La fréquentation des boîtes de nuit des 24 derniers mois ? Les ventes de pantacourts depuis 1990 ? La popularité de François Fillon sur la même période ?
C’est la courbe des émissions de gaz à effet de serre qu’on doit suivre si on veut espérer rester sous les deux degrés de réchauffement climatique et conserver une planète à peu près vivable d’ici la fin du siècle (et accessoirement respecter l’accord de Paris de 2015 sur le climat).
Pour être précis, c’est la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre pour avoir 66% de chances de rester sous la barre des 2 degrés sans mettre en place des technologies de capture de carbone (un pari assez hasardeux).
Autrement dit, on doit diviser nos émissions par 3 en 30 ans. C’est beaucoup. Et surtout, si on n’y arrive pas, ça risque de faire très, très mal :
Exemple de ce qui va se passer si on continue sur notre lancée actuelle : plus grand monde ne voudra vivre dans les zones rouges sur la carte (oui, ce sont aussi les zones les plus peuplées de la planète).
L’industrie textile représente entre 4 et 8% des émissions de gaz à effet de serre de la planète : si elle veut faire sa part du boulot, elle doit au moins diviser par trois ses émissions, en l’espace d’une génération (c’est une façon un peu simplifiée de voire les choses, mais ça sera notre hypothèse pour cet article).
Et à première vue, les marques de vêtements sont sur le pied de guerre pour relever le défi.
La stratégie des marques pour sauver la planète
Lors du dernier G7, une coalition mondiale d’entreprises du textile s’est rassemblée sous le nom de Fashion Pact. Elles ont notamment signé une série d’engagements pour réduire leurs émissions de CO2. Bonne nouvelle ? Quand on regarde de près, on s’aperçoit que ces engagements reposent essentiellement sur deux formes d’actions :
1/ Elles choisissent des matières dites éco-responsables : lyocell, coton recyclé, lin, polyester recyclé… en estimant qu’elles émettent moins de CO2.
Stratégie n°1 pour limiter le réchauffement climatique.
2/ Elles diminuent les émissions liées à leur fonctionnement interne, notamment en passant aux énergies renouvelables ou en passant aux ampoules LEDs dans leurs bureaux ou leurs magasins.
Stratégie n°2 pour limiter le réchauffement climatique.
A votre avis, est-ce que ces deux actions vont permettre de diviser par trois les émissions du secteur de la mode en une génération ?
Ça serait super. Mais non.
En fait c’est plutôt un Fashion Faux Pact si vous voulez notre avis(et que vous aimez les calembours).
Parce que la plupart des émissions de l’industrie textile ne dépendent ni des matières utilisées, ni de l’éclairage des bureaux ou des magasins.
Pour comprendre d’où viennent les gaz à effet de serre du textile, il faut faire un peu de physique (promis, c’est facile à comprendre même si vous n’avez pas touché à un bec Bunsen depuis la 4ème).
Le règne des machines
Les émissions de gaz à effet de serre du textile viennent en grande partie de quelque chose que vous ne voyez jamais : l’énergie consommée par les machines qui transforment la matière première (que ce soit du coton, du lin, du tencel ou du polyester) en vêtements.
C’est le moment de faire un peu de “factory porn” :
“Bonjour, je viens réparer la machine à carder.”Une machine à carder permet de paralléliser les fibres de coton ou de laine.
Une machine qui “file” les rubans de fibres en bobines.
Un métier à tisser (ça s’appelle “loom” en anglais, quel beau mot vous ne trouvez pas ?).
Un métier circulaire pour tricoter vos t-shirts par exemple.
Des cuves pour teindre les vêtements (ça monte jusqu’à 100°C).
Une machine à sanforiser qui envoie de la vapeur d’eau sur le textile pour éviter qu’ils ne perdent trois tailles quand vous les lavez.
Etc, etc.
Toutes ces très grosses machines consomment beaucoup, beaucoup d’électricité. Et elles sont souvent situées en Asie, où l’électricité est produite par des centrales à charbon ou à gaz – des énergies fossiles qui émettent des gaz à effet de serre par combustion. Alors ça finit par compter pour beaucoup dans le CO2 émis par un vêtement :
Répartition des émissions d’un vêtement tout au long de son cycle de vie (hors usage et fin de vie), en croisant les études Quantis et McKinsey. Ces données sont cohérentes avec le dernier rapport WRI, qui attribue 24% des émissions aux matières premières.
En focalisant leurs efforts sur les matières premières ou leur réseau de magasins, les marques se trompent de combat : ce n’est absolument pas comme ça qu’elles parviendront à diviser leurs émissions de CO2 par trois en 30 ans. Dans un scénario ultra-ultra-optimiste, où on estime que les matières premières éco-responsables sont produites sans aucune émission de CO2 (ce qui n’est pas le cas) et que les volumes de production arrêtent d’augmenter (ce qui n’est pas le cas non plus), voici la trajectoire des émissions de CO2 qu’on pourrait au mieux espérer :
En pointillés : trajectoire des émissions de CO2 si le monde entier adoptait le même genre de stratégie que l’industrie textile.
Bref, le véritable moyen d’éviter la catastrophe, c’est de faire en sorte que les machines textiles réduisent drastiquement leurs émissions. Comment faire ?
Première option – faire tourner ces machines avec des énergies plus “propres”
Des éoliennes, des panneaux solaires… Problème : sur les 30 dernières années, depuis qu’on commence à s’agiter pour le climat, la part d’énergies fossiles consommée pour produire de l’électricité n’a presque pas bougé…
Bref, nos fringues sont encore et toujours fabriquées grâce au charbon et au gaz. Il y a quand même une raison d’être optimiste pour l’avenir, notamment parce que les coûts des énergies renouvelables ont tellement baissé qu’elles commencent depuis quelques années à être compétitives face aux énergies fossiles. Mais pour avoir des coûts aussi bas, cela suppose qu’on garde une bonne part d’énergies fossiles ou nucléaires pour avoir de l’électricité sans intermittence (eh oui, il n’y a pas de soleil ou de vent 24h/24 7j/7). Donc de là à espérer une division par trois de l’utilisation des énergies fossiles dans les 30 prochaines années…
Deuxième option – il faut construire des machines plus efficaces qui consomment moins d’énergie.
C’est vrai qu’il y a des pistes prometteuses, notamment dans les processus de teinture. On arrive désormais à construire des machines qui teignent les vêtements avec beaucoup moins d’eau, ce qui évite de porter de très grands volumes à haute température et donc consomme beaucoup moins d’énergie.
Pour les autres machines ? Ça paraît beaucoup plus compliqué. Pour diviser par 3 les émissions des machines en 30 ans, il faudrait augmenter leur rendement énergétique de 300%… Ce qui n’a quasiment aucune chance d’arriver. Pour vous donner une idée, le rendement énergétique des moteurs thermiques de voiture à essence a augmenté de 16% en 30 ans. Pour les avions, c’est à peu près pareil. Et pour les filatures ou les métiers à tisser, où il y a a priori beaucoup moins d’investissements de R&D, c’est difficile de penser qu’on puisse faire beaucoup mieux… Sans compter qu’on ne pourra pas changer l’ensemble du parc des machines existantes en un claquement de doigts.
Et puis (on aurait sans doute dû commencer par là), dans l’histoir...
L’amélioration de l’efficacité énergétique n’a presque JAMAIS permis de diminuer la consommation d’énergie comme prévu.
Parfois, elle l’a même augmentée. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond : améliorer les rendements des machines fait baisser les prix des produits et incite les gens à en acheter plus. Cet effet est présent, partout, tout le temps (et pourtant les politiques environnementales l’oublient presque toujours).
Quelques exemples historiques d’effets rebond :
Dans les transports : on a amélioré l’efficacité des moteurs, donc on paye moins cher au kilomètre parcouru, donc on voyage plus souvent. Résultat : la consommation globale de pétrole par personne ne cesse d’augmenter.
Dans le numérique : on a baissé le coût de stockage des données et le prix des terminaux, et le numérique consomme aujourd’hui presque 10% de l’électricité mondiale.
Dans l’industrie textile elle-même : si on s’achète autant de fringues aujourd’hui, c’est d’abord parce que des milliers de machines ont permis de remplacer le travail manuel et donc de drastiquement baisser le prix des vêtements.
Le rouet : une manière pas très efficace de fabriquer un t-shirtmais qui dissuadait les gens d’en acheter 10 par an.
Alors… Quelle dernière option nous reste-t-il pour diviser les émissions de CO2 par trois en 30 ans ?
Diviser le volume de consommation de vêtements par trois
Oui vous avez bien lu : si les marques ne veulent pas sacrifier le monde vivant, elles doivent nous vendre trois fois moins de vêtements qu’aujourd’hui.
Et c’est… exactement le contraire de ce qu’elles font.
Le volume de ventes de vêtements en France a presque doublé en 20 ans avec le déferlement de la fast fashion puis de l’arrivée du e-commerce : Amazon, Vente Privée, Zalando, Wish… (sources ici).
Comment la stratégie actuelle des marques aggrave la surproduction
Quand les marques martèlent qu’elles utilisent des matières plus “éco-responsables” sans rien faire d’autre, ça empire le problème (qu’elles en aient conscience ou non). En s’affichant comme “vertes” alors qu’elles ne travaillent que sur des choses secondaires, les marques endorment l’éco-anxiété des clients pour continuer à les faire acheter, voire les faire acheter plus.
Un panel de dix marques de prêt-à-porter attestait récemment que “l’éco-conception” permettait d’augmenter leur chiffre d’affaires de manière significative, de +7% à +18% (tout en réduisant les coûts de production). Eh oui : on consomme plus quand on nous détourne de nos émotions négatives. Dans cette étude, des chercheurs ont par exemple montré qu’on utilisait 20% en plus de papier cadeau quand on nous disait que les chutes allaient être recyclées… D’ailleurs, on le voit aussi dans la communication des marques – les arguments éco-responsables sont des alibis pour encourager les gens à acheter plus :
15% de réduction si vous mettez vos vêtements dans la benne à recycler.
Des cartes-cadeaux à gagner pendant une campagne pour parler du recyclage.
Une photo envoyée récemment par un de nos clients : 3 vêtements “verts” pour le prix de deux.
Parenthèse : pourquoi le recyclage c'est (parfois) de l'enfumage Certaines marques évoquent le recyclage ou l’économie “circulaire” comme solution aux problèmes environnementaux, en installant par exemple des bornes de recyclage en magasin.
Certes, le recyclage a des avantages comme le fait de pouvoir produire des matières localement ou d’utiliser moins de matières vierges. Mais en termes de réduction des gaz à effet de serre, le recyclage n’aide que très peu. Et ce pour trois raisons : 1/ Aujourd’hui, seuls 1% de nos vêtements sont “recyclés”, c’est-à-dire transformés en vêtements neufs. Certes, les vêtements en bon état sont revendus en friperies, mais cela ne représente que 6% des volumes. Les autres vêtements ? Soit ils partent en Afrique (où beaucoup viennent juste grossir les décharges à ciel ouvert), soit ils sont “décyclés” en chiffons ou en textiles d’isolation.
