx : on vient de corriger toutes les coquilles ! (et le lien sur Greenpeace est bien là quand on passe la souris, c’est juste qu’il est invisible : il faudra qu’on change le format).

      Et c’est génial ce qu’ils font chez Chala, le genre de marques qu’on adore 🙂

  17. Petite correction : l’article du Monde que vous citez ne confirme pas votre affirmation comme quoi « 80% la viande bovine provient de vaches laitières ».
    Il indique que 79 % provient de femelles, dont 35 % de « vaches laitières réformées » et 65 % de « vaches allaitantes, issues de races sélectionnées pour faire de la viande ».

    Mais c’est un détail sans grande importance, comparé aux 2 énormes problèmes que sont la souffrance animale, et l’impact environnemental de l’élevage.

    À ce sujet, l’empreinte carbone dépend vraiment de la manière dont on la comptabilise.
    Par exemple, VEJA (la marque de baskets) a réalisé une étude d’impact, et c’est édifiant :
    https://project.veja-store.com/fr/single/emissions
    En Scope 3, « 71 % de [leurs] émissions totales de CO2 sont générées par [leur] matières premières […]. 97 % de ces émissions sont dues au cuir ».
    Alors qu’un modèle sur trois de la marque n’utilise pas du tout de cuir.

    Au final, je suis déçu que des marques qui se présentent comme éthiques utilisent encore du cuir.
    « Quand on pense qu’il suffirait que les gens n’achètent plus pour que ça ne se vende pas… »

    1. Bien vu pour la correction, notre pourcentage était en effet erroné et on a corrigé, merci. Et vous avez raison, le cuir émet probablement une grosse partie des émissions dans la construction d’une basket (même si, comme on le précise dans l’article, ça dépend d’où vient le cuir et de quel pourcentage des émissions on alloue au cuir sur la vache). En ce qui concerne votre déception que nous utilisions du cuir, on comprend et l’objectif n’est pas de convaincre tout le monde. De notre côté, on pense avoir suffisamment bien expliqué les raisons de notre choix dans cet article.

  18. Hello Loom,

    je découvre tout récemment votre blog, super intéressant!

    Etant moi-même dans la mode depuis 16 ans, spécialisée en maroquinerie et chaussures, le cuir est un sujet qui me passionne!
    En lisant votre article, j’ai appris encore de nouvelle choses, j’en suis ravie, mille mercis !

    Comme l’a déjà mentionné quelqu’un, les termes « cuir synthétique » et « cuir végétal » non seulement ne doivent pas être utilisés mais sont interdits par le décret cuir (https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000021645894/ – article 2).
    On peut utiliser à la place l’expression « alternative au cuir », plus longue mais plus correcte.

    Concernant la traçabilité du cuir, j’ai suivi un webinaire du CTC le 27/09/22 intitulé « Innovation : Traçabilité matière » : il y a du neuf, demandez-leur le replay!

    J’ai par ailleurs été formée à l’économie circulaire et à l’éco-conception, et quand j’ai réalisé l’éco-conception d’une paire de chelsea boots, l’analyse environnementale a révélé que le principal enjeu n’était pas le cuir mais…la semelle! car elle représente plus de la moitié du poids total de la chaussure.
    Et comme vous l’avez rappelé, et d’autres personnes en commentaires, il est hyper important de prendre en compte la notion de « service rendu » : une paire de sneakers en cuir pleine fleur qui durera 5 ans versus une paire de tennis en toile qui durera même pas un an, sans compter que la toile ne tient pas chaud, donc l’hiver les tennis ça caille, donc le service rendu n’est pas comparable !
    Perso, il y a 5 ans j’ai acheté une paire de sneakers en cuir Carven (achetées en vente privée un tiers du prix, bon…), doublées cuir, semelle en caoutchouc je pense (vu le poids). Je les porte hyper souvent, dans mes conditions les plus extrêmes (voyages, rando, boite de nuit!). En les nettoyant et les cirant régulièrement, elle tiennent impeccablement la route! Le service rendu est énorme ! je suis donc convaincu de la durabilité du cuir vs le synthétique.

    D’autant plus qu’en 2021, une étude a comparé les caractéristiques techniques du cuir pleine fleur et de plusieurs « alternatives véganes » : le résultat est sans appel, le cuir gagne haut la main sur de nombreux aspects: chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://leatherfrance.com/sites/default/files/fftm/documents/etude_filk_complete_fr.pdf

    Enfin, je vous invite à écouter cette excellente enquête de France inter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/secrets-d-info/derriere-l214-les-lobbies-de-la-viande-in-vitro-en-embuscade-7033429
    Ca ouvre encore des horizons et permet de prendre du recul quant à l’activisme de L214 qui fait du mal à toute la filière de l’élevage, en mettant sous les projecteurs uniquement les mauvaise pratiques de certains abattoirs et jamais ceux qui font du bon travail.
    A bon entendeur… 😉

  19. Bonjour,
    Tout d’abord MERCI.
    Désolée, mais je n’ai pas lu tous les commentaires, Morphée m’appelle.

    Votre article est très passionnant et pour aller plus loin si vous me le permettez….
    Un éleveur n’a pas intérêt à faire de mal physiquement ou psychologiquement à ses animaux qui perdraient en qualité de viande et de cuir.

