Ce boxer coûte 20€ et pourtant, il n’est pas cher. Voici pourquoi.
Ce boxer coûte 20€ et pourtant, il n’est pas cher. Voici pourquoi.
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On vous racontre deux ans de travail pour concevoir un boxer en coton bio, solide, doux, confortable et fabriqué au Portugal.
C'est quoi un bon boxer ?
Quand on a commencé à travailler sur notre boxer, en mars 2018, on était jeunes et insouciants. Ce qu’on ne savait pas à l’époque, c’est que cette recherche durerait... plus de deux ans et demi.
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Comme d’habitude, pour commencer notre recherche, on vous a envoyé un questionnaire et vous avez été plus de 300 à y répondre.
Après plusieurs heures de travail, notre data analyst spécialisé en blockchain et machine learning tirait la conclusion suivante :
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Puis, après retravail :
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On avait notre cahier des charges : on voulait faire un boxer qui ne se détende pas, qui ne fasse pas de trous à l’entrejambe, avec un élastique solide.
À la recherche de la bonne usine
On ne pouvait pas s’embarquer seuls dans l’aventure, il nous fallait un compagnon de cordée : une usine qui soit prête à travailler sur ce projet avec nous.
Mais n’en déplaise à nos parents, nous étions (et sommes) encore une toute petite marque avec de tout petits volumes… Alors forcément, quand on contacte les usines pour faire un projet compliqué, ça donne ça :
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Heureusement, après quelques temps, on a fini par trouver quelqu’un au Portugal qui a accepté notre projet – sans se douter qu’il en prenait pour plus de deux ans.
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À la recherche de la bonne matière
Un tissu qui ne se détend pas
Un tissu finit presque toujours par se détendre quand on le porte, surtout quand c’est de la maille un peu élastique… Techniquement, on dit qu’il “poche”. Et pour les boxers, qu’on étire toute la journée en marchant, ça peut devenir particulièrement embêtant.
Pour minimiser cette déformation, on a décidé de jouer sur deux tableaux :
- Ajouter de l’élasthanne de bonne qualité, ce que font d’ailleurs la plupart des fabricants de boxers aujourd’hui.
- Surtout, faire en sorte que la structure-même du tissu reprenne plus facilement sa forme grâce à une maille plus dense et plus serrée (ce que montrent les études ici ou là). La plupart des boxers tournent entre 150g et 180g/m2, on a décidé de partir au moins sur du 200g/m2.
Mais avant de choisir un tissu, il fallait aussi résoudre le deuxième problème que vous nous aviez remonté. Et ça nous pris beaucoup de temps.
Retarder les trous à l'entrejambes
Quand vous marchez toute la journée avec un boxer, vos cuisses frottent l’une contre l’autre en permanence… Et au bout d’un certain temps, il finit par y avoir des trous. La seule manière de les éviter, c’est d’augmenter la résistance à l’abrasion du tissu. Mais elle dépend de plein de facteurs : longueur des fibres de coton, finesse du fil, densité de la matière…
Alors pour être sûr de ne pas se planter, le mieux c’est prendre un tissu qu’on sait résistant, puis de le comparer à d’autres sur une machine comme ça :
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Le truc, c’est qu’on a commencé ce travail avec un sacré handicap : notre fil de coton devait être bio (si vous vous demandez encore pourquoi, lisez notre article sur le sujet). Or, trouver un fil de coton bio de qualité, avec une fibre suffisamment longue et résistante, c’est loin d’être évident.
Alors forcément, le premier tissu bio qu’on a testé n’était pas à la hauteur :
- Échantillon de référence (non bio) : Trou qui apparaît au bout de 40000 - 45000 cycles
- 1er échantillon Loom en coton bio : Trou qui apparaît au bout de 30000 - 35000 cycles
C’est alors qu’on nous a parlé d’un fil supposé incroyable, d’un coton non seulement bio, mais en plus d’une qualité exceptionnelle : le coton égyptien de Gizeh, habituellement réservé au marché du luxe. Sa particularité : des fibres très longues (plus de 3,6 cm quand la moyenne est de 2,5 cm) pour la résistance et très fines pour la douceur. Avec ce coton, on était à peu près certain qu’on allait casser la baraque… Alors on a fait produire un rouleau de 50 mètres, la quantité minimum.