2/ Admettons qu’on améliore suffisamment les technologies de recyclage et qu’on arrive à produire beaucoup plus de vêtements neufs à partir de vieux. Est-ce que ça réduirait nos émissions de gaz à effet de serre ? Quasiment pas. Le recyclage permet d’économiser de la matière, mais pas vraiment de l’énergie. Pour être fabriqué, un vêtement en fibres recyclées doit aussi passer à travers le même processus industriel de filature – teinture – tricotage/tissage – confection. Résultat : même si on se met dans une hypothèse où on arrive à multiplier par 40 le volume de vêtements recyclés (en passant donc à 40%, ce qui est méga optimiste), cela économiserait seulement 5.9% d’émissions carbone par rapport à aujourd’hui (or si vous suivez, l’objectif c’est de diviser par 3, soit de réduire de 66%…).
3/ Et encore, cette petite baisse des émissions carbone part du principe que les vêtements en fibres recyclées seront de même qualité que les autres, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. Pour les fibres naturelles comme le coton, les fibres recyclées sont plus courtes, donc les vêtements sont de moins bonne qualité que ceux faits avec des fibres vierges : ils boulochent plus, se déforment plus vite, etc. Donc à usage égal… il faudra en produire plus.
Au-delà des consommateurs, ce greenwashing paralyse l’action citoyenne et politique. Comme on a l’impression que les marques s’occupent du problème, on se dit que la situation est sous contrôle.
Présentation du “Fashion Pact” à l’Elysée : quand des gens aussi importants ont l’air aussi satisfaits, on se dit que tout va bien se passer, non ?
En fait, la plupart des efforts actuels des marques, comme travailler sur des nouvelles matières éco-responsables, promettre le recyclage des vêtements ou installer des ampoules basse consommation en magasin, laissent penser qu’on trouvera une solution technologique au problème climatique. Elles restent dans une logique de “croissance verte” qui les empêche de s’attaquer au vrai problème : comment sortir l’industrie textile de sa logique de surconsommation ? Cet écran de fumée nous fait perdre un temps précieux alors qu’il est urgent d’agir.
Alors, nous les marques, que devons-nous faire ?
Ce que les marques doivent faire
Pour diminuer les volumes de vêtements produits chaque année, il faut nous attaquer aux causes directes de cette surconsommation.
La première chose à faire, c’est d’arrêter de centrer notre communication sur des mesures symboliques à faible impact écologique mais qui pourraient inciter les clients à acheter plus : polybags recyclés, emballage en kraft, matière éco-responsable, bornes de collectes de vêtements usagés en magasins etc.
Est-ce que ça veut dire que c’est mal d’appliquer ces mesures secondaires ? Qu’il faut utiliser plus de polyester et abandonner le lin ? Bien sûr que non. On doit continuer à avancer sur ces sujets d’éco-conception mais en ayant conscience que c’est insuffisant. Nous, les marques, nous devons d’abord nous concentrer sur les trois choses suivantes :
Améliorer la qualité des vêtements. La baisse de la qualité diminue la durée de vie des vêtements et oblige les consommateurs à renouveler plus souvent leurs vêtements.
Relocaliser la production. En favorisant la course aux prix bas, les délocalisations aggravent les phénomènes de surconsommation et de surproduction. Au contraire, la relocalisation en France ou au Portugal permet de diminuer drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, car les énergies utilisées émettent peu de CO2.
Surtout, surtout, arrêter de pousser à la consommation : arrêter d’endormir l’éco-anxiété des gens en communiquant sur des vêtements “neutres en carbones”, “éco-responsables”, “à impact positif” (rien de tout ça n’existe), diminuer le rythme de renouvellement des collections, limiter la fréquence des soldes et promotions, faire moins de publicité, arrêter le reciblage sur internet, ne pas communiquer sans cesse sur les stocks limités ou les dates limites, mettre le holà sur les éditions limitées, les collabs, etc.
Alors oui, dans ces conditions, les entreprises seront amenées à fabriquer moins de vêtements. Et même si elles vendent ces vêtements un peu plus cher (le prix de la qualité et du local), elles feront sans doute moins de chiffre d’affaires. Est-ce un problème ? Pour leurs actionnaires, clairement. Pour les gens qui y travaillent ? Peut-être à court terme. Mais sur le long terme, c’est une excellente nouvelle pour l’emploi. Ces 30 dernières années, alors que le volume de vêtements vendus a explosé, le nombre d’emplois dans l’industrie textile en France s’est écroulé suite aux délocalisations, passant de 425 000 à seulement 100 000. Une chute qui dépasse de loin le nombre d’emplois créés par le commerce de détail de vêtements (+ 50 000 entre 1996 et 2010). Demain, si on arrive petit à petit à réindustrialiser le pays, cela pourrait créer des centaines de milliers de jobs locaux.
Les actionnaires des entreprises de mode – mais comment vont-ils boucler leurs fins de mois s’ils vendent moins de vêtements ? Lançons une cagnotte pour les soutenir.
Comment faire pour que les marques changent ? Comme on l’a expliqué dans cet article ou cette conférence Ted, il faut qu’on arrête collectivement de ne rêver que de croissance, et qu’on développe une culture du “mieux” qui remplace celle du “plus”. Mais nous ne sommes pas naïfs : on ne peut pas miser notre avenir sur une révolution des consciences au sein des entreprises. D’ailleurs, on connaît plein de gens super dans des grosses marques de mode qui voudraient changer les choses mais qui n’y arrivent pas.
Le problème, c’est qu’il existe aujourd’hui une “prime au vice”, autrement dit un avantage économique à fabriquer mal et plus. Prenez une marque qui a délocalisé au Bangladesh dans des usines qui tournent aux centrales à charbon et rejettent ses déchets toxiques dans les rivières (une usine pas très cool, donc). Elle n’aura à payer aucun des coûts cachés de son comportement : ni le coût à long terme du réchauffement climatique, ni la dépollution des rivières, ni l’assurance chômage en France pour les gens sur le carreau. Par contre, une marque qui fabrique les mêmes produits mais en France, crée de l’emploi local et s’approvisionne uniquement en énergies renouvelables, paiera ses vêtements 10 fois plus cher et en vendra probablement 10 fois moins. Être une entreprise responsable, ça consiste souvent à faire beaucoup d’efforts qui, au final, sont un vrai désavantage par rapport aux concurrents. Un peu comme les coureurs non dopés du Tour de France : ils s’entraînent plus dur… pour aller moins vite.
Alors, comme sur le Tour, il faut se demander qui on a envie de laisser gagner. Et, ensuite, changer les règles du jeu.
Changer les lois
On est sans doute un peu idéalistes, mais niveau législation, il y a plusieurs choses qui iraient, selon nous, dans le bon sens pour diviser par 3 le volume de vêtements vendus d’ici 2050 (ou si on se place à une échéance plus court terme, réduire le volume de 30% d’ici 10 ans)
[Actualisation de l’article de janvier 2022] Depuis l’écriture de cet article début 2021, beaucoup de chemin a été parcouru sur cette volonté de changer les lois dans l’industrie textile. Nous avons participé à la création d’En Mode Climat, une coalition de plus de 300 acteurs du textiles (marques, mais aussi usines, organismes, médias…) réunis pour faire un lobbying vertueux pour lutter contre le réchauffement climatique. Avec En Mode Climat, nous tentons de faire évoluer la réglementation dans le bon sens, notamment en ce qui concerne l’affichage environnemental ou la mise en place d’un bonus-malus qui pénalise la fast fashion et encourage les marques les plus vertueuses. Plus d’infos sur le site d’En Mode Climat.
C’est parfois un peu technique, alors on vous met toutes nos propositions dans l’encadré ci-dessous que vous pouvez lire si vous voulez creuser.
Propositions pour changer les lois en matière de textile
Il est crucial de poser les bons termes du débat au plus vite : dans quelques mois le gouvernement va modifier la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire de la filière textile (via le futur cahier des charges de la filière REP Textile). L’occasion de contraindre les marques à prendre de vraies mesures environnementales : bonus-malus dans le prix de vente, affichage environnemental, obligation de ré-emploi, etc.
A - Mettre en place des barrières commerciales sur les vêtements fabriqués dans de mauvaises conditions humaines et/ou environnementales.
Il ne nous semble pas normal qu’il soit aujourd’hui autorisé d’importer en France des vêtements fabriqués avec du travail forcé, à l’autre bout du monde, avec de l’électricité issue de centrales à charbon. Voici ce qu’on pourrait faire pour changer la donne :
Mettre en place un mécanisme d’ajustement aux frontières (par exemple une taxe carbone à l’import) pour faire en sorte qu’un tel vêtement ne puisse pas entrer en France sans être fortement taxé.
Mettre en place des quotas d’importation textile, comme les accords multifibres qui existaient avant d’être démantelés par l’OMC en 2005. Etant donné les enjeux (notre survie à tous), il ne nous paraît pas inconcevable de mettre à nouveau en place un protectionnisme coordonné et coopératif au niveau international.
S’assurer de la mise en œuvre de la loi sur le devoir de vigilance, qui permet de pénaliser financièrement les multinationales portant atteinte aux droits humains et environnementaux. C’est une loi votée en 2017 pour laquelle la France a été pionnière dans le monde mais pas encore vraiment appliquée : pendant le récent scandale textile du travail forcé des Ouïghours en Chine, le gouvernement s’est contenté d’un rappel à l’ordre des marques concernées.
Le gouvernement français et les marques qui fabriquent grâce au travail forcé d’êtres humains.
B - Obliger des entreprises à plus de transparence
Les conditions de production. Pourquoi l’affichage du/des pays de production n’est-il pas obligatoire sur les étiquettes et sur les sites internet des marques ?
L’affichage environnemental obligatoire avec une notation de A à E pour chaque produit. Ce sujet est en cours de discussion au niveau français et européen. Loom a bien été intégré aux groupes de travail, mais pas sûr que notre “lobbying” marche. Or, il est indispensable que cet affichage environnemental intègre la durabilité des vêtements, à la fois en prenant en compte leur qualité mais également les incitations à consommer (on pourrait par exemple mettre un malus aux marques qui renouvellent trop vite leurs collections).
C - Modifier la « taxe » d’éco-contribution sur les vêtements.
Aujourd’hui, quand une marque met un vêtement sur le marché, elle paye une taxe qui peut être diminuée si ce vêtement est considéré comme plus solide ou issu de matières recyclées. C’est super sur le papier… Mais il faudrait :
Augmenter son montant : cette taxe est aujourd’hui d’environ 1 centime par vêtement. Comment un montant si faible peut-il inciter les marques à améliorer la qualité ? Tant que ce montant ne compensera pas le surcoût lié à une production responsable, la « prime au vice » continuera à dicter sa loi.
Changer ses modalités de calcul : il faudrait inclure dans le système de malus le pourcentage d’énergies fossiles utilisées même si c’est techniquement compliqué car l’organisme qui gère cette taxe se concentre sur la fin de vie du produit (ce qui est d’ailleurs tout le problème). Cela pénaliserait les marques qui produisent leurs vêtements dans les pays asiatiques à base d’énergies fossiles, et favoriserait les marques qui produisent plus localement, comme en France ou au Portugal où les énergies sont peu “carbonées” (cf. cette étude de l’Union des Industries Textiles).
D - Pénaliser le greenwashing.
