Décryptage
Nos analyses pour comprendre les dessous de l'industrie de la mode
Devinette : que représente le graphe ci-dessous ?
La fréquentation des boîtes de nuit des 24 derniers mois ? Les ventes de pantacourts depuis 1990 ? La popularité de François Fillon sur la même période ?
C’est la courbe des émissions de gaz à effet de serre qu’on doit suivre si on veut espérer rester sous les deux degrés de réchauffement climatique et conserver une planète à peu près vivable d’ici la fin du siècle (et accessoirement respecter l’accord de Paris de 2015 sur le climat).
Autrement dit, on doit diviser nos émissions par 3 en 30 ans. C’est beaucoup. Et surtout, si on n’y arrive pas, ça risque de faire très, très mal :
L’industrie textile représente entre 4 et 8% des émissions de gaz à effet de serre de la planète : si elle veut faire sa part du boulot, elle doit au moins diviser par trois ses émissions, en l’espace d’une génération (c’est une façon un peu simplifiée de voire les choses, mais ça sera notre hypothèse pour cet article).
Et à première vue, les marques de vêtements sont sur le pied de guerre pour relever le défi.
Lors du dernier G7, une coalition mondiale d’entreprises du textile s’est rassemblée sous le nom de Fashion Pact. Elles ont notamment signé une série d’engagements pour réduire leurs émissions de CO2. Bonne nouvelle ? Quand on regarde de près, on s’aperçoit que ces engagements reposent essentiellement sur deux formes d’actions :
1/ Elles choisissent des matières dites éco-responsables : lyocell, coton recyclé, lin, polyester recyclé… en estimant qu’elles émettent moins de CO2.
2/ Elles diminuent les émissions liées à leur fonctionnement interne, notamment en passant aux énergies renouvelables ou en passant aux ampoules LEDs dans leurs bureaux ou leurs magasins.
A votre avis, est-ce que ces deux actions vont permettre de diviser par trois les émissions du secteur de la mode en une génération ?
Ça serait super. Mais non.
Parce que la plupart des émissions de l’industrie textile ne dépendent ni des matières utilisées, ni de l’éclairage des bureaux ou des magasins.
Pour comprendre d’où viennent les gaz à effet de serre du textile, il faut faire un peu de physique (promis, c’est facile à comprendre même si vous n’avez pas touché à un bec Bunsen depuis la 4ème).
Les émissions de gaz à effet de serre du textile viennent en grande partie de quelque chose que vous ne voyez jamais : l’énergie consommée par les machines qui transforment la matière première (que ce soit du coton, du lin, du tencel ou du polyester) en vêtements.
C’est le moment de faire un peu de “factory porn” :
Etc, etc.
Toutes ces très grosses machines consomment beaucoup, beaucoup d’électricité. Et elles sont souvent situées en Asie, où l’électricité est produite par des centrales à charbon ou à gaz – des énergies fossiles qui émettent des gaz à effet de serre par combustion. Alors ça finit par compter pour beaucoup dans le CO2 émis par un vêtement :
En focalisant leurs efforts sur les matières premières ou leur réseau de magasins, les marques se trompent de combat : ce n’est absolument pas comme ça qu’elles parviendront à diviser leurs émissions de CO2 par trois en 30 ans. Dans un scénario ultra-ultra-optimiste, où on estime que les matières premières éco-responsables sont produites sans aucune émission de CO2 (ce qui n’est pas le cas) et que les volumes de production arrêtent d’augmenter (ce qui n’est pas le cas non plus), voici la trajectoire des émissions de CO2 qu’on pourrait au mieux espérer :
Bref, le véritable moyen d’éviter la catastrophe, c’est de faire en sorte que les machines textiles réduisent drastiquement leurs émissions. Comment faire ?
Des éoliennes, des panneaux solaires… Problème : sur les 30 dernières années, depuis qu’on commence à s’agiter pour le climat, la part d’énergies fossiles consommée pour produire de l’électricité n’a presque pas bougé…
Bref, nos fringues sont encore et toujours fabriquées grâce au charbon et au gaz. Il y a quand même une raison d’être optimiste pour l’avenir, notamment parce que les coûts des énergies renouvelables ont tellement baissé qu’elles commencent depuis quelques années à être compétitives face aux énergies fossiles. Mais pour avoir des coûts aussi bas, cela suppose qu’on garde une bonne part d’énergies fossiles ou nucléaires pour avoir de l’électricité sans intermittence (eh oui, il n’y a pas de soleil ou de vent 24h/24 7j/7). Donc de là à espérer une division par trois de l’utilisation des énergies fossiles dans les 30 prochaines années…
C’est vrai qu’il y a des pistes prometteuses, notamment dans les processus de teinture. On arrive désormais à construire des machines qui teignent les vêtements avec beaucoup moins d’eau, ce qui évite de porter de très grands volumes à haute température et donc consomme beaucoup moins d’énergie.
Pour les autres machines ? Ça paraît beaucoup plus compliqué. Pour diviser par 3 les émissions des machines en 30 ans, il faudrait augmenter leur rendement énergétique de 300%… Ce qui n’a quasiment aucune chance d’arriver. Pour vous donner une idée, le rendement énergétique des moteurs thermiques de voiture à essence a augmenté de 16% en 30 ans. Pour les avions, c’est à peu près pareil. Et pour les filatures ou les métiers à tisser, où il y a a priori beaucoup moins d’investissements de R&D, c’est difficile de penser qu’on puisse faire beaucoup mieux… Sans compter qu’on ne pourra pas changer l’ensemble du parc des machines existantes en un claquement de doigts.
Et puis (on aurait sans doute dû commencer par là), dans l’histoir...
L’amélioration de l’efficacité énergétique n’a presque JAMAIS permis de diminuer la consommation d’énergie comme prévu.
Parfois, elle l’a même augmentée. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond : améliorer les rendements des machines fait baisser les prix des produits et incite les gens à en acheter plus. Cet effet est présent, partout, tout le temps (et pourtant les politiques environnementales l’oublient presque toujours).
Quelques exemples historiques d’effets rebond :
Alors… Quelle dernière option nous reste-t-il pour diviser les émissions de CO2 par trois en 30 ans ?
Oui vous avez bien lu : si les marques ne veulent pas sacrifier le monde vivant, elles doivent nous vendre trois fois moins de vêtements qu’aujourd’hui.
Et c’est… exactement le contraire de ce qu’elles font.
Quand les marques martèlent qu’elles utilisent des matières plus “éco-responsables” sans rien faire d’autre, ça empire le problème (qu’elles en aient conscience ou non). En s’affichant comme “vertes” alors qu’elles ne travaillent que sur des choses secondaires, les marques endorment l’éco-anxiété des clients pour continuer à les faire acheter, voire les faire acheter plus.
Un panel de dix marques de prêt-à-porter attestait récemment que “l’éco-conception” permettait d’augmenter leur chiffre d’affaires de manière significative, de +7% à +18% (tout en réduisant les coûts de production). Eh oui : on consomme plus quand on nous détourne de nos émotions négatives. Dans cette étude, des chercheurs ont par exemple montré qu’on utilisait 20% en plus de papier cadeau quand on nous disait que les chutes allaient être recyclées… D’ailleurs, on le voit aussi dans la communication des marques – les arguments éco-responsables sont des alibis pour encourager les gens à acheter plus :
Parenthèse : pourquoi le recyclage c'est (parfois) de l'enfumage
Certaines marques évoquent le recyclage ou l’économie “circulaire” comme solution aux problèmes environnementaux, en installant par exemple des bornes de recyclage en magasin.
Certes, le recyclage a des avantages comme le fait de pouvoir produire des matières localement ou d’utiliser moins de matières vierges. Mais en termes de réduction des gaz à effet de serre, le recyclage n’aide que très peu. Et ce pour trois raisons :
1/ Aujourd’hui, seuls 1% de nos vêtements sont “recyclés”, c’est-à-dire transformés en vêtements neufs. Certes, les vêtements en bon état sont revendus en friperies, mais cela ne représente que 6% des volumes. Les autres vêtements ? Soit ils partent en Afrique (où beaucoup viennent juste grossir les décharges à ciel ouvert), soit ils sont “décyclés” en chiffons ou en textiles d’isolation.