    Concernant, les « alternatives » au cuir ou comment s’excuser de produire plus de soja, d’ananas dont les cultures ne sont pas toujours exemplaires (sur tous les points) et de nous intoxiqués petit à petit avec des produits chimiques qui génèrent des problèmes de santé. Et oui l’acidité de la transpiration altère l’intégrité des matériaux et oups crée un transfert de « matière ». C’est notre consommation de plastique qui augmente et ce n’est pas que à cause de l’eau en bouteille ou….

    C’est beau de se dire végane, mais je n’en ai toujours pas rencontré qui se déplace uniquement en transport en commun ou à vélo non électrique, qui n’utilise pas de smartphone et ne soit pas connecté aux réseaux sociaux.
    Bien entendu, la plupart de ceux que j’ai rencontré ne regardent pas d’où vient ce qu’ils consomment, ne respecte pas toujours les saisons des aliments. Je ne parlerai pas non plus des vêtements….

    Nous ne développerons pas les sujets des énergies « vertes » qui pourraient « réduire » l’empreinte carbone de certains industriels….

  20. Bonjour à tous,

    Pour avoir travaillé plusieurs années dans la maroquinerie (dont luxe) et la fabrication de chaussures, j’ai vu passer de très grandes quantités de cuir et visité de nombreuses tanneries de part le monde.

    Il se trouve qu’aujourd’hui je me suis rapproché de mon histoire familiale et travaille au quotidien avec des éleveurs bovins.
    Je pense donc connaître pas mal les deux bouts du fil que vous essayez de démêler dans cet article.

    C’est de très loin l’article le plus complet et équilibré que je n’ai jamais lu sur le sujet.
    Pour ça je dis un très grand BRAVO !

    Néanmoins, (parce que j’aime bien pinailler), voici quelques commentaires personnels :

    IMPACT CARBONE DE L’ELEVAGE
    – Vous l’avez très bien dit, l’impact de l’élevage bovin français sur l’environnement est bien plus faible que l’élevage moyen mondial.
    On peut dire merci sur cet aspect à notre climat tempéré qui permet de bien exploiter les prairies, mais aussi à notre très bon niveau technique qui permet d’avoir un productivité par animal élevée. C’est à mettre au crédit de toute la filière, depuis notre recherche agronomique jusqu’à sa mise en application dans les élevages.
    Mais en plus l’élevage bovin (et l’agriculture en général) est un domaine qui bouge énormément.
    Le nombre d’agriculteurs qui se lancent dans un bilan carbone de leur activité et font évoluer leur système productif pour l’améliorer est très important. Aucun secteur économique n’a enclenché une démarche à cette échelle (combien de maçons, électriciens, coiffeurs, commerçants, connaissent le bilan carbone de leur activité ?).
    Si bien que l’impact moyen de l’élevage français s’améliore continuellement et on trouve d’ores et déjà en France, des éleveurs bovins dont le système productif est en neutre en carbone, voire légèrement négatif.

    CUIR = DÉCHET OU COPRODUIT ?
    – Vous avez raison, il est difficile de dire si le cuir est juste un déchet de la production alimentaire ou un coproduit.
    L’élevage ovin (les moutons) peut peut-être apporter un oeil sur le sujet.
    A l’heure actuelle, la laine est très peu exploitée au sein des élevages français car le coût en main d’oeuvre de la tonte est supérieur à la valeur de la laine sur le marché. Mais on consomme quand même de la viande de mouton et du lait de brebis.
    En élevage bovin, l’éleveur est payé uniquement sur le poids carcasse des animaux. La peau ne lui est pas payée.
    C’est uniquement l’abatteur qui la vend aux tanneurs.
    Donc si on arrêtait d’utiliser du cuir dans nos produits, est-ce que cela aurait un impact sur le prix et la consommation de viande et fromage de vache ?

    MALTRAITANCE ET TAILLE DES ÉLEVAGES
    – Assimiler les gros élevages à la maltraitance et les petits élevages aux bonnes conditions est un raccourci fréquent mais particulièrement faux dans le cadre de l’élevage bovins en France.
    Les mauvaises conditions d’élevage, source de stress pour les animaux, sont les premières causes impactant la productivité des animaux (croissance pour les bovins allaitants, production laitière pour le cheptel laitier). Et une meilleure productivité c’est une meilleure équation économique pour l’éleveur, mais aussi moins d’externalité négative par kg de viande ou litre de lait produit.
    Donc tout le monde à intérêt, et l’éleveur en premier, à ce que ses animaux se sentent bien.
    Or les « gros » éleveurs bovins français, (qui restent petits VS les références internationales), sont en général de très bons techniciens zootechniques et ont bien conscience des ces enjeux et en tiennent compte.
    Parmi les petits, certains font aussi un excellent travail, mais d’autres sont des agriculteurs « par accident » qui ont repris la ferme de leur parents car ne savaient pas trop quoi faire d’autres.
    Ils ne sont pas forcément aussi pointu techniquement et travaillent sur les bases de ce que faisaient leur parents 40ans avant.
    Ce niveau technique est aujourd’hui insuffisant et ils ont du mal à assurer la pérennité économique de leur exploitation.
    Dépassés ils oublient les basiques et enfoncent jour après jour leur ferme. Dans ces situations les animaux sont rarement les mieux traités.