Pour cela, l’ARPP (autorité de régulation de la publicité) ne doit plus être pilotée exclusivement par les entreprises mais inclure également des acteurs publics et/ou des ONG dans leurs gouvernance. De la même manière, il ne faut plus que les filières de « responsabilité élargie des producteurs » (comme Eco TLC / Refashion pour la mode) soient auto-régulées par les entreprises elles-mêmes. Tant que ces organismes ne sont composés que par les marques du secteur (et pas d’organismes publics ou ONG), leurs engagements ne seront jamais vraiment contraignants.E- Orienter les outils de financement public (PGE, prêt BPI, Crédit Impôt Recherche…) pour ne le verser qu’aux entreprises qui respectent certains critères (qualité des vêtements, incitations à la consommation, fabrication européenne…). Est-il normal que certaines marques qui fabriquent à l’autre bout du monde aient obtenu rapidement un PGE suite aux conséquences du Covid quand certaines industries textiles françaises l’attendent encore ?F- Soutenir la réparation et le reconditionnement des vêtements usagés. Plein de vêtements pourraient être réparés au lieu d’être simplement jetés. Le Crédit Impôt Collection (qui représente quand même 45 millions d’euros et qui finance les développements de nouveaux produits) pourrait être transformé en Crédit Impôt Ré-emploi pour financer la réparation des vêtements. Cela représente un gros potentiel de création d’emplois sur le territoire.
Pourquoi c’est une bonne nouvelle
A ce stade, vous vous dites peut-être qu’on vous promet un monde un peu triste, où on se prive d’acheter, où des entreprises vont disparaître, où on sera tous habillés pareil en noir, en bleu et en gris.
C’est précisément le contraire.
Aujourd’hui, on ignore dans quelles conditions sont fabriqués nos vêtements et on se révolte des nombreux scandales de l’industrie textile, depuis les Ouïghours jusqu’au Rana Plaza. Demain, on pourrait recréer des centaines de milliers d’emplois dignes dans nos régions et savoir d’où viennent nos vêtements.
Aujourd’hui, une poignée de marques mondiales géantes étouffent les autres avec la course aux prix bas et uniformisent les goûts vestimentaires du monde entier. Demain, elles pourraient laisser la place à des milliers de marques, plus locales, plus réfléchies, plus créatives, qui créent moins de misère et d’inégalités.
Aujourd’hui, on passe nos samedis après-midis à acheter toujours plus de fringues alors que nos placards débordent déjà, dans des rues commerçantes où l’on retrouve inlassablement les mêmes magasins, qu’on soit à Saint-Malo, Brive, Paris ou Nancy. Demain, on pourrait retrouver le plaisir de faire des achats réfléchis. De s’habiller avec des vêtements plus beaux et plus résistants. De (faire) recoudre un bouton au lieu de jeter une chemise. De découvrir une boutique qu’on n’aurait jamais vu ailleurs.
A vous de jouer
Si vous êtes un acteur du textile
Le temps presse : le gouvernement va modifier dans quelques mois la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire pour la filière textile, qui pourra contraindre les marques à agir. Pour l’instant, avec le Fashion Pact dont on parlait plus haut, beaucoup de marques ne poussent pas dans le bon sens. Il est donc très important que le gouvernement comprenne les enjeux et entende ces propositions.
Si on est seuls, ils ne nous écouteront pas. Mais s’ils sentent qu’on est des centaines, ils pourront peut-être tendre l’oreille. Alors si vous pensez aussi qu’il faut changer les lois pour en finir avec la surconsommation, inscrivez-vous ici pour que nous montions une coalition d’acteurs du textile et portions ce sujet devant le gouvernement.
Si vous êtes citoyen ou citoyenne
Bon, vous l’avez deviné : si on doit diviser par 3 la production textile, il va falloir que chacun et chacune d’entre nous réduise d’autant nos achats de vêtements (c’est non négociable, désolé pour Cristina Cordula). Mais au delà des actions individuelles, vous avez d’autres pouvoirs. Les marques cherchent à vous toucher pour vendre leurs produits via les réseaux sociaux, vous pouvez donc vous aussi leur parler. Alors incitez-les à relocaliser, interpellez-les quand vous sentez qu’elles centrent leurs actions sur des mesures symboliques à faible impact écologique ou qu’elles poussent trop à la consommation (on a créé un compte Insta sur ce sujet). Les marques devraient avoir honte d’inciter à consommer et être fières de faire les choses bien. Et tant que la loi ne les y oblige pas, c’est la pression sociale qui doit être le moteur du changement.
Et s’il vous reste de l’énergie, vous pouvez aussi interpeller les « informateurs » de la mode (apps de notation, médias, blogs de mode éthique, annuaires, comptes insta qui recensent les marques éthiques etc.) : ces entités ont un grand pouvoir d’influence aussi bien sur les individus que les marques, il est aussi crucial qu’elles ouvrent les yeux sur les critères qui comptent vraiment.
Ensemble, on changera les règles du jeu.
Article écrit par Guillaume Declair
Quelques lectures qui nous ont aidé à écrire cet article et si vous voulez creuser le sujet
Les travaux de Negawatt sur le meilleur moyen de réussir la transition énergétique vers une société bas carbone
Hasard du calendrier : une étude d’un chercheur de l’institut de Recherche Cycleco, publiée le 24 février 2021 une semaine après notre article, rejoint exactement les chiffres qu’on avait calculés pour cet article : 69% des émissions de CO2 des vêtements sont dues à la phase de fabrication industrielle. Ce chiffre a été obtenu grâce à 20 entreprises textiles françaises qui ont collaboré en donnant les chiffres de leurs usines sur 17 produits. Un autre rapport, celui du World Ressources Institute, paru en novembre 2021 également après l’article, donne également 76% des émissions à la phase industrielle (avec une bonne transparence sur les hypothèses et les méthodes de calcul).
Qui on est pour dire ça ? Vous êtes sur La Mode à l’Envers, un blog tenu par la marque de vêtements Loom. L’industrie textile file un mauvais coton et c’est la planète qui paye les pots cassés. Alors tout ce qu’on comprend sur le secteur, on essaye de vous l’expliquer ici. Parce que fabriquer des vêtements durables, c’est bien, mais dévoiler, partager ou inspirer, c’est encore plus puissant. On ne fait jamais de pub : si vous aimez ce qu’on écrit et que vous en voulez encore, abonnez-vous à notre newsletter en cliquant ici. Promis, on vous écrira maximum une fois par mois.
A peine arrivée sur leur site, je suis déjà assaillie de dark patterns :
- 10% si je m’inscris à leur newsletter,
- 15% si je parraine un ami,
- 57% si j'achète 10 Gargouilles, sachant qu’ils incitent à acheter au moins 5 balles de lavage pour 9 kilos de linge (la contenance d’une machine à laver classique).
Promos à gogo.
Mauvaise note aussi dans les conditions générales de vente du site : la société qui gère cette marque est basée au 66 avenue des Champs Elysées : une agence de domiciliation de sièges sociaux. Concrètement, ce n’est pas la preuve qu’il s’agit d’une escroquerie, en revanche je ne comprends pas pourquoi une entreprise ne veut pas donner à ses clients sa vraie adresse (si vous pouvez m’éclairer là-dessus…)
Edit : J'ai eu la réponse sur la domiciliation de la société commercialisant les Gargouilles (merci Florence) La domiciliation est très intéressante pour les entreprises qui : * changent régulièrement de locaux : elle permet aux entreprises de ne pas modifier leurs statuts tous les 4 matins (et de ne pas payer pour ça), * sont basées dans des copropriétés qui refusent qu'un appartement devienne le siège d'une société, * ne souhaitent pas payer la cotisation foncière des entreprises de leur ville : la CFE de Paris est la moins chère de France. La domiciliation des Gargouilles aux Champs Elysées est donc compréhensible.
En cherchant rapidement j’ai aussi trouvé 3 concurrents qui vendent exactement le même produit :
Les Gallinettes (dont le site a été supprimé depuis la sortie de cette article)
Et sur Aliexpress, on retrouve ces mêmes balles à 1€.
Il ne manque que Marie-Ange Nardi et on se croirait dans “Qui est qui ?”.
Alors certes la société qui vend les Gargouilles ne fait pas de drop shipping car le stock des Gargouilles est situé en France (comme le prouve la livraison en moins de 3 jours) et la marque a créé son propre emballage pour le produit. Mais à 35€ sur les Gargouilles et 1€ sur AliExpress, ça fait cher l’emballage, non ?
Une marge qui permet de dépenser plus de 600 000 € en pubs sur les réseaux sociaux en un an(Information trouvée sur la page Facebook des Gargouilles (dans la section Transparence de la Page > Voir tout > Accéder à la bibliothèque publicitaire)
Vous vous dites peut-être que je suis mauvaise langue, que la différence de prix c’est sans doute parce que le produit est fabriqué en France. C’est vrai, il y a une probabilité… que j’évaluerais à 0,0001% : de notre expérience, quand les marques n’indiquent pas le lieu de fabrication, c’est que le pays ne fait pas sexy sur l’étiquette.
Les Gargouilles et leur emballage à 35€.
Bon, bon peut-être que c’est fait en Chine et que c’est vendu un peu cher. Mais après tout, si ça lave le linge plus écologiquement, c’est toujours ça de pris non ? C’est vrai. Encore faut-il que ces Gargouilles lavent vraiment le linge. Et c’est ce que j’ai voulu vérifier.
Quelques recherches m’ont menées à une étude menée en 2009 par QueChoisir qui démontre l'inefficacité des balles de lavage, qui sont, d’après cette étude, aussi efficaces qu’un lavage à l’eau chaude sans détergent. Leurs tests ont été repris ici par FRC Mieux choisir, le magazine de la Fédération romande des consommateurs.
Les résultats de QueChoisir.
Oui mais Que Choisir, est-ce qu’ils ne seraient pas à la botte des lobbies des lessives ? Ça serait très surprenant, vu que l’asso a, par le passé, fait la guerre aux phosphates dans les lessives et aux parfums toxiques des désodorisants d'intérieur selon Wikipédia.
Mais si ça se trouve, ils se trompent chez Que Choisir? Même si c’est leur job de faire des tests, c’est possible. Alors j’ai décidé de vérifier par moi-même.
Test de l’inefficacité des Gargouilles
J’ai fait le test sur un torchon taché par les 3 types de tâches qui existent : les taches grasses (huile d’olive), les taches enzymatiques (chocolat noir fondu) et les taches oxydables (du vin rouge) (cliquez ici pour voir les photos des torchons avant lavage - glop).
J’ai comparé les Gargouilles à un lavage uniquement à l’eau (donc en n'ajoutant aucun produit dans ma machine), à une lessive liquide conventionnelle (Persil au savon de Marseille) et à la lessive écologique Mutyne (que j'ai découvert il y a quelques mois et que j'aime beaucoup car : 1- grâce à elle mon linge sent très bon contrairement à toutes les lessives écologiques que j'ai testées auparavant et 2- j'apprécie leur démarche car ils ont réfléchi au meilleur compromis entre écologie, efficacité et simplicité).
Résultat : globalement après un lavage à cycle normal, à 30°C, les tâches sont loin d'être parties sur mes 4 torchons. La lessive standard et la lessive écologique s'en sont mieux sorties que les Gargouilles (cliquez sur chaque photo pour l'agrandir). Je ne vois pas de différence entre le torchon lavé avec les Gargouilles et le torchon lavé sans produit.
Ces résultats sont confirmés par l'excellente vidéo de Radio Canada qui quantifie très scientifiquement la performance des différentes techniques de lavage n'hésitez pas à y jeter un coup d'oeil :-)
Le résultat est sans appel : d'après mon test
Les Gargouilles sont aussi efficaces que le lavage à l’eau.