2/ Admettons qu’on améliore suffisamment les technologies de recyclage et qu’on arrive à produire beaucoup plus de vêtements neufs à partir de vieux. Est-ce que ça réduirait nos émissions de gaz à effet de serre ? Quasiment pas. Le recyclage permet d’économiser de la matière, mais pas vraiment de l’énergie. Pour être fabriqué, un vêtement en fibres recyclées doit aussi passer à travers le même processus industriel de filature – teinture – tricotage/tissage – confection. Résultat : même si on se met dans une hypothèse où on arrive à multiplier par 40 le volume de vêtements recyclés (en passant donc à 40%, ce qui est méga optimiste), cela économiserait seulement 5.9% d’émissions carbone par rapport à aujourd’hui (or si vous suivez, l’objectif c’est de diviser par 3, soit de réduire de 66%…).
3/ Et encore, cette petite baisse des émissions carbone part du principe que les vêtements en fibres recyclées seront de même qualité que les autres, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. Pour les fibres naturelles comme le coton, les fibres recyclées sont plus courtes, donc les vêtements sont de moins bonne qualité que ceux faits avec des fibres vierges : ils boulochent plus, se déforment plus vite, etc. Donc à usage égal… il faudra en produire plus.
Au-delà des consommateurs, ce greenwashing paralyse l’action citoyenne et politique. Comme on a l’impression que les marques s’occupent du problème, on se dit que la situation est sous contrôle.
En fait, la plupart des efforts actuels des marques, comme travailler sur des nouvelles matières éco-responsables, promettre le recyclage des vêtements ou installer des ampoules basse consommation en magasin, laissent penser qu’on trouvera une solution technologique au problème climatique. Elles restent dans une logique de “croissance verte” qui les empêche de s’attaquer au vrai problème : comment sortir l’industrie textile de sa logique de surconsommation ? Cet écran de fumée nous fait perdre un temps précieux alors qu’il est urgent d’agir.
Alors, nous les marques, que devons-nous faire ?
Pour diminuer les volumes de vêtements produits chaque année, il faut nous attaquer aux causes directes de cette surconsommation.
La première chose à faire, c’est d’arrêter de centrer notre communication sur des mesures symboliques à faible impact écologique mais qui pourraient inciter les clients à acheter plus : polybags recyclés, emballage en kraft, matière éco-responsable, bornes de collectes de vêtements usagés en magasins etc.
Est-ce que ça veut dire que c’est mal d’appliquer ces mesures secondaires ? Qu’il faut utiliser plus de polyester et abandonner le lin ? Bien sûr que non. On doit continuer à avancer sur ces sujets d’éco-conception mais en ayant conscience que c’est insuffisant. Nous, les marques, nous devons d’abord nous concentrer sur les trois choses suivantes :
Alors oui, dans ces conditions, les entreprises seront amenées à fabriquer moins de vêtements. Et même si elles vendent ces vêtements un peu plus cher (le prix de la qualité et du local), elles feront sans doute moins de chiffre d’affaires. Est-ce un problème ? Pour leurs actionnaires, clairement. Pour les gens qui y travaillent ? Peut-être à court terme. Mais sur le long terme, c’est une excellente nouvelle pour l’emploi. Ces 30 dernières années, alors que le volume de vêtements vendus a explosé, le nombre d’emplois dans l’industrie textile en France s’est écroulé suite aux délocalisations, passant de 425 000 à seulement 100 000. Une chute qui dépasse de loin le nombre d’emplois créés par le commerce de détail de vêtements (+ 50 000 entre 1996 et 2010). Demain, si on arrive petit à petit à réindustrialiser le pays, cela pourrait créer des centaines de milliers de jobs locaux.
Comment faire pour que les marques changent ? Comme on l’a expliqué dans cet article ou cette conférence Ted, il faut qu’on arrête collectivement de ne rêver que de croissance, et qu’on développe une culture du “mieux” qui remplace celle du “plus”. Mais nous ne sommes pas naïfs : on ne peut pas miser notre avenir sur une révolution des consciences au sein des entreprises. D’ailleurs, on connaît plein de gens super dans des grosses marques de mode qui voudraient changer les choses mais qui n’y arrivent pas.
Le problème, c’est qu’il existe aujourd’hui une “prime au vice”, autrement dit un avantage économique à fabriquer mal et plus. Prenez une marque qui a délocalisé au Bangladesh dans des usines qui tournent aux centrales à charbon et rejettent ses déchets toxiques dans les rivières (une usine pas très cool, donc). Elle n’aura à payer aucun des coûts cachés de son comportement : ni le coût à long terme du réchauffement climatique, ni la dépollution des rivières, ni l’assurance chômage en France pour les gens sur le carreau. Par contre, une marque qui fabrique les mêmes produits mais en France, crée de l’emploi local et s’approvisionne uniquement en énergies renouvelables, paiera ses vêtements 10 fois plus cher et en vendra probablement 10 fois moins. Être une entreprise responsable, ça consiste souvent à faire beaucoup d’efforts qui, au final, sont un vrai désavantage par rapport aux concurrents. Un peu comme les coureurs non dopés du Tour de France : ils s’entraînent plus dur… pour aller moins vite.
Alors, comme sur le Tour, il faut se demander qui on a envie de laisser gagner. Et, ensuite, changer les règles du jeu.
On est sans doute un peu idéalistes, mais niveau législation, il y a plusieurs choses qui iraient, selon nous, dans le bon sens pour diviser par 3 le volume de vêtements vendus d’ici 2050 (ou si on se place à une échéance plus court terme, réduire le volume de 30% d’ici 10 ans)
[Actualisation de l’article de janvier 2022] Depuis l’écriture de cet article début 2021, beaucoup de chemin a été parcouru sur cette volonté de changer les lois dans l’industrie textile. Nous avons participé à la création d’En Mode Climat, une coalition de plus de 300 acteurs du textiles (marques, mais aussi usines, organismes, médias…) réunis pour faire un lobbying vertueux pour lutter contre le réchauffement climatique. Avec En Mode Climat, nous tentons de faire évoluer la réglementation dans le bon sens, notamment en ce qui concerne l’affichage environnemental ou la mise en place d’un bonus-malus qui pénalise la fast fashion et encourage les marques les plus vertueuses. Plus d’infos sur le site d’En Mode Climat.
C’est parfois un peu technique, alors on vous met toutes nos propositions dans l’encadré ci-dessous que vous pouvez lire si vous voulez creuser.
Il est crucial de poser les bons termes du débat au plus vite : dans quelques mois le gouvernement va modifier la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire de la filière textile (via le futur cahier des charges de la filière REP Textile). L’occasion de contraindre les marques à prendre de vraies mesures environnementales : bonus-malus dans le prix de vente, affichage environnemental, obligation de ré-emploi, etc.
Il ne nous semble pas normal qu’il soit aujourd’hui autorisé d’importer en France des vêtements fabriqués avec du travail forcé, à l’autre bout du monde, avec de l’électricité issue de centrales à charbon. Voici ce qu’on pourrait faire pour changer la donne :
Aujourd’hui, quand une marque met un vêtement sur le marché, elle paye une taxe qui peut être diminuée si ce vêtement est considéré comme plus solide ou issu de matières recyclées. C’est super sur le papier… Mais il faudrait :
Pour cela, l’ARPP (autorité de régulation de la publicité) ne doit plus être pilotée exclusivement par les entreprises mais inclure également des acteurs publics et/ou des ONG dans leurs gouvernance. De la même manière, il ne faut plus que les filières de « responsabilité élargie des producteurs » (comme Eco TLC / Refashion pour la mode) soient auto-régulées par les entreprises elles-mêmes. Tant que ces organismes ne sont composés que par les marques du secteur (et pas d’organismes publics ou ONG), leurs engagements ne seront jamais vraiment contraignants.E- Orienter les outils de financement public (PGE, prêt BPI, Crédit Impôt Recherche…) pour ne le verser qu’aux entreprises qui respectent certains critères (qualité des vêtements, incitations à la consommation, fabrication européenne…). Est-il normal que certaines marques qui fabriquent à l’autre bout du monde aient obtenu rapidement un PGE suite aux conséquences du Covid quand certaines industries textiles françaises l’attendent encore ?F- Soutenir la réparation et le reconditionnement des vêtements usagés. Plein de vêtements pourraient être réparés au lieu d’être simplement jetés. Le Crédit Impôt Collection (qui représente quand même 45 millions d’euros et qui finance les développements de nouveaux produits) pourrait être transformé en Crédit Impôt Ré-emploi pour financer la réparation des vêtements. Cela représente un gros potentiel de création d’emplois sur le territoire.