Sauf que les tests ont donné ça :
- Échantillon de référence (non bio) : 40 000 - 45 000 cycles
- 2e échantillon Loom en coton de Gizeh bio : 20 000 - 25 000 cycles
Moins bien que le premier ! C’est en analysant les résultats qu’on a compris notre erreur : les fibres de ce coton égyptien sont si longues et fines qu’elles permettent de faire des fils très fins… Et le fil qu’on a choisi l’était beaucoup trop. Fin de l’histoire ?
Au contraire : cette finesse s’est transformée en avantage. Avec un fil fin comme ça, il est possible d’en prendre deux et les retordre l’un sur l’autre en “double-retors”. Ce côté “câblé” lui donne une solidité bien supérieure, tout en maintenant le même niveau de douceur !
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On a donc décidé de refaire produire un rouleau de 50 mètres en double-retors, puis de relancer un test. Puis on a demandé à notre laboratoire de nous envoyer les échantillons testés par courrier. Résultat en image :
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Certes, le premier vrai trou est apparu 5000 cycles plus tôt sur le Loom, mais sans s’affiner du tout avant et sans laisser apparaître aucune transparence. Autrement dit, il reste portable beaucoup plus longtemps.
Bref : bingo ! On avait un tissu :
- très doux, grâce à la finesse du coton de Gizeh
- qui résiste bien à l’abrasion, grâce au fil double-retors
- bien dense (220g/m2) pour ne pas trop se détendre au fil des porters
- et surtout, un tissu bio, qui n'abîme pas la biodiversité ou les travailleurs du coton
Un élastique qui ne se détend pas
Vous le savez probablement : en France, on a énormément délocalisé notre industrie textile depuis les années 80 et perdu beaucoup de savoirs-faire. Mais ce qu’on sait parfois moins, c’est qu’on a aussi su se ré-inventer et se développer sur le textile technique (on est le 4e pays producteur mondial !).
Donc pour cette ceinture, pas question d’aller voir ailleurs : nous sommes allés chez Berthéas, une entreprise française basée dans la Loire et spécialiste des rubans élastiques (notamment pour le secteur médical). On leur a demandé une ceinture résistante, pourvu qu’elle soit douce.
Ils nous ont proposé un fil de polyamide texturé par jet d’air pour reproduire le côté duveteux du coton. Pour s'assurer de la résistance, on a simulé un vieillissement accéléré de la ceinture en l’enfermant pendant un mois là-dedans :
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Résultat avec les mots poétiques de notre laboratoire : “il n'a pas été constaté d'altération de la ceinture élastique à l'issue du vieillissement”.
Re-Bingo.
On avait la matière du boxer et un bon élastique, il fallait maintenant passer à la confection.
Faire une confection idéale
Pour décider comment assembler ce boxer, vos réponses nous ont bien aidé :
- Les coutures gênent ? On a mis des coutures plates partout dites “flatlock”.
- L’étiquette gratte ? On a supprimé cette @*#! d’étiquette qui gène toujours pile en bas du dos, et on l’a imprimée directement sur l’intérieur du boxer.
- Les cuisses remontent ? On a travaillé sur l’ourlet du bas des jambes pour qu’il serre bien.
- Ça serre trop dans la zone stratégique ? Nous avons ajouté un gousset à l’entrejambe : une pièce rectangulaire qui permet de diminuer la tension à cet endroit. Effet bonus de ce gousset : en minimisant les frottements liés aux coutures habituellement placées ici, on pense que cela retardera également l’apparition de trous.
Un dernier test pour la route
Sur le papier, notre boxer n’avait pas l’air mal. Mais l’expérience nous a montré que rien ne remplace un test en conditions réelles. Pour les baskets, c’est nous (l’équipe Loom) qui les avions portées non-stop pendant plus d’un an. Pour le boxer, on a voulu voir les choses en plus grand. On a proposé à nos actionnaires de tester la V0 de notre boxer.
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Sauf que voilà : des actionnaires, on en a 600 et des boxer génération 0, on en avait 70. Donc ce qui devait arriver arriva :
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Après quelques semaines d’utilisation, on leur a demandé leur avis. Et visiblement, ils en étaient plutôt contents :
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Oui, mais cette prévente, c’était surtout pour comprendre ce qu’on pouvait améliorer. Voilà les problèmes qui ont été remontés :
1/ La ceinture élastique finit par s’enrouler sur elle-même dans la journée.
On s’est rendu compte qu’elle manquait en effet de rigidité. Notre fournisseur nous a proposé d’y intégrer une proportion de polyester, plus rigide que son cousin le polyamide. Problème résolu.