Alors, quand je vois que sur la page principale du site, les Gargouilles sont décrites comme étant “saines”, “écologiques” et “efficaces”, j’ai l’impression qu’on me prend pour une pigeonne :
Non, le plastique des Gargouilles n’est pas sain car, comme tout objet en matière synthétique que l’on met dans une machine à laver, il relâche des micro plastiques qui polluent l’eau. Les stations d’épurations ne parvenant pas à les filtrer à 100%, une partie de ces microplastiques est donc libérée dans les milieux naturels.
Non, les Gargouilles ne sont pas écologiques. Produire puis exporter de Chine des objets en plastique dont l’efficacité est nulle, ce n’est pas écologique. Et contrairement à ce qui est indiqué sur le site : ce n'est pas la lessive conventionnelle qui use les vêtements, mais la mauvaise utilisation de la machine à laver (laver trop chaud et/ou trop longtemps).
Non, les Gargouilles ne sont pas efficaces. (Bon, si vous en êtes là dans l’article vous avez logiquement compris pourquoi).
Faux, faux, faux.(Edit le 02/08/2021 : 6 mois après l'écriture de cet article, la mention "aussi efficace qu'une lessive traditionnelle" a été remplacée par "plus économique que la lessive traditionnelle".)
Voilà, si vous lisez cet article, nous vous invitons à ne pas acheter de balles de lavage d’aucune marque que ce soit. Si vous cherchez à laver vos vêtements avec moins d'impact sur l'environnement, lisez d'abord ces conseils d'entretien.
Grâce aux Gargouilles, on aura quand même appris une chose : laver à l’eau, ça marche aussi. Du coup, si vous souhaitez juste rafraîchir votre linge qui n’est pas taché, vous pouvez tout à fait le laver en machine sans produit d’entretien.
P.S. : J’ai aussi commandé la balle de lavage trouvée à 1€ sur AliExpress. Je ne l’ai pour le moment pas reçue (un mois après l'achat), mais je ne perds pas espoir, c’est visiblement un délai normal de livraison via ce site. Je ne manquerai pas de vous tenir informés dès que je l’aurai reçue. Edit le 21/04/2021 : ma première commande ayant été égarée par le transporteur, j'ai repassé commande et cette deuxième commande s'est de nouveau perdue en chemin... je lâche donc l'affaire mais si vous avez commandé une balle de lavage chez AliExpress (et que vous l'avez reçue) n'hésitez pas à m'envoyer une photo.
P.P.S. : Et si vous vous demandez comment faire partir les taches de vin, de chocolat, ou d’huile, je vous conseille :
Pour l'huile : si vous avez chez vous de la terre de Sommières, saupoudrez-en sur la tâche, attendez quelques heures le temps que la poudre absorbe le gras, puis enlevez la poudre en tapotant. Si vous n'en avez pas : pensez à en acheter lors de votre prochaine virée shopping et suivez la technique du point suivant.
Pour le chocolat et le vin : frottez immédiatement la tache avec du liquide vaisselle (de préférence incolore) ou avec du savon de Marseille et laissez poser une nuit. Le lendemain, lavez votre vêtement en machine à 30°C (avec de la lessive).
Si jamais le résultat n’est pas parfait, vous pouvez tremper votre vêtement dans un bassine avec de l’eau très chaude et du bicarbonate de soude (ou du percarbonate de soude si votre vêtement est blanc). La technique est détaillée ici.
Bonus : Si vous voulez vraiment contribuer à la réduction des déchets plastiques dans les océans c’est simple : n’achetez pas de Gargouille.
Qui suis-je pour parler d'entretien de vos vêtements ?
Je m’appelle Claire et je suis en charge de suivre la production chez Loom. En gros, j’essaye d’éviter les ruptures de stock sur notre site et je m’assure tout au long des étapes de fabrication que les vêtements sont conformes à nos exigences de qualité. En plus de ça, je suis passionnée par tout ce qui permet d’allonger la durée de vie de nos vêtements : entretien, réparation et autres astuces de grand-mère. J’aime donner des “petits suppléments d'âme” aux vêtements, les retravailler, les réparer, leur redonner une chance quand plus personne ne veut d’eux. Sur ces pages, j'essaierai de vous transmettre ce que je sais et qui pourrait vous être utile.Dernière chose : toutes les astuces que vous trouverez sur ce site, je les ai vraiment testées et je me suis assurée personnellement qu’elles marchent (en d’autres termes, ce n’est pas un copié-collé de recherches sur internet). Si vous en avez des nouvelles à me suggérer, n’hésitez pas à laisser un commentaire en dessous de cet article.
Quand on demande l'avis de nos clients après un an de port, un des premiers problèmes qui remonte, c'est que les vêtements blancs (surtout les t-shirts et les chemises) jaunissent ou grisent avec le temps. Les raisons de cet effet peuvent être multiples : couleurs qui dégorgent dans la machine, transpiration, taches de sauce tomate …
Le jaunissement, ce n’est pas une histoire de qualité de vêtement - c'est une histoire d’entretien. Pour éviter que vos vêtements ne jaunissent, il y a une chose qui marche : laver le blanc séparément. Je sais, c'est embêtant, parce que du coup vous attendez des semaines que votre panière à linge soit remplie pour pouvoir faire une lessive de blanc. Néanmoins c’est ce qui fonctionne le mieux. Normal : les vêtements qui ternissent c’est parce qu’ils absorbent la teinture des autres vêtements de la machine. Alors si vous ne les lavez qu’avec des vêtements blancs qui ne déteignent pas...Bon mais j’imagine que c’est trop tard et que vous souhaitez que votre vêtement redevienne blanc comme presque-neige. Bonne nouvelle, il y a une astuce qui fonctionne pour le coton, le tencel, le lin et les tissus synthétiques (mais pas pour la laine ni la soie) et qui :
Ne demande pas trop d'effort,
Est économique,
Ne nécessite pas de produit nocif.
Et cette astuce s’appelle :
Le percarbonate de soude, c’est une poudre blanche, inodore composée de carbonate de sodium (ou cristaux de soude) et de peroxyde d’hydrogène :
Les cristaux de soude nettoient,
Le peroxyde d’hydrogène blanchit.
Je vous conseille celui de la marque La droguerie écologique, parce que je le trouve dans n'importe quel magasin bio, parce qu'il est vendu dans un simple emballage en kraft, parce qu'il est fait en Europe, mais surtout parce qu'il n'est pas cher : 5€ le kilo.⚠ Attention, contrairement au bicarbonate de soude, le percarbonate de soude est un produit potentiellement irritant, donc à manipuler avec précaution. Quand vous l’utilisez, on vous conseille de mettre des gants de protection et d’ouvrir la fenêtre pour aérer la pièce.
Le principe est plutôt simple
Mettez les vêtements à blanchir dans une bassine en plastique. Attention #1 : si vous mettez des vêtements clairs mais pas totalement blancs (genre beige), ils ressortiront de cette manipulation très éclaircis. Et attention #2 : si vous mettez des vêtements pas totalement blancs dans cette bassine (avec des liserés de couleur par exemple) il y a un risque pour que ces petites touches de couleur déteignent sur le reste des vêtement blancs. Bref : on vous conseille de ne suivre ce tuto qu'avec des vêtements bien blancs.
Remplissez la bassine d'eau bien chaude jusqu'à ce que vos vêtements soient totalement immergés. Vraiment j'insiste sur le "bien chaude" : l'eau la plus chaude du robinet (le pouvoir blanchissant du percarbonate est actif surtout à partir de 60°C et l'eau la plus chaude de votre ballon est en général à 65°C)
Ajoutez-y l'équivalent d'un verre de percarbonate de soude. Attention : en ajoutant le percarbonate de soude votre mélange va doubler de volume. Pensez-donc bien à ne pas remplir votre bassine à plus de la moitié et à laisser votre bassine dans votre évier ou dans votre douche, comme ça - si jamais elle déborde - elle ne débordera pas sur votre sol.
Remuez avec une cuillère en bois (qui ne vous sert plus en cuisine) ou un bâton (enfin, un truc en bois que vous ne mettrez plus dans votre bouche après cet exercice),
Vaquez à vos occupations,
Au bout d’une heure, verser une bouilloire d'eau chaude dans votre bassine et remuez de nouveau avec la cuillère en bois ou le bâton (à cette étape le volume n’augmentera pas, contrairement à l’étape 3),
Oubliez votre bassine une nuit et le lendemain le blanc sera ravivé et les tâches auront disparu !
Un tour en machine avec vos autres vêtements blancs et c'est gagné !
Mais est-ce que ça marche vraiment ?
Clément (de l’équipe Loom) avait chez lui deux t-shirts Loom d'une ancienne génération qu'il ne mettait plus parce qu'il les trouvait trop grisés.
A gauche : un des t-shirts “grisés” de Clément. À droite : un t-shirt neuf, jamais porté (donc bien blanc).
Bassine + vêtements + percarbonate + eau bouillante = émail diamant pour vos vêtements.
Tadam ! À gauche : le t-shirt de Clément grisé. À droite : le t-shirt neuf. Au milieu : l'autre t-shirt grisé de Clément après une nuit dans une bassine de percarbonate de soude.
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Vous êtes sur La Mode à l’Envers, un blog tenu par la marque de vêtements Loom. L'industrie textile file un mauvais coton et c'est la planète qui paye les pots cassés. Alors tout ce qu’on comprend sur le secteur, on essaye de vous l’expliquer ici. Parce que fabriquer des vêtements durables, c’est bien, mais dévoiler, partager ou inspirer, c’est encore plus puissant.
Si vous aimez ce qu’on écrit et que vous en voulez encore, abonnez-vous à notre newsletter en cliquant ici. Promis : on écrit peu et on ne spamme jamais.
Quand on a commencé à travailler sur notre boxer, en mars 2018, on était jeunes et insouciants. Ce qu’on ne savait pas à l’époque, c’est que cette recherche durerait... plus de deux ans et demi.
Comme d’habitude, pour commencer notre recherche, on vous a envoyé un questionnaire et vous avez été plus de 300 à y répondre.
Après plusieurs heures de travail, notre data analyst spécialisé en blockchain et machine learning tirait la conclusion suivante :
Un bon boxer, c'est ça.
Puis, après retravail :
Un bon boxer, c'est ça.
On avait notre cahier des charges : on voulait faire un boxer qui ne se détende pas, qui ne fasse pas de trous à l’entrejambe, avec un élastique solide.
À la recherche de la bonne usine
On ne pouvait pas s’embarquer seuls dans l’aventure, il nous fallait un compagnon de cordée : une usine qui soit prête à travailler sur ce projet avec nous.
Mais n’en déplaise à nos parents, nous étions (et sommes) encore une toute petite marque avec de tout petits volumes… Alors forcément, quand on contacte les usines pour faire un projet compliqué, ça donne ça :
Heureusement, après quelques temps, on a fini par trouver quelqu’un au Portugal qui a accepté notre projet – sans se douter qu’il en prenait pour plus de deux ans.
À la recherche de la bonne matière
Un tissu qui ne se détend pas
Un tissu finit presque toujours par se détendre quand on le porte, surtout quand c’est de la maille un peu élastique… Techniquement, on dit qu’il “poche”. Et pour les boxers, qu’on étire toute la journée en marchant, ça peut devenir particulièrement embêtant.