A ce stade, vous vous dites peut-être qu’on vous promet un monde un peu triste, où on se prive d’acheter, où des entreprises vont disparaître, où on sera tous habillés pareil en noir, en bleu et en gris.
C’est précisément le contraire.
Aujourd’hui, on ignore dans quelles conditions sont fabriqués nos vêtements et on se révolte des nombreux scandales de l’industrie textile, depuis les Ouïghours jusqu’au Rana Plaza. Demain, on pourrait recréer des centaines de milliers d’emplois dignes dans nos régions et savoir d’où viennent nos vêtements.
Aujourd’hui, une poignée de marques mondiales géantes étouffent les autres avec la course aux prix bas et uniformisent les goûts vestimentaires du monde entier. Demain, elles pourraient laisser la place à des milliers de marques, plus locales, plus réfléchies, plus créatives, qui créent moins de misère et d’inégalités.
Aujourd’hui, on passe nos samedis après-midis à acheter toujours plus de fringues alors que nos placards débordent déjà, dans des rues commerçantes où l’on retrouve inlassablement les mêmes magasins, qu’on soit à Saint-Malo, Brive, Paris ou Nancy. Demain, on pourrait retrouver le plaisir de faire des achats réfléchis. De s’habiller avec des vêtements plus beaux et plus résistants. De (faire) recoudre un bouton au lieu de jeter une chemise. De découvrir une boutique qu’on n’aurait jamais vu ailleurs.
Le temps presse : le gouvernement va modifier dans quelques mois la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire pour la filière textile, qui pourra contraindre les marques à agir. Pour l’instant, avec le Fashion Pact dont on parlait plus haut, beaucoup de marques ne poussent pas dans le bon sens. Il est donc très important que le gouvernement comprenne les enjeux et entende ces propositions.
Si on est seuls, ils ne nous écouteront pas. Mais s’ils sentent qu’on est des centaines, ils pourront peut-être tendre l’oreille. Alors si vous pensez aussi qu’il faut changer les lois pour en finir avec la surconsommation, inscrivez-vous ici pour que nous montions une coalition d’acteurs du textile et portions ce sujet devant le gouvernement.
Bon, vous l’avez deviné : si on doit diviser par 3 la production textile, il va falloir que chacun et chacune d’entre nous réduise d’autant nos achats de vêtements (c’est non négociable, désolé pour Cristina Cordula). Mais au delà des actions individuelles, vous avez d’autres pouvoirs. Les marques cherchent à vous toucher pour vendre leurs produits via les réseaux sociaux, vous pouvez donc vous aussi leur parler. Alors incitez-les à relocaliser, interpellez-les quand vous sentez qu’elles centrent leurs actions sur des mesures symboliques à faible impact écologique ou qu’elles poussent trop à la consommation (on a créé un compte Insta sur ce sujet). Les marques devraient avoir honte d’inciter à consommer et être fières de faire les choses bien. Et tant que la loi ne les y oblige pas, c’est la pression sociale qui doit être le moteur du changement.
Et s’il vous reste de l’énergie, vous pouvez aussi interpeller les « informateurs » de la mode (apps de notation, médias, blogs de mode éthique, annuaires, comptes insta qui recensent les marques éthiques etc.) : ces entités ont un grand pouvoir d’influence aussi bien sur les individus que les marques, il est aussi crucial qu’elles ouvrent les yeux sur les critères qui comptent vraiment.
Ensemble, on changera les règles du jeu.
Article écrit par Guillaume Declair
Qui on est pour dire ça ?
Vous êtes sur La Mode à l’Envers, un blog tenu par la marque de vêtements Loom. L’industrie textile file un mauvais coton et c’est la planète qui paye les pots cassés. Alors tout ce qu’on comprend sur le secteur, on essaye de vous l’expliquer ici. Parce que fabriquer des vêtements durables, c’est bien, mais dévoiler, partager ou inspirer, c’est encore plus puissant.
On ne fait jamais de pub : si vous aimez ce qu’on écrit et que vous en voulez encore, abonnez-vous à notre newsletter en cliquant ici. Promis, on vous écrira maximum une fois par mois.
A peine arrivée sur leur site, je suis déjà assaillie de dark patterns :
Mauvaise note aussi dans les conditions générales de vente du site : la société qui gère cette marque est basée au 66 avenue des Champs Elysées : une agence de domiciliation de sièges sociaux. Concrètement, ce n’est pas la preuve qu’il s’agit d’une escroquerie, en revanche je ne comprends pas pourquoi une entreprise ne veut pas donner à ses clients sa vraie adresse (si vous pouvez m’éclairer là-dessus…)
Edit : J'ai eu la réponse sur la domiciliation de la société commercialisant les Gargouilles (merci Florence)
La domiciliation est très intéressante pour les entreprises qui :
* changent régulièrement de locaux : elle permet aux entreprises de ne pas modifier leurs statuts tous les 4 matins (et de ne pas payer pour ça),
* sont basées dans des copropriétés qui refusent qu'un appartement devienne le siège d'une société,
* ne souhaitent pas payer la cotisation foncière des entreprises de leur ville : la CFE de Paris est la moins chère de France.
La domiciliation des Gargouilles aux Champs Elysées est donc compréhensible.
En cherchant rapidement j’ai aussi trouvé 3 concurrents qui vendent exactement le même produit :
Et sur Aliexpress, on retrouve ces mêmes balles à 1€.
Alors certes la société qui vend les Gargouilles ne fait pas de drop shipping car le stock des Gargouilles est situé en France (comme le prouve la livraison en moins de 3 jours) et la marque a créé son propre emballage pour le produit. Mais à 35€ sur les Gargouilles et 1€ sur AliExpress, ça fait cher l’emballage, non ?
Vous vous dites peut-être que je suis mauvaise langue, que la différence de prix c’est sans doute parce que le produit est fabriqué en France. C’est vrai, il y a une probabilité… que j’évaluerais à 0,0001% : de notre expérience, quand les marques n’indiquent pas le lieu de fabrication, c’est que le pays ne fait pas sexy sur l’étiquette.
Bon, bon peut-être que c’est fait en Chine et que c’est vendu un peu cher. Mais après tout, si ça lave le linge plus écologiquement, c’est toujours ça de pris non ? C’est vrai. Encore faut-il que ces Gargouilles lavent vraiment le linge. Et c’est ce que j’ai voulu vérifier.
Quelques recherches m’ont menées à une étude menée en 2009 par QueChoisir qui démontre l'inefficacité des balles de lavage, qui sont, d’après cette étude, aussi efficaces qu’un lavage à l’eau chaude sans détergent. Leurs tests ont été repris ici par FRC Mieux choisir, le magazine de la Fédération romande des consommateurs.
Oui mais Que Choisir, est-ce qu’ils ne seraient pas à la botte des lobbies des lessives ? Ça serait très surprenant, vu que l’asso a, par le passé, fait la guerre aux phosphates dans les lessives et aux parfums toxiques des désodorisants d'intérieur selon Wikipédia.
Mais si ça se trouve, ils se trompent chez Que Choisir? Même si c’est leur job de faire des tests, c’est possible. Alors j’ai décidé de vérifier par moi-même.
J’ai fait le test sur un torchon taché par les 3 types de tâches qui existent : les taches grasses (huile d’olive), les taches enzymatiques (chocolat noir fondu) et les taches oxydables (du vin rouge) (cliquez ici pour voir les photos des torchons avant lavage - glop).
J’ai comparé les Gargouilles à un lavage uniquement à l’eau (donc en n'ajoutant aucun produit dans ma machine), à une lessive liquide conventionnelle (Persil au savon de Marseille) et à la lessive écologique Mutyne (que j'ai découvert il y a quelques mois et que j'aime beaucoup car : 1- grâce à elle mon linge sent très bon contrairement à toutes les lessives écologiques que j'ai testées auparavant et 2- j'apprécie leur démarche car ils ont réfléchi au meilleur compromis entre écologie, efficacité et simplicité).