2/ La couture arrière est un peu gênante.
Oui, c’était la seule qui n’était pas plate. Maintenant, elle l’est.
3/ Des peluches se déposent sur le corps à la première utilisation.
On a demandé à notre usine de désormais prélaver les boxers – sur l’envers.
4/ Il n’est pas très fun.
Désolé, mais...
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5/ Il brille un peu
C’est vrai qu’il brille un peu avant les 2 ou 3 premiers lavages, mais c’est aussi pour ça qu’il est doux. Comme les fils sont très fins, le tissu reflète particulièrement la lumière. En fait, c’est même un gage de grande qualité (comme pour notre pull en coton qui est fait du même fil). Tiens, vous savez ce qui ne brille pas ? Ça :
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Ça coûte cher ?
Au final, notre boxer est :
- Solide, grâce une densité élevée, un fil double-retors et une bonne ceinture élastique,
- Doux, grâce à la finesse du coton de Gizeh,
- Confortable, grâce à ses coutures plates et son gousset,
- En coton biologique,
- Pas fabriqué à l’autre bout du monde : le coton est égyptien, la confection et le tricotage sont fait au Portugal et la bande est made in France.
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Ce boxer, on le vend 18€. On le sait, c’est bien plus cher que les boxers de fast fashion, vendus 5€, voire moins. Normal : il nous coûte 5 à 10 fois plus cher à produire. Et c’est lié à deux choses :
1/ Le pays de confection. Les boxers de fast fashion sont fabriqués dans des pays où le salaire minimum ne suffit pas à couvrir le salaire vital des ouvrières et où la loi ne protège pas suffisamment l’environnement et les conditions de travail – le scandale actuel des travailleurs Ouïghours est encore là pour nous le rappeler. Au Portugal et en France, aucune usine ne peut rejeter impunément des produits chimiques dans une rivière, les horaires de travail sont encadrés et les salaires minimums permettent de couvrir les besoins fondamentaux des ouvrières.
2/ La matière. Notre tissu est en coton bio ET de grande qualité, ce qui est extrêmement rare et fait s’envoler les prix. Pour vous donner une idée, le coton conventionnel (ça veut dire "qui utilise des pesticides") de bonne qualité (c'est à dire avec des fibres longues) c'est 2 à 3% de la production mondiale… Et comme le bio représente 0,5% des surfaces cultivées, ça veut dire qu'en théorie, le coton bio de bonne qualité représente 2%*0,5% = 0,01% de la production mondiale !
Au final, ce boxer nous coûte 8 euros en sortie d’usine, auxquels il faut rajouter les coûts de logistique, de livraison, la recherche et développement et la TVA. Si vous êtes un peu du métier, vous vous étonnerez peut-être que notre marge soit aussi faible. C’est vrai que ce n’est pas énorme pour couvrir deux années de tests et de développement. Mais on peut se le permettre car :
- On ne fait pas de collections. Oui cela nous a coûté cher de développer ce boxer mais on a l’intention de le vendre pendant des années, ça veut dire que ces frais, on ne les dépense qu’une fois. Au contraire, si on faisait des collections, on devrait recommencer à zéro à chaque saison.
- On ne fait pas de pub. C’est courant pour les marques de prêt-à-porter de consacrer de 10 à 20% de leur chiffre d’affaire en publicités diverses (Instagram, Facebook, métro mais aussi affiliation, code promo, code de parrainage, articles sponsorisés, influenceurs etc). On ne fait rien de tout cela, c’est ce qui nous permet d’avoir un aussi bon rapport qualité-éthique-prix.
- On ne fait jamais de soldes ni de promotions. On ne fixe donc pas de prix élevés qu’on va baisser de façon ponctuelle et inciter à l'achat.
Alors si vos boxers sont troués et que vous n’en trouvez pas à votre goût en friperie, découvrez le nôtre ici.
Mise à jour Avril 2022 :
- Suite à l'explosion du prix des matières premières et en particulier du coton bio, nous avons du augmenter le prix de notre boxer à 20€. Plus d'infos ici
Qui on est pour dire ça ?
Vous êtes sur La Mode à l’Envers, un blog tenu par la marque de vêtements Loom. L'industrie textile file un mauvais coton et c'est la planète qui paye les pots cassés. Alors tout ce qu’on comprend sur le secteur, on essaye de vous l’expliquer ici. Parce que fabriquer des vêtements durables, c’est bien, mais dévoiler, partager ou inspirer, c’est encore plus puissant.
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