Pour minimiser cette déformation, on a décidé de jouer sur deux tableaux :
Ajouter de l’élasthanne de bonne qualité, ce que font d’ailleurs la plupart des fabricants de boxers aujourd’hui.
Surtout, faire en sorte que la structure-même du tissu reprenne plus facilement sa forme grâce à une maille plus dense et plus serrée (ce que montrent les études ici ou là). La plupart des boxers tournent entre 150g et 180g/m2, on a décidé de partir au moins sur du 200g/m2.
Mais avant de choisir un tissu, il fallait aussi résoudre le deuxième problème que vous nous aviez remonté. Et ça nous pris beaucoup de temps.
Retarder les trous à l'entrejambes
Quand vous marchez toute la journée avec un boxer, vos cuisses frottent l’une contre l’autre en permanence… Et au bout d’un certain temps, il finit par y avoir des trous. La seule manière de les éviter, c’est d’augmenter la résistance à l’abrasion du tissu. Mais elle dépend de plein de facteurs : longueur des fibres de coton, finesse du fil, densité de la matière…
Alors pour être sûr de ne pas se planter, le mieux c’est prendre un tissu qu’on sait résistant, puis de le comparer à d’autres sur une machine comme ça :
Une machine martindale au travail.
Le truc, c’est qu’on a commencé ce travail avec un sacré handicap : notre fil de coton devait être bio (si vous vous demandez encore pourquoi, lisez notre article sur le sujet). Or, trouver un fil de coton bio de qualité, avec une fibre suffisamment longue et résistante, c’est loin d’être évident.
Alors forcément, le premier tissu bio qu’on a testé n’était pas à la hauteur :
Échantillon de référence (non bio) : Trou qui apparaît au bout de 40000 - 45000 cycles
1er échantillon Loom en coton bio : Trou qui apparaît au bout de 30000 - 35000 cycles
C’est alors qu’on nous a parlé d’un fil supposé incroyable, d’un coton non seulement bio, mais en plus d’une qualité exceptionnelle : le coton égyptien de Gizeh, habituellement réservé au marché du luxe. Sa particularité : des fibres très longues (plus de 3,6 cm quand la moyenne est de 2,5 cm) pour la résistance et très fines pour la douceur. Avec ce coton, on était à peu près certain qu’on allait casser la baraque… Alors on a fait produire un rouleau de 50 mètres, la quantité minimum.
2e échantillon Loom en coton de Gizeh bio : 20 000 - 25 000 cycles
Moins bien que le premier ! C’est en analysant les résultats qu’on a compris notre erreur : les fibres de ce coton égyptien sont si longues et fines qu’elles permettent de faire des fils très fins… Et le fil qu’on a choisi l’était beaucoup trop. Fin de l’histoire ?
Au contraire : cette finesse s’est transformée en avantage. Avec un fil fin comme ça, il est possible d’en prendre deux et les retordre l’un sur l’autre en “double-retors”. Ce côté “câblé” lui donne une solidité bien supérieure, tout en maintenant le même niveau de douceur !
On a donc décidé de refaire produire un rouleau de 50 mètres en double-retors, puis de relancer un test. Puis on a demandé à notre laboratoire de nous envoyer les échantillons testés par courrier. Résultat en image :
Certes, le premier vrai trou est apparu 5000 cycles plus tôt sur le Loom, mais sans s’affiner du tout avant et sans laisser apparaître aucune transparence. Autrement dit, il reste portable beaucoup plus longtemps.
Bref : bingo ! On avait un tissu :
très doux, grâce à la finesse du coton de Gizeh
qui résiste bien à l’abrasion, grâce au fil double-retors
bien dense (220g/m2) pour ne pas trop se détendre au fil des porters
et surtout, un tissu bio, qui n'abîme pas la biodiversité ou les travailleurs du coton
Un élastique qui ne se détend pas
Vous le savez probablement : en France, on a énormément délocalisé notre industrie textile depuis les années 80 et perdu beaucoup de savoirs-faire. Mais ce qu’on sait parfois moins, c’est qu’on a aussi su se ré-inventer et se développer sur le textile technique (on est le 4e pays producteur mondial !).
Donc pour cette ceinture, pas question d’aller voir ailleurs : nous sommes allés chez Berthéas, une entreprise française basée dans la Loire et spécialiste des rubans élastiques (notamment pour le secteur médical). On leur a demandé une ceinture résistante, pourvu qu’elle soit douce.
Ils nous ont proposé un fil de polyamide texturé par jet d’air pour reproduire le côté duveteux du coton. Pour s'assurer de la résistance, on a simulé un vieillissement accéléré de la ceinture en l’enfermant pendant un mois là-dedans :
Une étuve de vieillissement accéléré (le contraire d’une crème anti-âge quoi).
Résultat avec les mots poétiques de notre laboratoire : “il n'a pas été constaté d'altération de la ceinture élastique à l'issue du vieillissement”.
Re-Bingo.
On avait la matière du boxer et un bon élastique, il fallait maintenant passer à la confection.
Faire une confection idéale
Pour décider comment assembler ce boxer, vos réponses nous ont bien aidé :
Les coutures gênent ? On a mis des coutures plates partout dites “flatlock”.
L’étiquette gratte ? On a supprimé cette @*#! d’étiquette qui gène toujours pile en bas du dos, et on l’a imprimée directement sur l’intérieur du boxer.
Les cuisses remontent ? On a travaillé sur l’ourlet du bas des jambes pour qu’il serre bien.
Ça serre trop dans la zone stratégique ? Nous avons ajouté un gousset à l’entrejambe : une pièce rectangulaire qui permet de diminuer la tension à cet endroit. Effet bonus de ce gousset : en minimisant les frottements liés aux coutures habituellement placées ici, on pense que cela retardera également l’apparition de trous.
Un dernier test pour la route
Sur le papier, notre boxer n’avait pas l’air mal. Mais l’expérience nous a montré que rien ne remplace un test en conditions réelles. Pour les baskets, c’est nous (l’équipe Loom) qui les avions portées non-stop pendant plus d’un an. Pour le boxer, on a voulu voir les choses en plus grand. On a proposé à nos actionnaires de tester la V0 de notre boxer.
Sauf que voilà : des actionnaires, on en a 600 et des boxer génération 0, on en avait 70. Donc ce qui devait arriver arriva :
Après quelques semaines d’utilisation, on leur a demandé leur avis. Et visiblement, ils en étaient plutôt contents :
Oui, mais cette prévente, c’était surtout pour comprendre ce qu’on pouvait améliorer. Voilà les problèmes qui ont été remontés :
1/ La ceinture élastique finit par s’enrouler sur elle-même dans la journée.
On s’est rendu compte qu’elle manquait en effet de rigidité. Notre fournisseur nous a proposé d’y intégrer une proportion de polyester, plus rigide que son cousin le polyamide. Problème résolu.
2/ La couture arrière est un peu gênante.
Oui, c’était la seule qui n’était pas plate. Maintenant, elle l’est.
3/ Des peluches se déposent sur le corps à la première utilisation.
On a demandé à notre usine de désormais prélaver les boxers – sur l’envers.
4/ Il n’est pas très fun.
Désolé, mais...
Nous refusons de prendre des parts de marché à Desigual.
5/ Il brille un peu
C’est vrai qu’il brille un peu avant les 2 ou 3 premiers lavages, mais c’est aussi pour ça qu’il est doux. Comme les fils sont très fins, le tissu reflète particulièrement la lumière. En fait, c’est même un gage de grande qualité (comme pour notre pull en coton qui est fait du même fil). Tiens, vous savez ce qui ne brille pas ? Ça :
Vous voulez le porter sur vos fesses ? Non ? C’est bien ce qu’on pensait. Alors on reprend.
Solide, grâce une densité élevée, un fil double-retors et une bonne ceinture élastique,
Doux, grâce à la finesse du coton de Gizeh,
Confortable, grâce à ses coutures plates et son gousset,
En coton biologique,
Pas fabriqué à l’autre bout du monde : le coton est égyptien, la confection et le tricotage sont fait au Portugal et la bande est made in France.
En plus, vous trouvez pas qu’il est beau ?
Ce boxer, on le vend 18€. On le sait, c’est bien plus cher que les boxers de fast fashion, vendus 5€, voire moins. Normal : il nous coûte 5 à 10 fois plus cher à produire. Et c’est lié à deux choses :
1/ Le pays de confection. Les boxers de fast fashion sont fabriqués dans des pays où le salaire minimum ne suffit pas à couvrir le salaire vital des ouvrières et où la loi ne protège pas suffisamment l’environnement et les conditions de travail – le scandale actuel des travailleurs Ouïghours est encore là pour nous le rappeler. Au Portugal et en France, aucune usine ne peut rejeter impunément des produits chimiques dans une rivière, les horaires de travail sont encadrés et les salaires minimums permettent de couvrir les besoins fondamentaux des ouvrières.
2/ La matière. Notre tissu est en coton bio ET de grande qualité, ce qui est extrêmement rare et fait s’envoler les prix. Pour vous donner une idée, le coton conventionnel (ça veut dire "qui utilise des pesticides") de bonne qualité (c'est à dire avec des fibres longues) c'est 2 à 3% de la production mondiale… Et comme le bio représente 0,5% des surfaces cultivées, ça veut dire qu'en théorie, le coton bio de bonne qualité représente 2%*0,5% = 0,01% de la production mondiale !
Au final, ce boxer nous coûte 8 euros en sortie d’usine, auxquels il faut rajouter les coûts de logistique, de livraison, la recherche et développement et la TVA. Si vous êtes un peu du métier, vous vous étonnerez peut-être que notre marge soit aussi faible. C’est vrai que ce n’est pas énorme pour couvrir deux années de tests et de développement. Mais on peut se le permettre car :
On ne fait pas de collections. Oui cela nous a coûté cher de développer ce boxer mais on a l’intention de le vendre pendant des années, ça veut dire que ces frais, on ne les dépense qu’une fois. Au contraire, si on faisait des collections, on devrait recommencer à zéro à chaque saison.
On ne fait pas de pub. C’est courant pour les marques de prêt-à-porter de consacrer de 10 à 20% de leur chiffre d’affaire en publicités diverses (Instagram, Facebook, métro mais aussi affiliation, code promo, code de parrainage, articles sponsorisés, influenceurs etc). On ne fait rien de tout cela, c’est ce qui nous permet d’avoir un aussi bon rapport qualité-éthique-prix.
On ne fait jamais de soldes ni de promotions. On ne fixe donc pas de prix élevés qu’on va baisser de façon ponctuelle et inciter à l'achat.
Alors si vos boxers sont troués et que vous n’en trouvez pas à votre goût en friperie, découvrez le nôtre ici.
Suite à l'explosion du prix des matières premières et en particulier du coton bio, nous avons du augmenter le prix de notre boxer à 20€. Plus d'infos ici
Qui on est pour dire ça ? Vous êtes sur La Mode à l’Envers, un blog tenu par la marque de vêtements Loom. L'industrie textile file un mauvais coton et c'est la planète qui paye les pots cassés. Alors tout ce qu’on comprend sur le secteur, on essaye de vous l’expliquer ici. Parce que fabriquer des vêtements durables, c’est bien, mais dévoiler, partager ou inspirer, c’est encore plus puissant. Si vous aimez ce qu’on écrit et que vous en voulez encore, abonnez-vous à notre newsletter en cliquant ici. Promis : on écrit peu et on ne spamme jamais.