Résultat : globalement après un lavage à cycle normal, à 30°C, les tâches sont loin d'être parties sur mes 4 torchons. La lessive standard et la lessive écologique s'en sont mieux sorties que les Gargouilles (cliquez sur chaque photo pour l'agrandir). Je ne vois pas de différence entre le torchon lavé avec les Gargouilles et le torchon lavé sans produit.
Ces résultats sont confirmés par l'excellente vidéo de Radio Canada qui quantifie très scientifiquement la performance des différentes techniques de lavage n'hésitez pas à y jeter un coup d'oeil :-)
Le résultat est sans appel : d'après mon test
Les Gargouilles sont aussi efficaces que le lavage à l’eau.
Alors, quand je vois que sur la page principale du site, les Gargouilles sont décrites comme étant “saines”, “écologiques” et “efficaces”, j’ai l’impression qu’on me prend pour une pigeonne :
Voilà, si vous lisez cet article, nous vous invitons à ne pas acheter de balles de lavage d’aucune marque que ce soit. Si vous cherchez à laver vos vêtements avec moins d'impact sur l'environnement, lisez d'abord ces conseils d'entretien.
Grâce aux Gargouilles, on aura quand même appris une chose : laver à l’eau, ça marche aussi. Du coup, si vous souhaitez juste rafraîchir votre linge qui n’est pas taché, vous pouvez tout à fait le laver en machine sans produit d’entretien.
P.S. : J’ai aussi commandé la balle de lavage trouvée à 1€ sur AliExpress. Je ne l’ai pour le moment pas reçue (un mois après l'achat), mais je ne perds pas espoir, c’est visiblement un délai normal de livraison via ce site. Je ne manquerai pas de vous tenir informés dès que je l’aurai reçue.
Edit le 21/04/2021 : ma première commande ayant été égarée par le transporteur, j'ai repassé commande et cette deuxième commande s'est de nouveau perdue en chemin... je lâche donc l'affaire mais si vous avez commandé une balle de lavage chez AliExpress (et que vous l'avez reçue) n'hésitez pas à m'envoyer une photo.
P.P.S. : Et si vous vous demandez comment faire partir les taches de vin, de chocolat, ou d’huile, je vous conseille :
Si jamais le résultat n’est pas parfait, vous pouvez tremper votre vêtement dans un bassine avec de l’eau très chaude et du bicarbonate de soude (ou du percarbonate de soude si votre vêtement est blanc). La technique est détaillée ici.
Qui suis-je pour parler d'entretien de vos vêtements ?
Je m’appelle Claire et je suis en charge de suivre la production chez Loom. En gros, j’essaye d’éviter les ruptures de stock sur notre site et je m’assure tout au long des étapes de fabrication que les vêtements sont conformes à nos exigences de qualité. En plus de ça, je suis passionnée par tout ce qui permet d’allonger la durée de vie de nos vêtements : entretien, réparation et autres astuces de grand-mère. J’aime donner des “petits suppléments d'âme” aux vêtements, les retravailler, les réparer, leur redonner une chance quand plus personne ne veut d’eux. Sur ces pages, j'essaierai de vous transmettre ce que je sais et qui pourrait vous être utile.Dernière chose : toutes les astuces que vous trouverez sur ce site, je les ai vraiment testées et je me suis assurée personnellement qu’elles marchent (en d’autres termes, ce n’est pas un copié-collé de recherches sur internet). Si vous en avez des nouvelles à me suggérer, n’hésitez pas à laisser un commentaire en dessous de cet article.
Quand on demande l'avis de nos clients après un an de port, un des premiers problèmes qui remonte, c'est que les vêtements blancs (surtout les t-shirts et les chemises) jaunissent ou grisent avec le temps. Les raisons de cet effet peuvent être multiples : couleurs qui dégorgent dans la machine, transpiration, taches de sauce tomate …
Le jaunissement, ce n’est pas une histoire de qualité de vêtement - c'est une histoire d’entretien. Pour éviter que vos vêtements ne jaunissent, il y a une chose qui marche : laver le blanc séparément. Je sais, c'est embêtant, parce que du coup vous attendez des semaines que votre panière à linge soit remplie pour pouvoir faire une lessive de blanc. Néanmoins c’est ce qui fonctionne le mieux. Normal : les vêtements qui ternissent c’est parce qu’ils absorbent la teinture des autres vêtements de la machine. Alors si vous ne les lavez qu’avec des vêtements blancs qui ne déteignent pas...Bon mais j’imagine que c’est trop tard et que vous souhaitez que votre vêtement redevienne blanc comme presque-neige. Bonne nouvelle, il y a une astuce qui fonctionne pour le coton, le tencel, le lin et les tissus synthétiques (mais pas pour la laine ni la soie) et qui :
Et cette astuce s’appelle :
Le percarbonate de soude, c’est une poudre blanche, inodore composée de carbonate de sodium (ou cristaux de soude) et de peroxyde d’hydrogène :
Je vous conseille celui de la marque La droguerie écologique, parce que je le trouve dans n'importe quel magasin bio, parce qu'il est vendu dans un simple emballage en kraft, parce qu'il est fait en Europe, mais surtout parce qu'il n'est pas cher : 5€ le kilo.⚠ Attention, contrairement au bicarbonate de soude, le percarbonate de soude est un produit potentiellement irritant, donc à manipuler avec précaution. Quand vous l’utilisez, on vous conseille de mettre des gants de protection et d’ouvrir la fenêtre pour aérer la pièce.
Clément (de l’équipe Loom) avait chez lui deux t-shirts Loom d'une ancienne génération qu'il ne mettait plus parce qu'il les trouvait trop grisés.
Qui suis-je pour parler d'entretien de vos vêtements ?
Je m’appelle Claire et je suis en charge de suivre la production chez Loom. En gros, j’essaye d’éviter les ruptures de stock sur notre site et je m’assure tout au long des étapes de fabrication que les vêtements sont conformes à nos exigences de qualité. En plus de ça, je suis passionnée par tout ce qui permet d’allonger la durée de vie de nos vêtements : entretien, réparation et autres astuces de grand-mère. J’aime donner des “petits suppléments d'âme” aux vêtements, les retravailler, les réparer, leur redonner une chance quand plus personne ne veut d’eux. Sur ces pages, j'essaierai de vous transmettre ce que je sais et qui pourrait vous être utile.Dernière chose : toutes les astuces que vous trouverez sur ce site, je les ai vraiment testées et je me suis assurée personnellement qu’elles marchent (en d’autres termes, ce n’est pas un copié-collé de recherches sur internet). Si vous en avez des nouvelles à me suggérer, n’hésitez pas à laisser un commentaire en dessous de cet article.
Cet article est la traduction en BD de notre article « Ne tombez pas dans le piège des dark patterns ».
Retrouvez l'article original ici.
Illustrations par Rachel Suming.
Qui on est pour dire ça ?
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Si vous aimez ce qu’on écrit et que vous en voulez encore, abonnez-vous à notre newsletter en cliquant ici. Promis : on écrit peu et on ne spamme jamais.
Quand on a commencé à travailler sur notre boxer, en mars 2018, on était jeunes et insouciants. Ce qu’on ne savait pas à l’époque, c’est que cette recherche durerait... plus de deux ans et demi.
Comme d’habitude, pour commencer notre recherche, on vous a envoyé un questionnaire et vous avez été plus de 300 à y répondre.
Après plusieurs heures de travail, notre data analyst spécialisé en blockchain et machine learning tirait la conclusion suivante :
Puis, après retravail :
On avait notre cahier des charges : on voulait faire un boxer qui ne se détende pas, qui ne fasse pas de trous à l’entrejambe, avec un élastique solide.
On ne pouvait pas s’embarquer seuls dans l’aventure, il nous fallait un compagnon de cordée : une usine qui soit prête à travailler sur ce projet avec nous.