    DEBOUCHÉS DES VEAUX MALES
    – Quand vous dites que les veaux mâles laitiers sont abattus et que 80% de la viande de boeuf provient de femelle, cela peut laisser penser que les veaux mâles sont abattus « inutilement » et jetés à l’équarrissage.
    En réalité, ils viennent tout simplement alimenter la filière de veau de boucherie ou la production de viande de JB (Jeunes Bovins) peu consommés en France mais beaucoup plus en Europe du sud (Espagne, Italie, Grèce etc).
    Contrairement à ce qu’affirment certains, on ne tue pas des veaux juste pour faire du lait !

    SUPPLÉMENTATION EN B12
    – Enfin, La comparaison de la supplémentation en B12 versus la vitamine D pour les enfants et l’iode dans le sel de table est un argument souvent avancé par les végans. Néanmoins je le trouve assez fallacieux.
    La supplémentation en vitamine D vise à éviter le rachitisme qui engendre des enfants de petites tailles et retard de développement.
    La supplémentation en iode vise à éviter le crétinisme qui provoque un retard mental.
    Mais avant la généralisation de ces deux supplémentations tous les enfants ne finissait pas rachitiques ou crétins, elle vient donc améliorer la santé moyenne de la population mais n’est pas indispensable.
    Alors que l’absence de B12 d’un régime vegan rend indispensable la supplémentation.
    On viendrait donc créer une dépendance obligatoire à un produit chimique qu’il faudrait produire et approvisionner en quantité importante pour toute la population (pas seulement les enfants).
    Alors que la consommation de produits animaux (pas forcément de la viande) en faible quantité suffit à couvrir les besoins.

    Le véganisme est un mode de vie tout à fait respectable.
    Ce qui l’est moins c’est la volonté de certains végans d’imposer leur idéologie par la force au reste de la population.

    L »élevage a évidemment des externalités négatives comme toute activité humaine et il faut essayer de les minimiser.
    Mais il est aussi vecteur d’externalités très positives dans l’entretien des espaces herbagers, le développement de la biodiversité (le moyen le plus efficace de restaurer rapidement les espaces dégradés c’est d’y faire pâturer un troupeau de bovins) et la production de produits alimentaires à haute valeur nutritive et gastronomique.
    Mangeons en moins, mangeons en mieux et réduisons les impacts. Cela sera plus vertueux que tout jeter avec l’eau du bain et se priver aussi des aspects utiles.

    1. Merci beaucoup pour vos encouragements et votre contribution au débat, avec votre double regard des mondes de la maroquinerie et de l’élevage.

      En particulier :
      – Oui beaucoup d’éleveurs français font un super travail et il faut leur rendre hommage, surtout au regard de ce qu’ils gagnent en général…
      – Merci pour votre honnêteté sur le fait qu’on ne peut pas dire que le cuir n’est qu’un « déchet » à exploiter… Mais en effet pour les moutons français dont on ne vend pas la laine, on mange quand même la viande ! (même si nous aimerait bien faire un jour des pulls avec leur laine un peu rustique !)
      – Intéressant votre rappel sur le raccourci qu’il est tentant de faire : grosses fermes = enfer pour les animaux, petites fermes = paradis pour les animaux.
      – Pour la vitamine B12, on ne peut pas en effet faire un parallèle strict avec la vitamine D et l’iode car plus vitale. Mais en effet, on peut aussi en trouver dans des produits animaux qui ne sont pas de la viande (produits laitiers, oeufs voire légumes racines en contact avec un sol enrichi au fumier animal…)

  21. Bonjour,
    merci pour votre article très détaillé.
    J’aimerais simplement mettre en lumière une petite marque de chaussure dont certains modèles sont en plastique recyclés : les chaussures Sneaker Ector. J’ai pu visiter leur usine à Roman sur Isère et j’ai plusieurs paires dont la chaussure Bora qui ne prennent aucune ride. Elles sont vraiment durables et faites à partir de bouteilles recyclés. Il restera toujours l’impact de fondre, colorer et arrangé la matière recyclée mais cela s’inscrit dans un circuit court pour un produit durable.
    Quelle est votre idée sur cette démarche?
    Bonne continuation

    1. Merci pour votre commentaire !En effet, le polyester recyclé à partir de bouteilles n’est pas une solution parfaite comme on l’avait expliqué dans un autre article. Mais toute initiative visant à re-dynamiser l’industrie de la chaussures à Romans mérite d’être saluée. Et une chaussure fabriquée localement a de grandes chances d’avoir un impact environnemental moindre, contrairement à la plupart des chaussures fabriquées à l’autre bout du monde.

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