La première génération de notre ceinture, on l’a sortie en 2016 et on pensait vraiment avoir tout bien fait : cuir italien pleine fleur à tannage végétal, boucle italienne en Zamak (un alliage très solide de zinc, d'aluminium, de magnésium et de cuivre), fabriquée en Bretagne. C’est en demandant aux personnes qui l’avaient achetée ce qu'on pouvait améliorer qu’on est redescendu sur terre : sur certaines pièces, le cuir de notre ceinture se décollait au milieu.
Quelques images du problème de décollement de notre ceinture première génération.
Bien entendu, on a remboursé/offert une nouvelle ceinture à toutes les personnes qui nous ont remonté ce problème1. On a aussi arrêté de la vendre jusqu'à l'avoir "réparée", en rajoutant une surpiqûre qui empêche le décollement.
La couture sur les bords de la ceinture évite qu'elle ne se décolle.
Cela nous a permis de limiter la casse mais au final cette histoire nous a coûté cher :
Économiquement : notre fabricant n’a pas voulu reconnaître sa responsabilité (et donc ne nous a pas rendu un sou). Bref, on a perdu de l’argent.
En termes d'image : on vous laisse imaginer ce que les clients ont pensé de nous en voyant leur ceinture s'ouvrir en deux.
Note de 3,9/5 et 30% des gens qui pensent que notre ceinture n’est pas résistante : les ingrédients d’une dépression pour l’équipe Loom.
C’est aussi à cette époque qu’on a compris 2 choses. 1/ on ne peut pas faire aveuglément confiance à nos fournisseurs. 2/ les tests (en laboratoire et en conditions réelles), c’est vraiment hyper important. À partir de cette mésaventure, on a mis en place un process de tests et de contrôles qualité systématiques, process qu’on continue à améliorer chaque jour.
Bref, un an plus tard, en 2017, pour le développement de la deuxième génération de notre ceinture, on pensait VRAIMENT avoir tout fait comme il faut : cuir pleine fleur à tannage végétal, boucle en Zamak, rivets métalliques, made in France, et une seule couche de cuir pour éviter tout décollement. Ah et aussi, on avait fait tester la résistance du cuir en labo et les résultats étaient tellement bons qu’on s’est dit : cette fois c’est la bonne, cette ceinture, on peut la garantir 10 ans.
La newsletter qu’on a envoyée en novembre 2017 pour annoncer la sortie de la deuxième génération de notre ceinture.
A ce jour, personne n’a encore fait jouer sa garantie : la deuxième génération de notre ceinture tient bien le coup. Et la note que lui donnent les clients est tout à fait honorable :
Note donnée par les clients après 2,5 ans d’utilisation.
Sauf que quelques mois après le lancement de cette ceinture :
Erreur, Sherlock Guillholmes : il s'agissait de la boucle en Zamak, dans la veranda, avec le chandelier.
Là encore, on demande des explications à notre usine, qui nous adresse cette réponse :
Si une ceinture qui subit des frottements est une ceinture mal utilisée, on se demande comment il faudrait la porter...
Il était donc temps de :
1- Changer d'usine.
2- Se mettre en quête d'une boucle vraiment inusable.
À la recherche de la boucle inusable
Cette nouvelle recherche, elle a commencé en août 2018 et a duré un an. On a posé des questions à une dizaine de fournisseurs sur ce qui fait la durabilité des boucles sans jamais trouver d’explications satisfaisantes. Certains nous parlaient du Zamak comme le top de la qualité, d'autres nous vantaient le laiton comme étant le plus résistant, d’autres encore nous affirmaient que c’était pareil. Bref, impossible de démêler le vrai du faux. On était un peu en train de lâcher l’affaire quand soudain :
Cette cliente Anne s’est révélée être une mine d’or d’informations :
En deux heures au téléphone avec elle, on venait de comprendre ce qu’on avait passé un an à chercher : une boucle qui résiste, ce n’est ni une boucle en Zamak ni en laiton : c’est une boucle en acier inoxydable (inox pour les intimes).
L’explication scientifique : le Zamak ou le laiton s’oxydent avec le temps et ternissent. On doit donc y ajouter une finition, comme par exemple un plaquage de nickel qui donne une couleur argentée et une protection contre l'oxydation. Par-dessus cela, on rajoute un vernis à cause des potentielles allergies au nickel. Mais si cette finition est un tout petit peu attaquée par des chocs, des frottements ou la transpiration de nos mains, l’oxygène de l’air entre en contact avec le métal en-dessous et l’oxydation commence.
Un exemple assez costaud d’oxydation.
Mais l'inox, lui, est inoxydable : pas besoin d’appliquer de finition. C’est le métal brut qui est moulé à la forme de la boucle, puis poli – aucun risque d'avoir une finition qui s’écaille. Et pour éviter tout risque de réactions allergiques, on a choisi de l’acier inoxydable qualité 316L (le même qui est utilisé pour les montres haut de gamme).
Ça c'est pour la théorie. Mais comme vous l'avez compris, maintenant on préfère vérifier systématiquement par nous-mêmes. On a lancé un test de quatre boucles différents en vieillissement accéléré en laboratoire : une en inox, une en laiton, une en Zamak d’une marque dite “haut de gamme” et notre ancienne boucle en Zamak.
La machine de torture pour tester nos boucles.
Les résultats confirment ce que nous a dit Anne : la boucle en acier inoxyable ne bouge pas quand toutes les autres sont détériorées par les frottements et le temps.
En réalité l'abrasion n'est pas nulle, juste invisible à l'oeil nu. L'inox ne rouille pas mais s'use tout même un peu.
Bref, cette boucle, vous pourrez la transmettre à vos enfants et à vos petits enfants.
Mais alors pourquoi toutes les marques ne font-elles pas des ceintures avec des boucles en acier inoxydable ?
Parce qu’elles ne savent pas que c’est mieux ? C'est possible.
Parce que la plupart des fournisseurs n’en proposent pas ? C'est vrai qu'il faut demander un développement spécial (et donc supporter les coûts qui y sont liés).
Parce que c’est bien plus cher ? La vraie réponse elle surement là : une boucle en Zamak coûte environ 1,50€, une boucle en inox... cinq fois plus2, soit 7€. L’immense majorité des marques n'est pas prête à payer 5 fois plus cher leur boucle, même si cela permet d’allonger énormément (voire éternellement) la durée de vie d’une ceinture.
À la recherche d'une nouvelle usine
Une fois la bonne boucle en poche, il fallait trouver un partenaire de confiance pour monter cette ceinture. On a contacté plusieurs ateliers en France, au Portugal et en Espagne et puis en discutant avec Atelier Joly (les fabricants de nos chaussettes)...
OOOOh Xaxa(vier)
Deuxième fois qu’on travaille avec un fournisseur de la région de Castres et deuxième coup de coeur : Xavier est effectivement sympa, bosseur et il a le goût des finitions soignées. C'est lui qui nous a suggéré un montage qui permette de changer la lanière de cuir facilement et de réutiliser la boucle à l’infini.
Il suffit de dévisser le rivet métallique pour raccourcir la ceinture ou changer la bande en cuir.
À la recherche du bon cuir
Il ne nous restait qu'à trouver un bon cuir. Et pour ça, on n'a pas été très loin : on a repris le même que nos ceintures précédentes, qui avait reçu des super notes, aussi bien de la part des clients que des tests labos.
On a tout à fait conscience que le cuir est une matière controversée, surtout pour les marques éco-responsables. On avait déjà essayer de comprendre les dessous de cette industrie avant de lancer nos baskets en cuir – notre (long) article est disponible ici. C’est une des questions les plus difficiles qu’on ait jamais eu à traiter, car elle demande de prendre en compte quatre facteurs parfois contradictoires : notre confort, le bien-être animal, la pollution environnementale et la question sociale. Pour nos baskets, nous avions conclu que – pour l’instant – le choix du cuir animal était préférable.
D’abord, le cuir apporte un confort que les matières synthétiques peuvent difficilement atteindre : c'est une matière vivante qui change de forme pour épouser la courbure de votre taille3 sans craqueler ni s'abîmer.
C’est cette courbure qui est la preuve du confort et de la résistance d’un cuir.
D’autre part, si le cuir est bien entretenu et que la boucle est solide, une ceinture peut tenir plusieurs décennies. Surtout si on choisit du cuir “pleine fleur”, la partie la plus solide de la peau d’une bête – là où la densité de fibres est la plus forte.
Et pour minimiser ses impacts négatifs en termes d’écologie et de bien-être animal, nous nous sommes imposés les contraintes suivantes :
Il faut que la tannerie soit située en Europe car la loi l’oblige à protéger la santé de ses salariés et à traiter ses eaux polluées : on travaille donc avec Lo Stivale, une tannerie italienne réputée.
Il faut que les peaux viennent d’Europe, là où les pratiques sont a priori plus respectueuses du bien-être animal et beaucoup moins polluantes que celui des autres continents : les nôtres proviennent d’élevages situés en Bretagne.
Il faut si possible choisir du tannage végétal : c’est plus écologique et surtout, ça fait que le cuir se “patine” avec le temps - au fur et à mesure des années, les griffures ou éraflures marqueront un peu le cuir et sa couleur va se foncer. Ce n’est pas un signe de manque de qualité, au contraire : le temps qui passe va donner une personnalité unique à cette ceinture.
Voici comment elle vieillira
Récemment, on a demandé à nos clients de nous envoyer des photos de leur ceinture Loom qu’ils portent depuis deux ans et demi, pour avoir une idée plus précise de comment le cuir de notre ceinture vieillit, et voici le résultat :
2 ans et demi d’utilisation plus tard.
Vous pouvez remarquer que le cuir est marqué à l’endroit où appuie la boucle.
La seule solution pour atténuer ce marquage, ça serait de fabriquer une ceinture en trois couches : un "sandwich" avec deux bandes de cuir et au milieu une matière plastique plus solide. Mais c’est précisément ce qu’on avait fait pour la première génération de notre ceinture et vous imaginez bien qu'il est hors de question de prendre le risque que ça se décolle à nouveau. Autre option : assembler le sandwich non pas avec de la colle mais avec des coutures : c’est sûr que ça tiendra plus longtemps mais une couture c’est une zone de fragilité : il suffit qu’un bout du fil saute et toute la ceinture est ruinée (et aussi, on est moins fans de l’aspect esthétique). Donc on a choisi d’accepter ce problème somme toute mineur.
Mais pour que vous vous fassiez votre propre idée, voilà d'autres images de ceinture Loom portée pendant plusieurs années :
Et voici ce qu’en disent les personnes qui la portent depuis plus de 2 ans :
Les limites de notre ceinture
Même si c’est déjà la troisième génération de cette ceinture, elle n’est toujours pas parfaite. Il y a notamment deux choses sur lesquelles on doit s’améliorer :
La boucle est fabriquée en Chine. On essaye de pousser notre fournisseur (français) à trouver une solution pour la produire plus localement (mais il nous dit qu’on obtiendra pas la même qualité) et on cherche en parallèle d’autres fournisseurs qui produisent en Europe et dont on peut aller visiter les usines.
Notre packaging : avant, notre ceinture était emballée dans une belle boite en carton… fabriquée en Chine. On a voulu trouver la même boite mais made in France… mais ça coûtait 3€ (si vous suivez, c’est 2 fois le prix d’une boucle en Zamak made in Italie). En attendant de trouver un packaging éthique mais plus abordable, on a donc opté pour la solution que nous a proposé Xavier : des pochons en tissu transparent fabriqués en Roumanie, qu’il utilise pour ses autres clients.