Mais n’en déplaise à nos parents, nous étions (et sommes) encore une toute petite marque avec de tout petits volumes… Alors forcément, quand on contacte les usines pour faire un projet compliqué, ça donne ça :
Heureusement, après quelques temps, on a fini par trouver quelqu’un au Portugal qui a accepté notre projet – sans se douter qu’il en prenait pour plus de deux ans.
Un tissu finit presque toujours par se détendre quand on le porte, surtout quand c’est de la maille un peu élastique… Techniquement, on dit qu’il “poche”. Et pour les boxers, qu’on étire toute la journée en marchant, ça peut devenir particulièrement embêtant.
Pour minimiser cette déformation, on a décidé de jouer sur deux tableaux :
Mais avant de choisir un tissu, il fallait aussi résoudre le deuxième problème que vous nous aviez remonté. Et ça nous pris beaucoup de temps.
Quand vous marchez toute la journée avec un boxer, vos cuisses frottent l’une contre l’autre en permanence… Et au bout d’un certain temps, il finit par y avoir des trous. La seule manière de les éviter, c’est d’augmenter la résistance à l’abrasion du tissu. Mais elle dépend de plein de facteurs : longueur des fibres de coton, finesse du fil, densité de la matière…
Alors pour être sûr de ne pas se planter, le mieux c’est prendre un tissu qu’on sait résistant, puis de le comparer à d’autres sur une machine comme ça :
Le truc, c’est qu’on a commencé ce travail avec un sacré handicap : notre fil de coton devait être bio (si vous vous demandez encore pourquoi, lisez notre article sur le sujet). Or, trouver un fil de coton bio de qualité, avec une fibre suffisamment longue et résistante, c’est loin d’être évident.
Alors forcément, le premier tissu bio qu’on a testé n’était pas à la hauteur :
C’est alors qu’on nous a parlé d’un fil supposé incroyable, d’un coton non seulement bio, mais en plus d’une qualité exceptionnelle : le coton égyptien de Gizeh, habituellement réservé au marché du luxe. Sa particularité : des fibres très longues (plus de 3,6 cm quand la moyenne est de 2,5 cm) pour la résistance et très fines pour la douceur. Avec ce coton, on était à peu près certain qu’on allait casser la baraque… Alors on a fait produire un rouleau de 50 mètres, la quantité minimum.
Sauf que les tests ont donné ça :
Moins bien que le premier ! C’est en analysant les résultats qu’on a compris notre erreur : les fibres de ce coton égyptien sont si longues et fines qu’elles permettent de faire des fils très fins… Et le fil qu’on a choisi l’était beaucoup trop. Fin de l’histoire ?
Au contraire : cette finesse s’est transformée en avantage. Avec un fil fin comme ça, il est possible d’en prendre deux et les retordre l’un sur l’autre en “double-retors”. Ce côté “câblé” lui donne une solidité bien supérieure, tout en maintenant le même niveau de douceur !
On a donc décidé de refaire produire un rouleau de 50 mètres en double-retors, puis de relancer un test. Puis on a demandé à notre laboratoire de nous envoyer les échantillons testés par courrier. Résultat en image :
Certes, le premier vrai trou est apparu 5000 cycles plus tôt sur le Loom, mais sans s’affiner du tout avant et sans laisser apparaître aucune transparence. Autrement dit, il reste portable beaucoup plus longtemps.
Bref : bingo ! On avait un tissu :
Vous le savez probablement : en France, on a énormément délocalisé notre industrie textile depuis les années 80 et perdu beaucoup de savoirs-faire. Mais ce qu’on sait parfois moins, c’est qu’on a aussi su se ré-inventer et se développer sur le textile technique (on est le 4e pays producteur mondial !).
Donc pour cette ceinture, pas question d’aller voir ailleurs : nous sommes allés chez Berthéas, une entreprise française basée dans la Loire et spécialiste des rubans élastiques (notamment pour le secteur médical). On leur a demandé une ceinture résistante, pourvu qu’elle soit douce.
Ils nous ont proposé un fil de polyamide texturé par jet d’air pour reproduire le côté duveteux du coton. Pour s'assurer de la résistance, on a simulé un vieillissement accéléré de la ceinture en l’enfermant pendant un mois là-dedans :
Résultat avec les mots poétiques de notre laboratoire : “il n'a pas été constaté d'altération de la ceinture élastique à l'issue du vieillissement”.
Re-Bingo.
On avait la matière du boxer et un bon élastique, il fallait maintenant passer à la confection.
Pour décider comment assembler ce boxer, vos réponses nous ont bien aidé :
Sur le papier, notre boxer n’avait pas l’air mal. Mais l’expérience nous a montré que rien ne remplace un test en conditions réelles. Pour les baskets, c’est nous (l’équipe Loom) qui les avions portées non-stop pendant plus d’un an. Pour le boxer, on a voulu voir les choses en plus grand. On a proposé à nos actionnaires de tester la V0 de notre boxer.
Sauf que voilà : des actionnaires, on en a 600 et des boxer génération 0, on en avait 70. Donc ce qui devait arriver arriva :
Après quelques semaines d’utilisation, on leur a demandé leur avis. Et visiblement, ils en étaient plutôt contents :
Oui, mais cette prévente, c’était surtout pour comprendre ce qu’on pouvait améliorer. Voilà les problèmes qui ont été remontés :
1/ La ceinture élastique finit par s’enrouler sur elle-même dans la journée.
On s’est rendu compte qu’elle manquait en effet de rigidité. Notre fournisseur nous a proposé d’y intégrer une proportion de polyester, plus rigide que son cousin le polyamide. Problème résolu.
2/ La couture arrière est un peu gênante.
Oui, c’était la seule qui n’était pas plate. Maintenant, elle l’est.
3/ Des peluches se déposent sur le corps à la première utilisation.
On a demandé à notre usine de désormais prélaver les boxers – sur l’envers.
4/ Il n’est pas très fun.
Désolé, mais...
5/ Il brille un peu
C’est vrai qu’il brille un peu avant les 2 ou 3 premiers lavages, mais c’est aussi pour ça qu’il est doux. Comme les fils sont très fins, le tissu reflète particulièrement la lumière. En fait, c’est même un gage de grande qualité (comme pour notre pull en coton qui est fait du même fil). Tiens, vous savez ce qui ne brille pas ? Ça :
Au final, notre boxer est :
Ce boxer, on le vend 18€. On le sait, c’est bien plus cher que les boxers de fast fashion, vendus 5€, voire moins. Normal : il nous coûte 5 à 10 fois plus cher à produire. Et c’est lié à deux choses :
1/ Le pays de confection. Les boxers de fast fashion sont fabriqués dans des pays où le salaire minimum ne suffit pas à couvrir le salaire vital des ouvrières et où la loi ne protège pas suffisamment l’environnement et les conditions de travail – le scandale actuel des travailleurs Ouïghours est encore là pour nous le rappeler. Au Portugal et en France, aucune usine ne peut rejeter impunément des produits chimiques dans une rivière, les horaires de travail sont encadrés et les salaires minimums permettent de couvrir les besoins fondamentaux des ouvrières.
2/ La matière. Notre tissu est en coton bio ET de grande qualité, ce qui est extrêmement rare et fait s’envoler les prix. Pour vous donner une idée, le coton conventionnel (ça veut dire "qui utilise des pesticides") de bonne qualité (c'est à dire avec des fibres longues) c'est 2 à 3% de la production mondiale… Et comme le bio représente 0,5% des surfaces cultivées, ça veut dire qu'en théorie, le coton bio de bonne qualité représente 2%*0,5% = 0,01% de la production mondiale !
Au final, ce boxer nous coûte 8 euros en sortie d’usine, auxquels il faut rajouter les coûts de logistique, de livraison, la recherche et développement et la TVA. Si vous êtes un peu du métier, vous vous étonnerez peut-être que notre marge soit aussi faible. C’est vrai que ce n’est pas énorme pour couvrir deux années de tests et de développement. Mais on peut se le permettre car :
Alors si vos boxers sont troués et que vous n’en trouvez pas à votre goût en friperie, découvrez le nôtre ici.
Mise à jour Avril 2022 :
Qui on est pour dire ça ?
Vous êtes sur La Mode à l’Envers, un blog tenu par la marque de vêtements Loom. L'industrie textile file un mauvais coton et c'est la planète qui paye les pots cassés. Alors tout ce qu’on comprend sur le secteur, on essaye de vous l’expliquer ici. Parce que fabriquer des vêtements durables, c’est bien, mais dévoiler, partager ou inspirer, c’est encore plus puissant.
Si vous aimez ce qu’on écrit et que vous en voulez encore, abonnez-vous à notre newsletter en cliquant ici. Promis : on écrit peu et on ne spamme jamais.
La première génération de notre ceinture, on l’a sortie en 2016 et on pensait vraiment avoir tout bien fait : cuir italien pleine fleur à tannage végétal, boucle italienne en Zamak (un alliage très solide de zinc, d'aluminium, de magnésium et de cuivre), fabriquée en Bretagne. C’est en demandant aux personnes qui l’avaient achetée ce qu'on pouvait améliorer qu’on est redescendu sur terre : sur certaines pièces, le cuir de notre ceinture se décollait au milieu.
Bien entendu, on a remboursé/offert une nouvelle ceinture à toutes les personnes qui nous ont remonté ce problème1. On a aussi arrêté de la vendre jusqu'à l'avoir "réparée", en rajoutant une surpiqûre qui empêche le décollement.
Cela nous a permis de limiter la casse mais au final cette histoire nous a coûté cher :
C’est aussi à cette époque qu’on a compris 2 choses. 1/ on ne peut pas faire aveuglément confiance à nos fournisseurs. 2/ les tests (en laboratoire et en conditions réelles), c’est vraiment hyper important. À partir de cette mésaventure, on a mis en place un process de tests et de contrôles qualité systématiques, process qu’on continue à améliorer chaque jour.
Bref, un an plus tard, en 2017, pour le développement de la deuxième génération de notre ceinture, on pensait VRAIMENT avoir tout fait comme il faut : cuir pleine fleur à tannage végétal, boucle en Zamak, rivets métalliques, made in France, et une seule couche de cuir pour éviter tout décollement. Ah et aussi, on avait fait tester la résistance du cuir en labo et les résultats étaient tellement bons qu’on s’est dit : cette fois c’est la bonne, cette ceinture, on peut la garantir 10 ans.
A ce jour, personne n’a encore fait jouer sa garantie : la deuxième génération de notre ceinture tient bien le coup. Et la note que lui donnent les clients est tout à fait honorable :
Sauf que quelques mois après le lancement de cette ceinture :
Là encore, on demande des explications à notre usine, qui nous adresse cette réponse :
Il était donc temps de :
1- Changer d'usine.
2- Se mettre en quête d'une boucle vraiment inusable.
Cette nouvelle recherche, elle a commencé en août 2018 et a duré un an. On a posé des questions à une dizaine de fournisseurs sur ce qui fait la durabilité des boucles sans jamais trouver d’explications satisfaisantes. Certains nous parlaient du Zamak comme le top de la qualité, d'autres nous vantaient le laiton comme étant le plus résistant, d’autres encore nous affirmaient que c’était pareil. Bref, impossible de démêler le vrai du faux. On était un peu en train de lâcher l’affaire quand soudain :
Cette cliente Anne s’est révélée être une mine d’or d’informations :
En deux heures au téléphone avec elle, on venait de comprendre ce qu’on avait passé un an à chercher : une boucle qui résiste, ce n’est ni une boucle en Zamak ni en laiton : c’est une boucle en acier inoxydable (inox pour les intimes).
L’explication scientifique : le Zamak ou le laiton s’oxydent avec le temps et ternissent. On doit donc y ajouter une finition, comme par exemple un plaquage de nickel qui donne une couleur argentée et une protection contre l'oxydation. Par-dessus cela, on rajoute un vernis à cause des potentielles allergies au nickel. Mais si cette finition est un tout petit peu attaquée par des chocs, des frottements ou la transpiration de nos mains, l’oxygène de l’air entre en contact avec le métal en-dessous et l’oxydation commence.
Mais l'inox, lui, est inoxydable : pas besoin d’appliquer de finition. C’est le métal brut qui est moulé à la forme de la boucle, puis poli – aucun risque d'avoir une finition qui s’écaille. Et pour éviter tout risque de réactions allergiques, on a choisi de l’acier inoxydable qualité 316L (le même qui est utilisé pour les montres haut de gamme).
Ça c'est pour la théorie. Mais comme vous l'avez compris, maintenant on préfère vérifier systématiquement par nous-mêmes. On a lancé un test de quatre boucles différents en vieillissement accéléré en laboratoire : une en inox, une en laiton, une en Zamak d’une marque dite “haut de gamme” et notre ancienne boucle en Zamak.
Les résultats confirment ce que nous a dit Anne : la boucle en acier inoxyable ne bouge pas quand toutes les autres sont détériorées par les frottements et le temps.
Bref, cette boucle, vous pourrez la transmettre à vos enfants et à vos petits enfants.
Mais alors pourquoi toutes les marques ne font-elles pas des ceintures avec des boucles en acier inoxydable ?
Une fois la bonne boucle en poche, il fallait trouver un partenaire de confiance pour monter cette ceinture. On a contacté plusieurs ateliers en France, au Portugal et en Espagne et puis en discutant avec Atelier Joly (les fabricants de nos chaussettes)...
Deuxième fois qu’on travaille avec un fournisseur de la région de Castres et deuxième coup de coeur : Xavier est effectivement sympa, bosseur et il a le goût des finitions soignées. C'est lui qui nous a suggéré un montage qui permette de changer la lanière de cuir facilement et de réutiliser la boucle à l’infini.
Il ne nous restait qu'à trouver un bon cuir. Et pour ça, on n'a pas été très loin : on a repris le même que nos ceintures précédentes, qui avait reçu des super notes, aussi bien de la part des clients que des tests labos.
On a tout à fait conscience que le cuir est une matière controversée, surtout pour les marques éco-responsables. On avait déjà essayer de comprendre les dessous de cette industrie avant de lancer nos baskets en cuir – notre (long) article est disponible ici. C’est une des questions les plus difficiles qu’on ait jamais eu à traiter, car elle demande de prendre en compte quatre facteurs parfois contradictoires : notre confort, le bien-être animal, la pollution environnementale et la question sociale. Pour nos baskets, nous avions conclu que – pour l’instant – le choix du cuir animal était préférable.
Pour notre ceinture, notre conclusion est similaire.
D’abord, le cuir apporte un confort que les matières synthétiques peuvent difficilement atteindre : c'est une matière vivante qui change de forme pour épouser la courbure de votre taille3 sans craqueler ni s'abîmer.
D’autre part, si le cuir est bien entretenu et que la boucle est solide, une ceinture peut tenir plusieurs décennies. Surtout si on choisit du cuir “pleine fleur”, la partie la plus solide de la peau d’une bête – là où la densité de fibres est la plus forte.
Et pour minimiser ses impacts négatifs en termes d’écologie et de bien-être animal, nous nous sommes imposés les contraintes suivantes :
Récemment, on a demandé à nos clients de nous envoyer des photos de leur ceinture Loom qu’ils portent depuis deux ans et demi, pour avoir une idée plus précise de comment le cuir de notre ceinture vieillit, et voici le résultat :
Vous pouvez remarquer que le cuir est marqué à l’endroit où appuie la boucle.
La seule solution pour atténuer ce marquage, ça serait de fabriquer une ceinture en trois couches : un "sandwich" avec deux bandes de cuir et au milieu une matière plastique plus solide. Mais c’est précisément ce qu’on avait fait pour la première génération de notre ceinture et vous imaginez bien qu'il est hors de question de prendre le risque que ça se décolle à nouveau. Autre option : assembler le sandwich non pas avec de la colle mais avec des coutures : c’est sûr que ça tiendra plus longtemps mais une couture c’est une zone de fragilité : il suffit qu’un bout du fil saute et toute la ceinture est ruinée (et aussi, on est moins fans de l’aspect esthétique). Donc on a choisi d’accepter ce problème somme toute mineur.