Mise à jour avril 2021 : nos ceintures sont dorénavant emballées dans une jolie pochette made in Italie, en coton recyclée.
Et voilà le travail
Elle est pas belle cette ceinture 3e génération ?
Même si le chemin a été tortueux pour sortir la 3ème génération de cette ceinture, on est vraiment contents du résultat : pour la deuxième fois, on a réussi à faire un produit made in France de bien meilleure qualité que ce qui se trouve sur le marché, même chez les marques haut de gamme. Pour y arriver, on n’a pas essayé de rogner sur les coûts (parce qu’on sait que souvent, ça diminue la qualité ou l’éthique) : étant donnés tous les choix qu'on a décrit plus haut, cette ceinture coûte 50% plus cher à produire que la précédente génération : 20,80€ au lieu de 13,50€. On a fait nos calculs et on a décidé de la vendre 55€ : c’est vraiment un rapport qualité-prix imbattable pour nos clients et clientes et nous, ça nous laisse une marge raisonnable pour vivre.
on a reçu beaucoup de messages nous demandant de faire une ceinture un peu plus large pour un look moins formel. Chose promise, chose due : la ceinture large est dispo ici.
l'acier que nous utilisons est dorénavant du 304l, car utiliser du 316l était ce qu'on appelle "de la surqualité", c'est-à-dire un excès de performance par rapport à l'usage de la ceinture. En effet, l'avantage de l'acier 316l vs le 304l, c'est qu'il résiste aux atmosphères iodées et chlorées. Le reste des performances est identique. Comme, on est à peu près sûr que personne n'ira se baigner avec cette ceinture, on utilise dorénavant de l'acier 304l pour la boucle de cette ceinture.
Qui on est pour dire ça ? Vous êtes sur La Mode à l’Envers, un blog tenu par la marque de vêtements Loom. L'industrie textile file un mauvais coton et c'est la planète qui paye les pots cassés. Alors tout ce qu’on comprend sur le secteur, on essaye de vous l’expliquer ici. Parce que fabriquer des vêtements durables, c’est bien, mais dévoiler, partager ou inspirer, c’est encore plus puissant. Si vous aimez ce qu’on écrit et que vous en voulez encore, abonnez-vous à notre newsletter en cliquant ici. Promis : on écrit peu et on ne spamme jamais.
Notes
1 D'ailleurs, si vous avez une ceinture de cette génération qui se décolle aussi, envoyez-nous un mail à hello@loom.fr pour qu'on vous rembourse ou qu'on vous en offre une nouvelle.
2 En fait, les deux métaux coûtent à peu près le même prix, mais une boucle en acier coûte bien plus cher à fabriquer. En effet, le Zamak a de très bonnes propriétés de "coulabilité" et on peut donc mouler une boucle en une seule fois. En revanche, l'acier est moins coulable, donc doit forcément être usiné après avoir été moulé pour faire l'intérieur de la boucle, un procédé long et relativement cher.
3 D'ailleurs la marque de pantalons américaine Bonobos s'est fait connaître pour sa ceinture courbée plus anatomiquement adaptée que les pantalons à ceinture droite.
La compensation n'est pas une solution : par exemple, si on voulait compenser l’intégralité de nos émissions de CO2 en plantant des arbres, il faudrait boiser quasiment l’intégralité des terres cultivées aujourd’hui dans le monde. Source : Jean-Marc Jancovici.
L’effet rebond, de manière plus générale, explique que les économies d’énergie prévues par une nouvelle technologie sont compensées par une augmentation de la consommation. Et c'est loin d'être le seul effet pervers du développement durable.
Un fonds d’investissement est une société qui recueille et place l’argent d’investisseurs en achetant des actions dans les entreprises.Le chiffre des "trois quarts" est issu du livre blanc publié par l'Association Nationale des Sociétés par Actions en 2016.
Pour aller plus loin, lire "Successful Non-Growing Companies" publié en 2015 par Liesen, Dietsche et Gebauer.Pour en savoir plus sur les déséconomies d'échelles, lisez la page Wikipédia.
Stock-options : rémunération variable liée à la valeur de l’action qui a explosé depuis les années 70. Grâce à elles, le salaire des grands patrons américains a été multiplié par plus de 10 en 40 ans quand celle d’un employé moyen n’a connu une hausse que de 12%.
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En avril 2019, dans les commentaires d’un article, vous nous avez dit ça :
Et ça nous a fait pas mal réfléchir. On s’est rendu compte que les baskets, c’est la pièce de notre vestiaire qui s’abîme le plus vite. C'est vrai qu'entre les chocs, les frottements, la pluie, c’est pas facile de les garder plus d’un an ou deux. Et pour ne rien arranger, les solutions de réutilisation ou de recyclage sont quasi-inexistantes.
Alors on s'est mis en tête de faire des baskets vraiment durables :
durables dans le sens “solides” : qui durent le plus longtemps possible
durables dans le sens “éthiques” : qui ont l’empreinte sociale et environnementale la plus faible possible
durables dans le sens “belles et confortables” : des baskets que vous aurez toujours envie de porter dans deux ans
Réunir ces trois caractéristiques, ça oblige forcément à faire des compromis. Ces baskets ne sont pas parfaites, mais oui, ce sont les meilleures qu’on ait réussi à faire.
Voici comment on s’y est pris.
With a little help from Caroline
D’abord, on a eu la chance de croiser la route de Caroline. Pour la faire courte, Caroline est une star de la chaussure : formée chez Hermès, elle est passée chez Castelbajac, a chaussé des petits artistes méconnus comme Beyoncé, Lady Gaga ou Gondry avant de monter sa marque de sneakers de luxe. On est aussi raccord sur les questions environnementales et a on a la même vision de l'entreprise (sinon elle n'aurait jamais accepté de travailler avec nous).
Quizz : trouvez sur cette photo la personne qui n’a pas été chaussée par Caroline et qui du coup est dégoûtée.
Franchement, sans elle, on ne sait pas comment on aurait fait. Généralement pour fabriquer un vêtement, il faut identifier deux fournisseurs (1- celui qui fabrique le tissu, 2- celui qui confectionne le vêtement) mais pour la chaussure, c’est une tout autre histoire : il faut trouver le confectionneur, le formier, les fournisseurs de cuir, lacets, oeillets, semelle extérieure, semelle intérieure, boîte en carton… Caroline nous a fait rencontrer directement les bons interlocuteurs : on a pu comprendre ce qui fait une chaussure de qualité, décortiquer les processus, choisir les meilleures éléments, voir de nos propres yeux les conditions de travail... In fine, la plupart des acteurs impliqués dans la fabrication de cette basket se trouvent dans un rayon de 50km autour de Porto. Non seulement ça permet de gagner en qualité et en réactivité, non seulement ça évite que la basket n’ait à parcourir 40 000 km avant d’arriver chez vous, mais surtout, ça permet à un réseau d’entreprises locales de travailler en symbiose. C’est pas ça l’avenir de l’économie ?
Comment on s'y est pris ?
Pour être certain de faire une basket qui tienne longtemps, on a lancé un sondage avec une seule question : “Pourquoi vous jetez vos baskets ?”. Puis on a épluché les 1000 réponses que vous nous avez données, et voici ce qu’on a compris.
La semelle, le talon d'Achille de la basket (lol)
En général, c’est la semelle qui vous lâche en premier.
On a traîné ce monsieur en justice car on a breveté l’expression mais sinon on est d’accord avec son analyse.
Ce qui est le plus courant chez les marques dites "de qualité" c'est d'utiliser une semelle en "gomme" (un mélange de caoutchouc naturel et synthétique) ; plusieurs usines (comme Margom pour la plus connue) proposent ce produit et chacune à sa recette. Pour choisir les plus solides, on a pris des semelles parmi les fournisseurs les plus réputés et on a mesuré leur “résistance à l’abrasion” avec une machine comme ça :
On a aussi testé une semelle à base de gomme recyclée à partir des chutes de matière de l’usine2. Elle s’est avérée 30% moins résistante : ce n’est pas surprenant, les matières recyclées sont généralement moins stables que les matières vierges. Donc si les baskets durent 3 ans avec une semelle normale, elles ne dureraient plus que 2 ans avec une semelle recyclée ! On a donc choisi de rester sur une semelle en gomme vierge. Au niveau environnemental, ce qu’on gagnerait avec une semelle recyclée ne pourrait jamais compenser cette diminution de durée de vie. En revanche, la marque O.T.A. a la bonne idée d’utiliser de la matière non pas recyclée mais upcyclée en récupérant des pneus usagés qu’elle intègre aux semelles. Comme les gens sont en général moins lourds que des voitures, ces semelles sont assez imbattables en terme de résistance à l’abrasion.
Enfin, on s’est attaqué à la forme-même de la semelle : pour réduire sa vitesse d’usure, on a ajouté un peu de matière au niveau des zones de frottements.
Ces crans ajoutent de la matière ce qui augmente la durée de vie de la semelle sans changer son confort.
Cuir ou pas cuir ?
Pour la matière principale, on a d’emblée exclu le tissu (coton, laine, lin, polyester, etc.) : pour pouvoir porter des baskets toute l’année, il faut qu’elles soient étanches. Et puis il y a une question de résistance : sur un tissu, des trous finiront toujours par apparaître...
Même si certes, on peut profiter des trous pour faire un discret rappel couleur.
Du coup, on avait le choix entre :
Du cuir animal (bovin en l’occurrence, de loin le principal cuir utilisé dans la chaussure)
Du cuir synthétique : les simili-cuirs (les cuirs “plastique” comme par exemple le “skaï”) et les cuirs dits végétaux (à base de déchets de pomme, d’ananas ou de raisin par exemple).
Une des raisons pour laquelle nous avons choisi le cuir animal (bovin en l’occurrence, de loin le principal cuir utilisé dans la chaussure), c’est parce qu’il a le meilleur rapport qualité-confort : il est quasi-imperméable à l’eau, il tient chaud, il absorbe l'humidité de la transpiration (ce qui empêche les odeurs voire la formation de mycoses), il est naturellement flexible et s’adapte à la forme des pieds au fur et à mesure des semaines. Et surtout, il est très résistant : quand les cuirs synthétiques peuvent craqueler et s’abîmer avec le temps3, le cuir bovin (s’il est bien nourri) résiste.
On a tout à fait conscience que cette matière est controversée pour les marques éthiques et/ou écoresponsables. Alors on a passé beaucoup de temps à essayer de comprendre cette industrie avant de prendre une décision. C’est une des questions les plus difficiles qu’on ait jamais eues à traiter, parce qu’elle demande de prendre en compte quatre facteurs parfois contradictoires : notre confort, le bien-être animal, la pollution environnementale et la question sociale. On vous explique tout dans un article dédié à ce sujet à lire ici, mais si vous n’avez pas notre temps, voici un récap rapide de pourquoi on a choisi d’utiliser du cuir :
Ethique animale : Nous savons à l’heure actuelle qu’il est impossible de garantir un élevage sans souffrance animale, mais nous pensons qu’à court terme, la meilleure stratégie en faveur du bien-être animal est de favoriser le maintien et de le développement des petits élevages extensifs et aux pratiques vertueuses. Pour cela, il faut choisir du cuir produit en Europe et à moyen terme pousser un système de traçabilité du cuir qui permette de choisir des peaux provenant des élevages les plus vertueux.
Pollution environnementale : l’élevage est certes un très gros contributeur de gaz à effets de serre, mais beaucoup moins en Europe. Donc à condition 1- que notre cuir soit d’origine européenne 2- qu’il soit tanné en Europe et que 3- la basket en cuir tienne au moins deux fois plus longtemps que les autres, elle peut émettre moins de gaz à effets de serre qu’une basket en tissu ou en synthétique.
Impact social et sociétal : tous les cuirs synthétiques, y compris à base de déchets végétaux, nécessitent un processus industriel complexe, notamment à cause de l’utilisation de polyuréthane (environ 50% de la semelle). Ils sont donc aujourd’hui encore largement dépendants de l’industrie pétrolière et/ou chimique, dont le modèle nous paraît moins souhaitable que celui de l’élevage traditionnel et du tannage, qui favorise une économie plus locale, plus frugale, et à taille plus humaine. (Pour lire tout le raisonnement, cliquez ici).
Ce qu’on a compris en creusant ce sujet, c’est que pour le bien-être animal et l’impact environnemental, il faut à tout prix que ce cuir soit produit, tanné et assemblé en Europe. On s’est donc mis en quête du bon cuir européen.
Mais avant ça, il fallait trouver la bonne couleur. Au début, on se disait que les baskets blanches, c’était pas top : un peu trop salissant à la longue et tannage végétal impossible (un cuir à tannage végétal blanc, ça jaunit avec le soleil). Mais on s’est vite rendu à l’évidence : on n’est pas encore Anna Wintour et ce n’est pas nous qui allions détourner les gens des baskets blanches.
On a donc cherché un cuir blanc de qualité, produit et tanné en Europe. La difficulté, c’était d’en trouver un dont la couche de pigments blancs ne soit pas trop épaisse, afin qu’il ne perde pas ses propriétés respirantes et flexibles, qu’il n’ait pas un toucher trop plastique et qu’il ne craquèle pas avec le temps. Au final, après avoir étudié plusieurs options, on a trouvé notre bonheur chez un tanneur espagnol (Palomares) : un cuir bovin européen pleine fleur grainé. Pleine fleur, parce que c’est la partie la plus solide de la peau d’une bête – c’est là où la densité de fibres est la plus forte. Grainé, car à la différence d’un cuir lisse, il marque moins les plis notamment sur l’avant de la chaussure.
Pour l’intérieur, on a trouvé au Portugal un cuir écologiquement inégalable : un cuir bovin à tannage végétal et teinture naturelle (ça veut dire qu’il est sans chrome et sans métaux, ce qui est plus sûr notamment pour les personnes aux peaux plus sensibles, allergiques ou ayant des problèmes de peau).
Rester dans sa zone de confort
On a aussi tout fait pour que ces baskets ne vous fassent pas mal aux pieds.
On a donc d’abord travaillé sur la forme. Notre “formier” travaille avec Caroline depuis plusieurs années, et il a développé pour nous une forme à la fois élégante et confortable4 :
Elle remonte sur l’arrière pour maintenir le talon mais pas trop pour éviter les ampoules au tendon d’Achille.
L’avant de la chaussure est suffisamment bombé pour ne pas appuyer sur votre gros doigt de pied.
Comme nous l’ont aussi conseillé les podologues5 qu’on a rencontrés, le talon de notre basket a un dénivelé de 1,5 à 2 cm entre l’avant et l’arrière du pied.
Mais on ne s’est pas arrêté là, on a ensuite cherché à maximiser le confort de la basket :
Pour assurer un confort maximal, tout l’extérieur de basket n’est constitué que d’une seule pièce de cuir (même si ça coûte un peu plus cher). En effet, plus il y a d’empiècements sur la chaussure, plus il y a de coutures, ce qui rigidifie la basket au risque de la rendre inconfortable (dans le petit monde de la chaussure, on dit que ça diminue le “prêtant”).
La semelle intérieure de la basket (a.k.a. la “première de propreté”) est en latex à mémoire de forme - comme les matelas qui font de la pub dans le métro - et donc ultra-confortable. Et elle est amovible : ça permet de la changer quand elle est trop usée ou de la remplacer par une semelle orthopédique.
En plus, on a ajouté deux mousses épaisses pour entourer la cheville. On n’irait pas jusqu’à dire que vous vous sentirez comme dans des chaussons mais les images parlent d’elles-mêmes :
Un problème = une solution
Ensuite, on a essayé de trouver des solutions à tous les autres problèmes que vous nous aviez remontés :
P*** mais tu décolles ! C’est pas comme ça qu’on fait les shoes. Oh djadja !
Vos semelles finissent par se décoller ? On les a cousues au cuir via une piqûre latérale6, après les avoir collées avec une colle très résistante mais sans solvants (potentiellement toxiques).
Elles se trouent au niveau du gros doigt de pied ? On a mis un bout dur en fibre de résine sous le cuir à l’avant pour s’assurer que cette zone ne s’affaisse pas avec le temps.
Les lacets cassent ? On a pris un modèle en polyester (recyclé), plus résistant que des lacets en coton.
La languette glisse ? On y a ajouté un passant pour que les lacets la maintienne en place.
La doublure se troue au niveau du tendon d’Achille ? Un empiècement en cuir retourné renforce la zone (et évite que votre talon ne glisse).
Le contrefort arrière s’abîme ? C’est souvent parce que les gens ont la flemme de défaire les lacets quand ils enfilent ou enlèvent les baskets. Alors pour qu’ils glissent mieux, on a mis des oeillets aux passants (et on a trempé ces oeillets dans un bain spécial pour éviter qu’ils ne décolorent comme sur nos premiers prototypes)
Testées en conditions réelles
Même si on y a mis que des bons ingrédients, un plat peut être immangeable… La seule manière de s’assurer que ces baskets soient vraiment bien, c’est de les tester en conditions réelles. Ça fait presque un an que chez Loom, on porte les différents prototypes quasiment tous les jours. On en a même distribué quelques paires à des testeurs (vous pouvez même lire ici les retours détaillés de l’une d’entre eux ici) pour être sûr que notre avis n’est pas biaisé.
Avec ce recul, on peut vous dire que nos baskets sont parmi les plus confortables et les plus résistantes qu’on ait jamais portées. Pour être francs, il n’y a qu’un seul défaut qu’on n’a pas réussi à résoudre : le blanc, c’est salissant. Alors oui, il faut les entretenir régulièrement. On a fait le test avec un de nos prototypes et vous verrez que si vous y consacrez une demi-heure de temps en temps, vous pourrez faire croire à tout le monde qu’elles sont neuves (retrouvez d’ailleurs nos conseils d’entretien ici).
Mise à jour janvier 2021 : Et si vraiment le blanc ce n'est pas possible pour vous, les baskets existent maintenant en noir.
Pour tous les pieds
Comme on voulait que ces baskets aillent au plus de monde possible, elles sont unisexe et les pointures vont du au 57 au 47 (si on voulait faire au-delà, il aurait fallu faire développer un nouveau moule et, économiquement, on ne peut pas encore se le permettre).
Combien ça coûte ?
Pour fabriquer au Portugal une basket de ce niveau, il faut y mettre le prix : elles coûtent 49€ à produire. Pour vous donner un point de comparaison, une paire de baskets de grande marque type Stan Smith, c’est acheté en Chine aux alentours de 5 à 10€. Bref, pour pouvoir fabriquer ces baskets, payer les frais logistiques, d’expédition, la TVA, nourrir nos enfants et animaux de compagnie, le prix minimum qu’on puisse la vendre, c’est 115€ (comme d’habitude, livraison incluse et retours / échanges à notre charge).
La prévente est ouverte
OUI ON SAIT, on vous avait dit qu’on ne ferait plus jamais de préventes . Mais entre temps le Covid-19 est passé par là et on doit faire bien attention à comment on gère notre argent et nos stocks. En plus, comme c’est une toute nouvelle catégorie de produit pour nous, on a aucune idée de la quantité que vous allez nous commander ni de la répartition de tailles… Alors on préfère d’abord vous demander et fabriquer en fonction.
La pré-commande commence dès maintenant et se terminera dimanche 14 juin à minuit. Et on vous livrera … début novembre. OUI ON SAIT C’EST MEGA LONG7.
Plus sérieusement, le Covid a bouleversé beaucoup de choses chez nos fournisseurs. La bonne nouvelle, c’est que celui qui fabrique nos chaussures a son carnet de commandes bien rempli : en ce moment, ceux qui produisent bien et localement ont le vent en poupe. La moins bonne nouvelle, c’est que si on ne veut sacrifier ni la santé des gens qui travaillent dans son usine, ni la qualité de nos baskets, il faut accepter d’attendre 5 mois. Mais à choisir, on préfère toujours faire bien que faire vite, et on sait que vous le comprenez.
Mise à jour janvier 2022 : Ces baskets sont dorénavant accessibles en vente directe.
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Sources des notes :
L'étude d’EcoTlc qui dit que “La réalité du recyclage des chaussures usagées est assez crue : il n’y a pas (ou si peu) de solutions de valorisation" est disponible ici.
L'étude de 2017 menée auprès de 60 podologues, dont 83% d'entre eux conseillent un talon de 2 à 4 cm est disponible ici.
Notes
1 Et pour les initiés : oui, on a testé une Margom, et oui la Bolflex est meilleure même si les résultats nous montrent que ce sont deux très bonnes semelles.
2 C'est ce qu'on appelle recyclage pre-consumer. En gros, ils récupèrent les semelles défectueuses ou non conformes et ils les refondent pour en faire de nouvelles. Par rapport à un recyclage post-consumer, la qualité est meilleure car la matière première est bien plus homogène.
3 On n'a trouvé aucune étude qui objectifie ce résultat, nous répétons donc ce que les fournisseurs nous ont dit. Nous creuserons ce sujet à l'avenir.
4 Il y a tellement de formes de pied différentes, qu’une basket ne sera jamais confortable pour 100% de la population. Mais un bon formier sait faire une forme qui soit confortable pour le plus grand nombre.
5 Le sujet du dénivelé sur les chaussures (on appelle ça aussi le "drop") est très débattu chez les podologues. Mais selon cette étude de 2017 sur 60 podologues, 83% d'entre eux conseillaient un talon de 2 à 4 cm.
6 C'est un montage similaire aux fameux cousus Blake ou Goodyear des chaussures de ville (où la semelle est entièrement cousue sous la chaussure), mais adaptés aux baskets (où la semelle remonte légèrement sur les côtés).
7 Mais la deuxième saison de Baron Noir a mis aussi trois plombes à sortir, et pourtant ça valait le coup d’attendre, non ?
This article was originally written in French and has been translated into English mainly with AI (which is why sometimes you may see images with French text in them). We apologize in advance for any awkward phrasing. You can write to us at hello@loom.fr to help us improve these translations.
Dans notre précédent article, on évoquait la "prime au vice" ou l'idée qu'une entreprise qui pollue sera plus facilement rentable qu'une entreprise qui fait attention. Oui : contrairement à ce qu'on pourrait croire, être une entreprise écolo, avec les lois d'aujourd'hui, ce n'est pas bon pour le business. Pour expliquer ce phénomène de manière la plus simple possible, on a fait cette BD.
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