Mais pour que vous vous fassiez votre propre idée, voilà d'autres images de ceinture Loom portée pendant plusieurs années :
Et voici ce qu’en disent les personnes qui la portent depuis plus de 2 ans :
Même si c’est déjà la troisième génération de cette ceinture, elle n’est toujours pas parfaite. Il y a notamment deux choses sur lesquelles on doit s’améliorer :
Mise à jour avril 2021 : nos ceintures sont dorénavant emballées dans une jolie pochette made in Italie, en coton recyclée.
Même si le chemin a été tortueux pour sortir la 3ème génération de cette ceinture, on est vraiment contents du résultat : pour la deuxième fois, on a réussi à faire un produit made in France de bien meilleure qualité que ce qui se trouve sur le marché, même chez les marques haut de gamme. Pour y arriver, on n’a pas essayé de rogner sur les coûts (parce qu’on sait que souvent, ça diminue la qualité ou l’éthique) : étant donnés tous les choix qu'on a décrit plus haut, cette ceinture coûte 50% plus cher à produire que la précédente génération : 20,80€ au lieu de 13,50€. On a fait nos calculs et on a décidé de la vendre 55€ : c’est vraiment un rapport qualité-prix imbattable pour nos clients et clientes et nous, ça nous laisse une marge raisonnable pour vivre.
Mise à jour avril 2021 :
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1 D'ailleurs, si vous avez une ceinture de cette génération qui se décolle aussi, envoyez-nous un mail à hello@loom.fr pour qu'on vous rembourse ou qu'on vous en offre une nouvelle.
2 En fait, les deux métaux coûtent à peu près le même prix, mais une boucle en acier coûte bien plus cher à fabriquer. En effet, le Zamak a de très bonnes propriétés de "coulabilité" et on peut donc mouler une boucle en une seule fois. En revanche, l'acier est moins coulable, donc doit forcément être usiné après avoir été moulé pour faire l'intérieur de la boucle, un procédé long et relativement cher.
3 D'ailleurs la marque de pantalons américaine Bonobos s'est fait connaître pour sa ceinture courbée plus anatomiquement adaptée que les pantalons à ceinture droite.
La compensation n'est pas une solution : par exemple, si on voulait compenser l’intégralité de nos émissions de CO2 en plantant des arbres, il faudrait boiser quasiment l’intégralité des terres cultivées aujourd’hui dans le monde. Source : Jean-Marc Jancovici.
Autre exemple avec cette tribune de 1000 scientifiques « Face à la crise écologique, la rébellion est nécessaire » publiée 20/02/20 dans Le Monde.
L’effet rebond, de manière plus générale, explique que les économies d’énergie prévues par une nouvelle technologie sont compensées par une augmentation de la consommation. Et c'est loin d'être le seul effet pervers du développement durable.
Un fonds d’investissement est une société qui recueille et place l’argent d’investisseurs en achetant des actions dans les entreprises.Le chiffre des "trois quarts" est issu du livre blanc publié par l'Association Nationale des Sociétés par Actions en 2016.
Pour aller plus loin, lire "Successful Non-Growing Companies" publié en 2015 par Liesen, Dietsche et Gebauer.Pour en savoir plus sur les déséconomies d'échelles, lisez la page Wikipédia.
Stock-options : rémunération variable liée à la valeur de l’action qui a explosé depuis les années 70. Grâce à elles, le salaire des grands patrons américains a été multiplié par plus de 10 en 40 ans quand celle d’un employé moyen n’a connu une hausse que de 12%.
Retrouvez l'article original ici.
Illustrations par Rachel Suming.
Qui on est pour dire ça ?
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En avril 2019, dans les commentaires d’un article, vous nous avez dit ça :
Et ça nous a fait pas mal réfléchir. On s’est rendu compte que les baskets, c’est la pièce de notre vestiaire qui s’abîme le plus vite. C'est vrai qu'entre les chocs, les frottements, la pluie, c’est pas facile de les garder plus d’un an ou deux. Et pour ne rien arranger, les solutions de réutilisation ou de recyclage sont quasi-inexistantes.
Alors on s'est mis en tête de faire des baskets vraiment durables :
Réunir ces trois caractéristiques, ça oblige forcément à faire des compromis. Ces baskets ne sont pas parfaites, mais oui, ce sont les meilleures qu’on ait réussi à faire.
Voici comment on s’y est pris.
D’abord, on a eu la chance de croiser la route de Caroline. Pour la faire courte, Caroline est une star de la chaussure : formée chez Hermès, elle est passée chez Castelbajac, a chaussé des petits artistes méconnus comme Beyoncé, Lady Gaga ou Gondry avant de monter sa marque de sneakers de luxe. On est aussi raccord sur les questions environnementales et a on a la même vision de l'entreprise (sinon elle n'aurait jamais accepté de travailler avec nous).
Franchement, sans elle, on ne sait pas comment on aurait fait. Généralement pour fabriquer un vêtement, il faut identifier deux fournisseurs (1- celui qui fabrique le tissu, 2- celui qui confectionne le vêtement) mais pour la chaussure, c’est une tout autre histoire : il faut trouver le confectionneur, le formier, les fournisseurs de cuir, lacets, oeillets, semelle extérieure, semelle intérieure, boîte en carton… Caroline nous a fait rencontrer directement les bons interlocuteurs : on a pu comprendre ce qui fait une chaussure de qualité, décortiquer les processus, choisir les meilleures éléments, voir de nos propres yeux les conditions de travail... In fine, la plupart des acteurs impliqués dans la fabrication de cette basket se trouvent dans un rayon de 50km autour de Porto. Non seulement ça permet de gagner en qualité et en réactivité, non seulement ça évite que la basket n’ait à parcourir 40 000 km avant d’arriver chez vous, mais surtout, ça permet à un réseau d’entreprises locales de travailler en symbiose. C’est pas ça l’avenir de l’économie ?
Pour être certain de faire une basket qui tienne longtemps, on a lancé un sondage avec une seule question : “Pourquoi vous jetez vos baskets ?”. Puis on a épluché les 1000 réponses que vous nous avez données, et voici ce qu’on a compris.
En général, c’est la semelle qui vous lâche en premier.
Ce qui est le plus courant chez les marques dites "de qualité" c'est d'utiliser une semelle en "gomme" (un mélange de caoutchouc naturel et synthétique) ; plusieurs usines (comme Margom pour la plus connue) proposent ce produit et chacune à sa recette. Pour choisir les plus solides, on a pris des semelles parmi les fournisseurs les plus réputés et on a mesuré leur “résistance à l’abrasion” avec une machine comme ça :
La gagnante de nos tests : une semelle de la marque Bolflex (voir les résultats des tests)1.
On a aussi testé une semelle à base de gomme recyclée à partir des chutes de matière de l’usine2. Elle s’est avérée 30% moins résistante : ce n’est pas surprenant, les matières recyclées sont généralement moins stables que les matières vierges. Donc si les baskets durent 3 ans avec une semelle normale, elles ne dureraient plus que 2 ans avec une semelle recyclée ! On a donc choisi de rester sur une semelle en gomme vierge. Au niveau environnemental, ce qu’on gagnerait avec une semelle recyclée ne pourrait jamais compenser cette diminution de durée de vie. En revanche, la marque O.T.A. a la bonne idée d’utiliser de la matière non pas recyclée mais upcyclée en récupérant des pneus usagés qu’elle intègre aux semelles. Comme les gens sont en général moins lourds que des voitures, ces semelles sont assez imbattables en terme de résistance à l’abrasion.
Enfin, on s’est attaqué à la forme-même de la semelle : pour réduire sa vitesse d’usure, on a ajouté un peu de matière au niveau des zones de frottements.
Pour la matière principale, on a d’emblée exclu le tissu (coton, laine, lin, polyester, etc.) : pour pouvoir porter des baskets toute l’année, il faut qu’elles soient étanches. Et puis il y a une question de résistance : sur un tissu, des trous finiront toujours par apparaître...
Du coup, on avait le choix entre :
Une des raisons pour laquelle nous avons choisi le cuir animal (bovin en l’occurrence, de loin le principal cuir utilisé dans la chaussure), c’est parce qu’il a le meilleur rapport qualité-confort : il est quasi-imperméable à l’eau, il tient chaud, il absorbe l'humidité de la transpiration (ce qui empêche les odeurs voire la formation de mycoses), il est naturellement flexible et s’adapte à la forme des pieds au fur et à mesure des semaines. Et surtout, il est très résistant : quand les cuirs synthétiques peuvent craqueler et s’abîmer avec le temps3, le cuir bovin (s’il est bien nourri) résiste.
On a tout à fait conscience que cette matière est controversée pour les marques éthiques et/ou écoresponsables. Alors on a passé beaucoup de temps à essayer de comprendre cette industrie avant de prendre une décision. C’est une des questions les plus difficiles qu’on ait jamais eues à traiter, parce qu’elle demande de prendre en compte quatre facteurs parfois contradictoires : notre confort, le bien-être animal, la pollution environnementale et la question sociale. On vous explique tout dans un article dédié à ce sujet à lire ici, mais si vous n’avez pas notre temps, voici un récap rapide de pourquoi on a choisi d’utiliser du cuir :
Ce qu’on a compris en creusant ce sujet, c’est que pour le bien-être animal et l’impact environnemental, il faut à tout prix que ce cuir soit produit, tanné et assemblé en Europe. On s’est donc mis en quête du bon cuir européen.
Mais avant ça, il fallait trouver la bonne couleur. Au début, on se disait que les baskets blanches, c’était pas top : un peu trop salissant à la longue et tannage végétal impossible (un cuir à tannage végétal blanc, ça jaunit avec le soleil). Mais on s’est vite rendu à l’évidence : on n’est pas encore Anna Wintour et ce n’est pas nous qui allions détourner les gens des baskets blanches.
On a donc cherché un cuir blanc de qualité, produit et tanné en Europe. La difficulté, c’était d’en trouver un dont la couche de pigments blancs ne soit pas trop épaisse, afin qu’il ne perde pas ses propriétés respirantes et flexibles, qu’il n’ait pas un toucher trop plastique et qu’il ne craquèle pas avec le temps. Au final, après avoir étudié plusieurs options, on a trouvé notre bonheur chez un tanneur espagnol (Palomares) : un cuir bovin européen pleine fleur grainé. Pleine fleur, parce que c’est la partie la plus solide de la peau d’une bête – c’est là où la densité de fibres est la plus forte. Grainé, car à la différence d’un cuir lisse, il marque moins les plis notamment sur l’avant de la chaussure.
Pour l’intérieur, on a trouvé au Portugal un cuir écologiquement inégalable : un cuir bovin à tannage végétal et teinture naturelle (ça veut dire qu’il est sans chrome et sans métaux, ce qui est plus sûr notamment pour les personnes aux peaux plus sensibles, allergiques ou ayant des problèmes de peau).
On a aussi tout fait pour que ces baskets ne vous fassent pas mal aux pieds.
On a donc d’abord travaillé sur la forme. Notre “formier” travaille avec Caroline depuis plusieurs années, et il a développé pour nous une forme à la fois élégante et confortable4 :
Mais on ne s’est pas arrêté là, on a ensuite cherché à maximiser le confort de la basket :
Ensuite, on a essayé de trouver des solutions à tous les autres problèmes que vous nous aviez remontés :
Vos semelles finissent par se décoller ? On les a cousues au cuir via une piqûre latérale6, après les avoir collées avec une colle très résistante mais sans solvants (potentiellement toxiques).
Même si on y a mis que des bons ingrédients, un plat peut être immangeable… La seule manière de s’assurer que ces baskets soient vraiment bien, c’est de les tester en conditions réelles. Ça fait presque un an que chez Loom, on porte les différents prototypes quasiment tous les jours. On en a même distribué quelques paires à des testeurs (vous pouvez même lire ici les retours détaillés de l’une d’entre eux ici) pour être sûr que notre avis n’est pas biaisé.
Avec ce recul, on peut vous dire que nos baskets sont parmi les plus confortables et les plus résistantes qu’on ait jamais portées. Pour être francs, il n’y a qu’un seul défaut qu’on n’a pas réussi à résoudre : le blanc, c’est salissant. Alors oui, il faut les entretenir régulièrement. On a fait le test avec un de nos prototypes et vous verrez que si vous y consacrez une demi-heure de temps en temps, vous pourrez faire croire à tout le monde qu’elles sont neuves (retrouvez d’ailleurs nos conseils d’entretien ici).
Mise à jour janvier 2021 : Et si vraiment le blanc ce n'est pas possible pour vous, les baskets existent maintenant en noir.
Comme on voulait que ces baskets aillent au plus de monde possible, elles sont unisexe et les pointures vont du au 57 au 47 (si on voulait faire au-delà, il aurait fallu faire développer un nouveau moule et, économiquement, on ne peut pas encore se le permettre).
Pour fabriquer au Portugal une basket de ce niveau, il faut y mettre le prix : elles coûtent 49€ à produire. Pour vous donner un point de comparaison, une paire de baskets de grande marque type Stan Smith, c’est acheté en Chine aux alentours de 5 à 10€. Bref, pour pouvoir fabriquer ces baskets, payer les frais logistiques, d’expédition, la TVA, nourrir nos enfants et animaux de compagnie, le prix minimum qu’on puisse la vendre, c’est 115€ (comme d’habitude, livraison incluse et retours / échanges à notre charge).
OUI ON SAIT, on vous avait dit qu’on ne ferait plus jamais de préventes . Mais entre temps le Covid-19 est passé par là et on doit faire bien attention à comment on gère notre argent et nos stocks. En plus, comme c’est une toute nouvelle catégorie de produit pour nous, on a aucune idée de la quantité que vous allez nous commander ni de la répartition de tailles… Alors on préfère d’abord vous demander et fabriquer en fonction.
La pré-commande commence dès maintenant et se terminera dimanche 14 juin à minuit. Et on vous livrera … début novembre. OUI ON SAIT C’EST MEGA LONG7.
Plus sérieusement, le Covid a bouleversé beaucoup de choses chez nos fournisseurs. La bonne nouvelle, c’est que celui qui fabrique nos chaussures a son carnet de commandes bien rempli : en ce moment, ceux qui produisent bien et localement ont le vent en poupe. La moins bonne nouvelle, c’est que si on ne veut sacrifier ni la santé des gens qui travaillent dans son usine, ni la qualité de nos baskets, il faut accepter d’attendre 5 mois. Mais à choisir, on préfère toujours faire bien que faire vite, et on sait que vous le comprenez.
Mise à jour janvier 2022 : Ces baskets sont dorénavant accessibles en vente directe.
Qui on est pour dire ça ?
Vous êtes sur La Mode à l’Envers, un blog tenu par la marque de vêtements Loom. L'industrie textile file un mauvais coton et c'est la planète qui paye les pots cassés. Alors tout ce qu’on comprend sur le secteur, on essaye de vous l’expliquer ici. Parce que fabriquer des vêtements durables, c’est bien, mais dévoiler, partager ou inspirer, c’est encore plus puissant.
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Sources des notes :
1 Et pour les initiés : oui, on a testé une Margom, et oui la Bolflex est meilleure même si les résultats nous montrent que ce sont deux très bonnes semelles.
2 C'est ce qu'on appelle recyclage pre-consumer. En gros, ils récupèrent les semelles défectueuses ou non conformes et ils les refondent pour en faire de nouvelles. Par rapport à un recyclage post-consumer, la qualité est meilleure car la matière première est bien plus homogène.
3 On n'a trouvé aucune étude qui objectifie ce résultat, nous répétons donc ce que les fournisseurs nous ont dit. Nous creuserons ce sujet à l'avenir.
4 Il y a tellement de formes de pied différentes, qu’une basket ne sera jamais confortable pour 100% de la population. Mais un bon formier sait faire une forme qui soit confortable pour le plus grand nombre.
5 Le sujet du dénivelé sur les chaussures (on appelle ça aussi le "drop") est très débattu chez les podologues. Mais selon cette étude de 2017 sur 60 podologues, 83% d'entre eux conseillaient un talon de 2 à 4 cm.
6 C'est un montage similaire aux fameux cousus Blake ou Goodyear des chaussures de ville (où la semelle est entièrement cousue sous la chaussure), mais adaptés aux baskets (où la semelle remonte légèrement sur les côtés).
7 Mais la deuxième saison de Baron Noir a mis aussi trois plombes à sortir, et pourtant ça valait le coup d’attendre, non ?
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